Sénégal : le mouvement de l’ex président Macky Sall est décimé

 Au Sénégal, l’après Macky Sall s’avère compliqué pour son parti l’Alliance pour la République (APR). Entre dissensions, départs de plusieurs cadres influents, absence du chef et arrestation d’hommes à forte base politique, le parti perd du terrain. Après avoir perdu la présidentielle de mars 2024 et les législatives de novembre dernier, les perspectives sont sombres. Le malaise de l’après pouvoir qui a décimé le parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade guette dangereusement le parti de Macky Sall.

Demba Dieng (correspondance)

Amadou Ba, qui s’est présenté à la Présidentielle comme l’héritier de Macky Saall, a été battu avant de fonder son propre mouvement

Au Sénégal, la perte du pouvoir par l’ancien président de la République Macky Sall s’est avéré fatal. Près d’un an après la chute, cette formation politique créée en 2018 peine à se relever de l’ascension fulgurante du tandem Ousmane Sonko Bassirou Diomaye Faye. Déjà on sentait venir la crise même en pleine campagne pour la présidentielle. Car les militants et ténors étaient divisés concernant le choix du candidat.

«  Il est des moments où le destin nous appelle à faire un choix décisif, à poser un acte fondateur. Aujourd’hui nous sommes à un tel tournant. Après mûres réflexions j’ai décidé de répondre à cet appel ». Amadou Bâ 

 

La désignation d’Amadou Bâ, alors Premier ministre, était perçue comme une défaite avant l’heure. Des hommes qui lui étaient proches se doutaient ensuite du réel soutien de Macky Sall envers Amadou Bâ. Ces interrogations se sont accentuées au lendemain du revers. En septembre cet ancien premier ministre et pilier de l’Alliance pour la République choisit de tracer sa propre voie créant ainsi un nouveau parti appelé « Nouvelle responsabilité ». Un départ qui constitue un coup de massue pour l’APR car délesté de plusieurs de ses cadres. Car des figures de l’ancien régime -Cheikh Oumar Anne, Abdoulatif Coulibaly- et même le petit frère de Macky Sall, Aliou Sall, rallient la nouvelle entité politique. 

La double défaite

 

Entre 2012 et 2024, l’Alliance pour la République (APR) sous le leadership de Macky Sall n’avait pratiquement perdu aucune élection. Hélas, le mythe est tombé au soir du 24 mars 2024. Son candidat, Amadou Bâ est arrivé deuxième à la présidentielle avec 35% des voix. Quelques mois plus tard en novembre 2024, ce parti subit un nouveau revers lors des élections législatives malgré une alliance avec le parti Rewmi d’Idrissa Seck et le parti démocratique sénégalais (PDS) de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, entre 2000 et 2012. La grande coalition Takku Wallu n’a obtenu que 15 députés contre 145 lors législatives de 2021. Cette défaite est surtout causée par un leader absent du terrain politique qui se contentait des appels vidéo WhatsApp lors des réunions pour doper les troupes. Macky Sall avait finalement choisi de rester à Marrakech et de battre campagne à distance. En effet il a même été battu dans son propre bureau politique. La stratégie de campagne via WhatsApp n’avait pas marché de l’avis de l’analyste politique, Babacar Ndiaye. « Beaucoup l’ont moqué de battre campagne par procuration via WhatsApp », a-t-il souligné. Et pourtant à quelques semaines des élections, Macky Sall avait décidé de démissionner de son poste d’Envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète, afin d’une meilleure participation aux joutes électorales. « Comme vous le savez probablement, les circonstances de la vie politique sénégalaise, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, m’ont amené à être investi tête de liste de la coalition Takku Wallu Senegal pour les élections législatives prévues le 17 novembre 2024 », avait il écrit dans une lettre adressée au président français Emmanuel Macron. Sa décision de s’impliquer physiquement dans la campagne électorale a sans doute été étouffée par les menaces d’arrestations proférées à l’époque contre ses anciens ministres et directeurs généraux. 

 

Des perspectives sombres 

 

Avec l’absence de Macky Sall, qui a également gelé ses activités à la tête du parti, des leaders tels que Farba Ngom et Mansour Faye devaient émergents. Cependant ces derniers n’ont pas actuellement l’heure destin en main. Le maire d’Agnam Civol, Farba Ngom doté d’une véritable force de mobilisation dans le Fouta est actuel en prison dans le cadre de la traque des biens mals acquis. Il est poursuivi pour blanchiment d’argent portant sur 125 milliards FCFA. L’autre, Mansour Faye, très respecté au sein de l’Alliance pour la République semble être sur la sellette actuellement puisqu’il a été interdit de sortie du territoire national dimanche dernier. « Je voudrais informer l’opinion nationale et internationale, que j’ai été injustement interdit d’embarquer dans le vol d’Air France, ce jour lundi 10 mars 2025, à destination de Djeddah via Paris, pour aller faire le « petit pèlerinage » à la Mecque. A ma question sur le refus de ma sortie du territoire, l’agent de police me répondit: que c’est sur instruction de l’Autorité supérieure. J’informe encore, qu’à ma connaissance, je ne fais l’objet d’aucune procédure, ni d’aucune enquête, encore moins d’une quelconque accusation, en quoi et sur quoi, que ce soit!!. Alors si c’est pour des questions politiques, cette Autorité va continuer à souffrir », a pesté Mansour Faye. Grand frère de l’ex première Dame, Marème Faye Sall, il a été ministre durant tout le règne de Macky Sall. Il fut Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Ministre du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, puis Ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement. En dehors de Mansour Faye, l’ancien ministre des Industries qui dispose d’une bonne cote politique, est également sous la menace. Cité dans le cadre du détournement de 700 millions FCFA par l’inspectrice du Trésor, Tabaski Ngom, l’Assemblée nationale travaille également sur la levée de son immunité parlementaire. 

 

Le combat de la survie

 

En dehors de l’arrestation de ces membres, l’Alliance pour la République est également miné par des dissensions depuis le départ de Macky Sall. Cette semaine, l’ancienne ministre de la Microfinance, Zahra Iyane Thiam a décrit une situation marquée par l’animosité. « J’ai plus d’ennemis d’en l’Apr actuel », a-t-elle dit dans une émission d’une radio privée. Face à la situation du parti et de ses leaders, une conférence de presse a été organisée le mardi 11 mars 2025 à Dakar. Pour l’APR, le régime actuel semble vouloir « gouverner par la peur », en réprimant les libertés démocratiques et les mobilisations sociales. « Ce régime semble vouloir gouverner par la peur, en réprimant les libertés démocratiques et les mobilisations sociales », ont-déclaré les cadres de la formation politique. Ainsi, ils ont appelé les organisations de la société civile, les partis politiques et l’opinion publique, tant au niveau national qu’international, à se mobiliser contre « cette dérive autoritaire ». « Nous n’allons laisser passer ces tentatives d’affaiblir l’opposition notamment l’Apr. Nous engageons le combat au nom de la démocratie », a dit le 2 avril dernier, à l’Assemblée nationale, le député et proche de Macky Sall, Abdou Mbow.