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Présidentielle Niger, un duel sans merci

La recomposition des deux camps qui s’affronteront lors du deuxième tour de la Présidentielle,  le 21 février, pourrait réserver quelques surprises au dauphin du président Issoufou, Mohamed Bazoum, qui semble pour l’instant avoir le vent en poupe.

 

Ce dimanche a vu le lancement en fanfare de la campagne des deux candidats sélectionnés pour le deuxième tour de la Présidentielle: Mohamed Bazoum à Niamey, la capitale du pays, et Mahamane Ousmane dans le fief de son puissant allié Hama Amadou,  qui n’a pas pu prendre part à la campagne en raison de ses démêlés avec la Justice.

Si l’on additionne sur le papier les forces des deux camps, le candidat du pouvoir, Mohamed Bazoum, est largement gagnant avec ses 39,30% du premier tour, un score renforcé par le ralliement d’une myriade de partis, petits et grands. Pour le candidat de l’opposition  Mahamane Ousmane, les 17% qu’il a obtenus au premier tout ne peuvent s’additionner qu’aux voix de deux mouvements ralliés, qui représentant 14,60% des suffrages- soit un peu moins de 32% au total (1). 

Les jeux sont-ils faits pour autant? La partie risque d’être beaucoup plus difficile qu’au premier tour pour Mohamed Bazoum, en dépit des très importants moyens logistiques et financiers dont il dispose ainsi que de la maîtrise des organes chargés de superviser l’élection. Les reports de voix  pourraient être surprenants et l’abstention massive..

Le prix du ralliement

Le candidat du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS), Mohamed Bazoum, enregistre le ralliement des csndidats arrivés en 3e et 4e positions lors du premier tout le 27 décembre. C’est le Président actuel,  Mahamadou Issoufou, dont Bazoum est le dauphin, qui se serait chargé personnellement de la négociation avec  Seyni Omar et Abouba Albadé, qui pèsent à eux deux environ 16% des voix, Ce dernier, originaire de son fief de Tahoua, a rendu visite à Issoufou le lendemain du premier tour.

La présidence de l’Assemblée nationale pour Seyni Omar, celle du Conseil économique, social et culturel pour Albadé, une poignée de ministres pour chacun d’entre eux, et quelques milliards de francs CFA pour financer la campagne du deuxième tour : voilà, en substance, ce qui aurait été négocié avec les deux leaders politiques, pour prix du ralliement,  dans un étonnant parallélisme des formes.

La menace de l’abstention

La difficulté de toute prévision électorale vient de la résistance de la base des mouvements ralliés au pouvoir face à des compromis passés au sommetLe parti le plus en difficulté est le Mouvement National pour la Société du Développement (MNSD), l’ex parti du pouvoir dirigé par Seyni Omar, qui a dû contourner l’avis des comités de base des 8 sections du parti favorables à Mahamane Ousmane et imposer sa position, sans la mettre aux voix, au bureau politique. Plusieurs sections du parti ont fait savoir dans la foulée que leurs militants voteraient pour le candidat de l’opposition.

A Jamhuriya, si Abouba Albadé n’a pas connu ces déboires, certains militants, échaudés par la vigueur du combat du premier tour dans les zones nomades, n’ont pas l’intention non plus de suivre les consignes du parti. L’abstention menace.

En effet, s’ils ont fait partie de la majorité présidentielle ces dernières années, le MNSD et Jamhuriya sont restés en marge de l’exercice véritable du pouvoir, monopolisé par le parti rose d’Issoufou et de Bazoumet sa toute puissante administration. Tout juste ont-ils pu distribuer quelques postes et se partager quelques portefeuilles, à condition de ne jamais manifester la moindre divergence et d’encaisser quelques humiliations. 

Le défi de la fraude 

 Les opérations de vote et de dépouillement vont faire l’objet d’une intense mobilisation, l’opposition ayant juré de se déployer en force pour limiter les scores du candidat du parti au pouvoir, qu’il devrait, selon elle, à des fraudes massives. Des soupçons de bourrage d’urnes pèsent sur les résultats du parti au pouvoir hors du commun enregistrés en zone pastorale, où l’électorat vote traditionnellement peu. 

A Zinder, fief des deux candidats et région la plus peuplée du pays, les partisans de Mahamane Ousmane comptent mobiliser massivement les électeurs et recourir au Coran pour dissuader les fraudeurs.

L’autre facteur favorable à l’opposition est l’émergence toute récente, dans le débat politique, de personnalités très connues du pays, jusqu’ici silencieuses, signataires d’un « appel au sursaut patriotique » publié le 31 janvier. Sns prendre position clairement dans le duel électoral, le texte fait figure de réquisitoire contre les dix ans de gouvernance socialiste.

Les avocats, chercheurs, et intellectuels nigériens signataires y dénoncent notamment « l’affaiblissement des institutions en charge de la vie démocratique de notre pays, (…)  l’instrumentalisation et la politisation de l’administration, la misère généralisée, la mise à mal de l’unité nationale».   

(1) Mahamane Ousmane avait enregistré, dès le 30 janvier, le ralliement de la coalition de l’Alliance des candidats pour le Changement, forte de 9,32% des voix., et de la coalition de l’opposition CAP 21, arrivé en 5e position avec 5,38% des voix.

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