Beaucoup voient derrière le coup d’Etat militaire de lundi dernier au Soudan l’ombre de l’Egypte avec laquelle l’état-major soudanais entretient d’étroites relations. Mais rien n’indique qu’Albdel Fattah-Al-Bourhane réussira au Soudan ce que Abdel Fattah Al-Sissi a réussi en Egypte.
En s’accaparant de tous les pouvoirs, les militaires soudanais ont simplement accéléré ce que l’on redoutait depuis plusieurs mois : le refus de transférer la présidence du Conseil de souveraineté à une personnalité civile, conformément à l’accord de gestion alternée du pouvoir conclue au lendemain de la chte en avril 2019 du président Omar El-Béchir.
Même s’il s’en était alors défendu, la tentative de coup d’Etat militaire du 21 septembre dernier ressemblait à un échauffement des militaires soudanais qui ont fini par s’emparer de tous les leviers pouvoir en écartant de la gestion de la transition toutes les personnalités civiles dont le Premier ministre Abdallah Hamdok.
Coup d’État dans le coup d’État
Après avoir invoqué « l’urgence de la rectification » d’une transition à la dérive et s’être prévalus du soutien de la population, les militaires soudanais tentent désormais d’imiter leurs frères d’armes égyptiens en instaurant le règne de la terreur et la répression aveugle. Comme en Egypte lors de la prise de pouvoir par l’armée, la soldatesque a tiré à vue sur les foules dans les grandes villes du Soudan et a procédé à des arrestations massives.
Au moins onze personnes ont été tuées depuis le début de la contestation du coup d’Etat dans le coup d’Etat. Des sources hospitalières avaient comptabilisé plus de 140 blessés pour la seule journée de mardi marquée par ailleurs par des interpellations à tour de bras de manifestants battus, insultés et traînés au sol par les forces de l’ordre. Réputés pour leur férocité, les forces de réaction rapide, une unité paramilitaire aux ordres du général Hamdan Daglo dit « Hemmetti », étaient en première ligne dans la sanglante répression des manifestants contre le coup d’Etat perçu par une bonne partie de l’opinion soudanaise comme « un retour en arrière ».
Pari risqué
Si comme en Egypte au Soudan aussi l’armée conserve un poids énorme dans l’économie en s’accaparant chaque année de près de 12% des dépenses budgétaires, rien n’indique que le général Abdel Fattah Al-Bourhane pourra compter sur la même mansuétude de la communauté internationale que son homologue égyptien Albdel Fattah Al-Sissi. Dans la volonté de ce dernier d’éradiquer les frères musulmans alors au pouvoir au Caire, l’actuel président égyptien qui a débuté une répression meurtrière et brutale, a bénéficié de la mansuétude de ses partenaires occidentaux.
Al-Sissi a pu ainsi asseoir son pouvoir et même de devenir un interlocuteur fréquentable des Etats-Unis et de l’Union européenne, si prompts à défendre la démocratie et les libertés dans d’autres parties du monde. Plus qu’en Egypte, au Soudan la junte militaire aura besoin du soutien de la communauté internationale pour sortir du marasme économique actuel traduit par une inflation à près de 400%.
Parrains régionaux
Au terme d’un long processus, le gouvernement de transition avait réussi à renouer avec la communauté des bailleurs de fonds et était sur le point de conclure d’importants accords financiers. Avec le coup d’Etat de lundi, tous ces acquis ont été balayés d’un revers de la main. Les Etats-Unis ont déjà annoncé la suspension d’une aide financière de 700 millions de dollars conclue avec le gouvernement d’Abdallah Hamdok.
L’union européenne a indiqué, de son côté, que son aide financière au pays était conditionnée au retour aux affaires du PM Hamdok et son équipe. Rien n’indique aujourd’hui que le général Al-Bourhane ait obtenu de ses parrains régionaux tels que l’Egypte, les Emirats arabes unies et l’Arabie saoudite la garantie qu’ils assureront l’aide internationale compromise par le coup d’Etat de lundi. Rien n’indique non plus que la stratégie de la répression tous azimuts suffira à vaincre la peur des Soudanais à laisser l’armée gouverner toute seule jusqu’aux élections générales normalement prévues en juillet 2023. Le Soudan a certes réussi l’exploit inattendu de chasser, après près de 30 ans au pouvoir, Omar El-Béchir, mais le pays n’est pas pour autant sur le chemin de la stabilité.
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