Au Burkina Faso, où Emmanuel Macron arrive ce lundi 27 novembre, le président Kaboré mise sur ses succès économiques pour financer la reconstruction. Mais son bilan politique et sécuritaire est moins glorieux
Le bilan à mi-mandat est contrasté pour le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré qui a succédé à Blaise Compaoré à la tête du Burkina Faso en décembre 2015. Sur le plan sécuritaire, le pays a connu trois attentats spectaculaires qui ont fait 60 morts dont 48 à Ouagadougou, la capitale du pays. D’autres actions meurtrières sont hélas à redouter avec la persistance de la menace terroriste sur la frontière avec le Mali où sévit le mouvement djihadiste Ansarul islam du prédicateur Ibrahim Dicko, lui-même disciple du Malien Amadou Koufa.
Le tableau n’est guère plus flamboyant au plan politique. L’opposition est ragaillardie par la surprenante alliance entre l’Union pour le changement (UPC) de Zéphirin Diabré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti de Blaise Compaoré et l’Alliance pour la démocratie et la Fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA).
Il reste pourtant une lueur d’espoir sur le terrain économique,où tous les signaux, ou presque, sont au vert pour le pays des hommes intègres. A commencer par la confiance des bailleurs de fonds.
Des partenaires confiants
Réunis en décembre 2016 à Paris, les partenaires du Burkina Faso se sont engagés à décaisser 18000 milliards de FCFA pour assurer le financement du Programme national pour le développement économique et social (PNDES) couvrant la période 2016-2020. Selon ses promoteurs, s’il était correctement exécuté, le PNDES permettrait de réduire de 13% la pauvreté dans le pays d’ici à 2020. De bonnes paroles? Peut-être, mais la confiance des partenaires internationaux est affichée.
Autre bonne nouvelle, la pluviométrie a été excellente en 2017 et le produit intérieur brut (PIB), qui était retombé à 4% après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, est remonté à 5,4% en 2016 et pourrait finalement atteindre 8,4% en 2017.
Les recettes publiques, qui ont stagné entre 2014 et 2015, connaissent une nette amélioration en 2016, notamment avec les bonnes performances de la direction générale des impôts dont le taux de réalisation des objectifs a atteint 95,84%. Il s’y ajoute la bonne tenue des industries extractives qui ont vu leur valeur ajoutée à l’économie augmenter de 15,3% en 2017. La production aurifère est ainsi passée de 38 tonnes en 2014 à 44 tonnes en 2017, grâce à l’ouverture des mines de Netiena et de Hound. Dans l’espoir de tourner la page des années Compaoré, le régime voudrait profiter de l’embellie économique pour procéder à des investissements dans les secteurs des infrastructures, de la santé, des énergies renouvelables.
Une insurrection, cela coute cher!
Mais pour le président burkinabé, l’enjeu n’est pas seulement de faire oublier le passé ; il est aussi de consolider le bilan de son mandat et de prétendre dans deux ans à une réélection qui s’annonce, à priori, plus compliquée que lors de la présidentielle de novembre 2015.
Reste aussi à savoir si les retombées de l’embellie économique actuelle suffiront à solder définitivement la facture salée de l’insurrection populaire qui a balayé les 27 années de Blaise Compaoré au pouvoir.
En effet, selon les premières estimations, entre 150 et 200 milliards de biens (bâtiments publics, hôtels, mobiliers, archives, etc.) ont été détruits et pillés pendant l’insurrection populaire. Des unités industrielles appartenant à des proches de l’ancien président dont Alizéta Ouédraogo, belle-mère de François Compaoré, jeune de frère de Blaise Compaoré, ont été saccagées, entraînant des pertes financières et d’emplois. La transition, marquée par de fortes revendications catégorielles et les agissements du régiment de sécurité présidentielle (RSP), n’a pas rassuré les investisseurs extérieurs qui ont préféré ajourner leurs projets dans le pays.
Outre le lourd héritage de la période transitoire, Roch doit consacrer une bonne partie des dividendes tirés de l’embellie économique à la lutte contre la menace terroriste. Il n’est pas sûr que le peu de ressources publiques suffise à satisfaire d’ici à la présidentielle de 2019 les revendications corporatistes de plus en plus nombreuses et persistantes. Pour le Burkina Faso, il aura finalement été plus facile de chasser Blaise Compaoré du pouvoir que de tourner la page de son long règne au Palais de Kosyam.
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