Le président sénégalais Macky Sall et son principal opposant Ousmane Sonko se livrent un duel sans pitié pour s’assurer le soutien de la jeunesse sénégalaise en vue de la présidentielle de 2024 : des promesses tous azimuts du coté du pouvoir, une défense des valeurs démocratiques pour l’opposition
Certains ont cru avoir mal entendu ; d’autres ont pris l’annonce pour une promesse sans lendemain. Le président sénégalais Macky Sall a créé la surprise en mars dernier en s’engageant à mobiliser 450 milliards de FCFA (675 millions d’euros) sur trois ans, dont 150 milliards (225 millions d’euros) dès cette année 2021, en faveur de la jeunesse de son pays.
Le timing de cette soudaine bienveillance à l’égard de la jeunesse n’a rien de fortuit : le chef de l’Etat sénégalais a découvert brutalement en mars dernier qu’une grande partie de la jeunesse sénégalaise a été le fer de lance des manifestations contre l’arrestation de son principal opposant Ousmane Sonko
Le Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes doté de ce budget de 450 milliards de FCFA ne vise donc qu’à reconquérir la jeunesse sénégalaise. Macky Sall sait qu’il aura besoin d’elle d’abord pour passer le test de la validation de sa candidature pour la présidentielle de 2024 ; ce que la Constitution actuelle ne permet pas.
Guichet Jeunesse
Passée cette étape, soit à travers une modification de la Constitution soit à travers une nouvelle Constitution (ce qui fut fait en Guinée et en Côte d’Ivoire), Macky Sall aura besoin du suffrage des jeunes pour garder le fauteuil présidentiel. Face à ce double enjeu, le président sénégalais s’est lancé dans une vaste opération de séduction en direction de la jeunesse. Dès cette année, l’Etat va mobiliser près de 80 milliards de FCFA pour recruter 65000 jeunes dans les secteurs de l’éducation, de la reforestation, du reboisement, de l’entretien routier et de la sécurité. Un guichet unique sera installé dans 45 départements pour offrir aux jeunes des conseils en création d’entreprises, soutiens financiers, formation.
Autre geste de bienveillance à l’endroit de la jeunesse sénégalaise, Macky Sall a signé en avril dernier à Dakar avec le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez un accord d’émigration temporaire permettant aux Sénégalais de venir travailler pendant une durée déterminée en Espagne avant de retourner dans leur pays.
Contre-attaque de Sonko
Reste à savoir si cette stratégie de séduction de Macky Sall suffira. L’interrogation est d’autant plus légitime que le président du parti des patriotes du Sénégal pour l’éthique, le travail et la fraternité (PASTEF), Ousmane Sonko, semble avoir pris une longueur d’avance auprès des jeunes. Le leader du PASTEF, qui aura 47 ans en juillet prochain contre 60 ans au président Sall, sait que le duel avec son adversaire pour conquérir la jeunesse se joue aussi sur le terrain de la symbolique. Il n’hésite pas ainsi à s’habiller comme les jeunes sénégalais : T-shirt, casquette, jean et basket. Histoire de leur dire, c’est bien moi qui vous ressemble.
Sonko n’hésite pas non plus à aborder les thématiques dont raffole une grande partie de la jeunesse africaine : diatribes anti-franc CFA, dénonciation du néocolonialisme, etc.
Ancien inspecteur des impôts, Sonko, qui n’a exercé aucune fonction ministérielle, sait en outre que la posture de chevalier blanc de la croisade contre la corruption, la gabegie et le clientélisme peuvent lui assurer des dividendes politiques auprès de jeunes. De l’acquisition d’un nouvel avion présidentiel pour près de 110 millions d’euros à la révélation d’un scandale de corruption dans le pétrole mettant en cause Aliou Sall, frère cadet du président Macky Sall, en passant par l’enrichissement de certains ministres, le pouvoir a lui-même prêté le flanc pour être opportunément attaqué par son opposant le plus en vue. En ouvrant grandement le chéquier, Macky Sall espère d’ici à 2024 convaincre les jeunes de la volonté de son régime de les faire bénéficier eux aussi des richesses du pays.
Entre le président Sall et l’opposant Sonko, la bataille de la jeunesse s’est transformée en une course de fond dont la ligne d’arrivée sera la présidentielle de 2024.