Le grand vent de la réconciliation nationale n’a toujours pas soufflé sur le Tchad, dix huit mois après le décès du président Idriss Deby Itno qui a dirigé le pays pendant trente ans. Son successeur, son fils Mahamat, peine à définir une stratégie claire.
Ceux qui rêvaient d’un grand vent de réconciliation nationale souffle sur le Tchad après la mort brute en avril dernier du président Idriss Deby Itno des suites des blessures au combat devrait encore patienter.
Du cas par cas
Alors que s’attendait à une stratégie claire de réconciliation nationale et de dialogue portée par une amnistie générale, Mahamat Idriss Itno, qui a pris la succession de son père, sa qualité de président du Conseil militaire de transition, préfère négocier au cas par cas le retour des exilés. Jusqu’ici ce sont plutôt des opposants de second rang, plutôt des activistes que de dangereux adversaires du pouvoir, qui ont rallié N’Djamena.
De Bruxelles à Doha, en passant par Paris et Bruxelles, des émissaires du pouvoir de transition tchadien ont rencontré des opposants plus pour prendre connaissance de leurs attentes que pour les convaincre de revenir au bercail. En réalité, les émissaires du CMT n’avaient de mandat clair et solide et n’ont pu répondre à de nombreuses questions des Tchadiens rencontrés où dans les capitales où ils ont été dépêchés.
Dialogue de sourds
Le malentendu est, à y regarder de près, beaucoup plus profond. Pour Mahamat Idriss Deby et le CMT, la réconciliation nationale passe non pas forcément par une loi d’amnistie générale mais par le dialogue national avec toutes les parties tchadiennes. Sauf que tout le monde n’a pas la même compréhension du dialogue. Les groupes politico-militaires, par exemple, exigent que la tenue d’un pré-dialogue hors du Tchad avant le dialogue en lui-même. Ils l’ont fait savoir à l’ancien président Goukouni Weddeye spécialement désigné par la transition comme responsable du pré-dialogue avec les groupes politico-militaires. Les représentants de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) et du Rassemblement des forces du changement (RFC) rencontrés à Paris et Doha ont fait savoir à l’ancien président tchadien qu’il n’est pas question, en l’état actuel de la situation socio-politique au Tchad, de se rendre à N’Djamena où ils ne disposent pas de toutes les garanties pour leur sécurité. Pour certaines politiques intérieures, dont « les Transformateurs » de l’opposant Succès Masra, il n’est pas question d’aller au dialogue national sans l’assurance que les décisions qui en sortiront seront exécutoires. Une position partagée par la plate-forme de la société civile Wakitama qui estime, par ailleurs, qu’avant même le dialogue il va falloir régler la question du partage du pouvoir entre civils et militaires pendant la période de transition. Les Transformateurs et Wakitama appellent également à graver dans le marbre l’interdiction aux autorités de transition de se présenter aux prochaines élections. Sur ce plan, Mahamat Idriss Deby, le reste du CMT et le gouvernement de transition entretiennent le flou total.
Transition élastique
Ce n’est pas la seule absence de clarté de la transition tchadienne. Il n’existe à ce jour aucun calendrier précis de la période transitoire censée durer 18 mois. Nul ne sait à quelles dates exactes auront lieu le dialogue national, la rédaction de la nouvelle Constitution, encore moins les élections générales. En revanche, on sait que tout cela ne pourra pas se faire dans les dix prochains mois qui restent pour boucler la transition. Même si personne n’en parle aujourd’hui, le Tchad ne peut pas faire l’économie d’une prolongation de la transition.
Reste à savoir pour combien de temps et avec quelle nouvelle clé de partage de pouvoir entre civils militaires. En tout cas, ce sera toujours sous la présidence de Deby fils, avec le soutien de la communauté internationale.