Éminences grises (3/6), Thierry Moungalla, « le perroquet » de Sassou

Promis à une brillante carrière d’avocat en France, pays dont il a aussi la nationalité, Thierry Moungalla a choisi de rentrer au Congo en 2002 pour s’engager en politique. D’abord aux côtés de l’opposition et depuis 2004 dans l’entourage du président Denis Sassou N’guesso dont il est devenu le porteur de la parole. Certains disent « le perroquet « .
 
Quand il fait, en 2002, le choix de tout laisser tomber en France où il est avocat pour rentrer au Congo, Thierry Moungalla ne s’engage pas aux côtés de Denis Sassou N’guesso mais d’André Milongo, ancien premier ministre de la transition qui lorgnait alors le fauteuil présidentiel.
 
 

Saut dans l’inconnu

Dans le marigot politique congolais, où il n’y a que des coups à prendre, Me Moungalla, se fait un nom. Physique de basketteur, toujours tiré à quatre épingles, il parle bien et ne passe jamais inaperçu. Denis Sassou N’guesso, le patriarche du Congo, qui sait reconnaître la qualité de ses adversaires, détecte ce jeune talentueux qui coche à ses yeux toutes les case. En 2004, Sassou s’arrache Thierry Moungalla comme un trophée de guerre. Il en fait son Conseiller spécial. Derrière ce titre officiel, qui ne veut rien dire au Congo, l’ancien avocat va s’occuper de la communication du président, alimentant son patron avec notes et conseils stratégiques. Il utilise son carnet d’adresse dans les grands médias internationaux.  Son travail plaît au président de la République qui décide en 2007 d’en faire son ministre des Postes et télécommunications. Pendant huit années, Thierry Moungalla accomplira sa mission avec le zèle et l’enthousiasme d’un nouveau converti.

2015, la consécration

Mais c’est véritablement en 2015 qu’il décroche le job de sa vie. A la faveur du nouveau remaniement ministériel, il devient ministre de la Communication et des médias, porte-parole du gouvernement. Il a alors tout juste 50 ans. Hasard de calendrier ou ironie de destin, en cette année 2015 Sassou a choisi de doter son pays d’une nouvelle Constitution qui lui ouvre la voie à des nouvelles années à la tête d’un pays sur lequel il règne déjà depuis plus de 40 ans. Thierry Moungalla mouille sa chemise : il justifie sur tous les toits le choix du président ; il incite ses compatriotes à voter massivement la nouvelle loi fondamentale. Servi par ses qualités oratoires d’avocat, il écume la presse internationale pour justifier tout et toujours dans le bilan de Sassou N’guesso. Quitte à prendre des raccourcis et à s’arranger avec la réalité. Familier des réseaux sociaux, notamment de twitter sur lequel il est suivi par plus de 74000 followers, Thierry Moungalla n’hésite pas à lancer des piques à ceux qui « s’aventurent » à critiquer son leader bien aimé, y compris les journalistes. Ses détracteurs lui ont trouvé le nom de « tshaku » qui veut dire « perroquet » en lingala, la principale langue nationale du pays. Même lorsqu’il est attaqué sur un plan strictement personnel en raison de son albinisme, Thierry Moungalla ne perd pas son sens de la repartie : « Peu importe, répond-il à ses détracteurs, la couleur du chat. Qu’il soit blanc ou noir, l’essentiel est qu’il attrape des souris ».
Après le père, le fils
Depuis 2015, un record au Congo, Thierry Moungalla exercice la fonction sensible de porte-parole du gouvernement, mais surtout assume de défendre partout et en tout temps Denis Sassou N’guesso qui cumule longévité et mauvaise gouvernance à la tête du Congo. Et comme deux garanties valent toujours plus qu’une seule, Thierry Mongalla s’est lié d’amitié avec Denis Christel, fils aîné du président Denis Sassou Nguesso, ministre de la Coopération internationale et partenariat public-privé, mais aussi son dauphin putatif. La stratégie devrait être payante. Si Sassou N’guesso décidait, comme il en a l’air, de se présenter à la présidentielle de 2026 Thierry Moungalla tiendra son rang à son service et l’accompagnera à nouveau de son projet de présidence à vie. Et dans le scenario tout à fait improbable où le vieux patriarche décidait de passer la main à son fils Denis Christel lors de la présidentielle de 2026, l’avocat sera là encore pour aider à assurer la continuité de l’héritage familial. Au service du Congo et de la dynastie Sassou N’guesso.
Francis Sahel