Au Niger, l’école publique est prise en étau entre les menaces de terrorisme et l’incurie du pouvoir.
Ce sont des chiffres qui en disent long sur l’agonie de l’école nigérienne : en 2019, sur 65 311 candidats au baccalauréat, seuls 26,56 % ont été reçus, à l’issue des épreuves des premiers et seconds groupes. Au brevet d’études du premier cycle (BEPC), le tableau n’est guère plus brillant. Sur 146 525 candidats, seulement 33,64% ont obtenu le diplôme qui ouvre les portes du lycée.
La menace terroriste ne justifie pas à elle seule ces résultats. Niamey, la capitale, qui n’est pas situé sur « la ligne de front » enregistre 27,77% de taux de réussite au Bac ; Zinder, la deuxième ville du pays, elle aussi loin des attaques djihadistes des groupes terroristes du nord Mali ou de Boko Haram sur la frontière avec le Nigéria, obtient à peine 28,72% de réussite au baccalauréat.
A même le sol
Dans un pays qui affiche un des taux de fécondité les plus élevés au monde, les infrastructures scolaires n’ont pas suivi l’évolution des effectifs. Résultat, à Niamey, comme dans les principales villes du pays, des élèves étudient à même le sol, faute de tables-banc en nombre suffisant dans les classes.
D’autres élèves, y compris dans la périphérie de la capitale, prennent leurs cours dans des classes en paillottes vulnérables à la moindre intempérie. L’abandon des écoles de formation a entraîné l’arrivée dans le système éducatif d’enseignants sans niveau adéquat, ni vocation à transmettre le savoir.
S’y ajoute la politisation excessive des structures en charge de l’éducation nationale qui n’épargne même plus les postes les plus techniques. Le militant d’un parti membre du Mouvement pour la renaissance du Niger (MRN, coalition au pouvoir) a dix mille fois plus de chance d’accéder à un poste de directeur central au ministère, de directeur régional ou départemental qu’un expert qui présente un bien meilleur profil.
Un seul grand lycée technique
Les insuffisances de l’enseignement général n’ont pas été compensées par la formation professionnelle et technique qui se trouve dans un état encore plus grave. Le pays compte un seul grand lycée technique national établi à Maradi; l’ancienne capitale économique ainsi que quelques établissements de formation professionnelle à Niamey. Pas de quoi satisfaire en quantité et en qualité la demande en ingénieurs, en techniciens et en ouvriers qualifiés.
En 2011, à la faveur de l’entrée dans la production pétrolière et de nouvelles perspectives minières, le Niger avait brutalement découvert qu’il lui manquait des plombiers, des soudeurs, des menuisiers, des maçons. Dans ce domaine aussi, les investissements suffisants n’ont pas été réalisés ces dix dernières années afin de satisfaire la demande nationale en main-d’œuvre qualifiée. C’est une situation pour le moins paradoxale : l’école nigérienne est aujourd’hui à l’agonie alors que le pays est dirigé par sa frange la plus intellectuelle depuis son accession à l’indépendance.
Le président Mahamadou Issoufou est lui-même ingénieur des Mines formé à la prestigieuse Ecole des Mines de Nancy, dans le Nord Est de la France. Plusieurs membres de son gouvernement sont enseignants-chercheurs, enseignants ou diplômés de grandes écoles. L’histoire retiendra que, bénéficiaires de l’ascenseur social, ces privilégiés n’ont pas fait grand-chose pour l’école nigérienne.