Sénégal, des graves émeutes dans toutes les grandes villes

La volonté du président sénégalais, Macky Sall, de faire condamner un de ses principaux opposants, Ousmane Sonko, a provoqué, depuis mercredi,  les plus violentes émeutes que le pays n’a jamais connu depuis des années

L’Afrique va mal, très mal. En l’espace d’un an, il s’est produit de graves émeutes au Nigeria, au Congo, en Guinée Conakry, au Niger ces derniers jours, en Côte d’Ivoire où on compte 80 manifestants tués, dont un décapité, alors que des législatives ont lieu ce samedi, et même au Ghana qui passe pourtant pour une démocratie relativement apaisée.

Or voici que cette semaine le Sénégal, un pays de l’Afrique de l’Ouest cité en modèle pour avoir connu plusieurs alternances démocratiques bascule dans des émeutes particulièrement violentes: au moins quatre morts parmi les manifestants depuis mercredi, une dizaine de tués d’après certaines sources, toutes les grandes villes gagnées par la violence et les biens de la belle famille du président sénégalais pillés

Quatre supermarchés « Auchan » attaqués

À l’origine des émeutes, il y eut l’interpellation pour trouble à l’ordre public de l’opposant Ousmane Sonko, arrivé  troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024. Les manifestants sont descendus dans les rues  quand ce dernier s’est rendu en cortège au tribunal où il était convoqué pour des accusations de viol. 

Cette arrestation a non seulement provoqué la colère de ses partisans, mais aussi, disent de nombreux Sénégalais, porté à son comble l’exaspération accumulée dans ce pays pauvre face à la dureté de la vie depuis au moins un an et la pandémie de Covid-19. Lors d’une charge cette nuit sur la grande avenue Blaise Diagne, des dizaines au moins de jeunes scandant «Libérez Sonko» ont réussi à faire reculer provisoirement les policiers, malgré les tirs nourris de grenades lacrymogènes. Le sol était jonché de pierres, de cartouches de grenades et de pneus incendiés.

Quatorze supermarchés Auchan de Dakar ont été «attaqués», dont dix «pillés», a annoncé vendredi la direction du groupe français, qui assure que ses collaborateurs ont été «mis à l’abri». Jeudi soir, des manifestants ont attaqué les locaux du quotidien le Soleil et de la radio RFM, jugés proches du pouvoir. Les écoles françaises dans le pays ont fermé, tout comme l’agence d’Air France.

Macky Sall, un silence assourdissant

A la question posée par RFI de savoir si « le Président n’y est pour rien » dans ce que certains appelaient un complot de l’Etat contre Ousmane Sonko, la réponse de Macky Sall avait été voici quelques jours: « c’est une affaire regrettable, je ne sais pas ce qu’il en est dans le fond. Je ne peux pas souhaiter à mon pire adversaire une telle situation… ».Et depuis, aucune déclaration venue de la Présidence, un silence assourdissant !

De quelle situation parlait Macky Sall, alors que Ousmane Sonko n’avait pas encore été entendu ? Son immunité parlementaire n’avait même pas été levée et sa responsabilité non encore déterminée. Il bénéficiait de la présomption d’innocence. Cette étape aujourd’hui passée, Ousmane Sonko a été arrêté et le Sénégal s’embrase.

Afrique de l’Ouest, le grand recul démocratique