Le gouvernement n’en peut plus de la situation explosive qui secoue la région du Rif depuis de longues mois. Lors d’une réunion de la majorité à laquelle a participé le Chef du gouvernement et le ministre de l’Intérieur, la tonalité a été très ferme. La décision d’intervenir pour ramener le calme dans les rues des villes et villages rifains est semble-t-il prise. Quand le gouvernement parle de « agenda extérieur, séparatisme et d’atteinte aux fondamentaux sacrés du pays », les manifestants quant à eux rétorquent « Hogra, marginalisation et prévarication ». Les deux camps campent résolument sur leurs positions au moment où Rabat veut éviter coûte que coûte qu’une « zone de non-droit » s’installe dans une région historiquement frondeuse où le sentiment identitaire est très exacerbé.
Revendications identitaires
Cela fait déjà six mois et demi que le Rif-région montagneuse au nord du Maroc- est en ébullition. Tout avait commencé à Al Hoceima le 28 octobre 2016 quand un camion de ramassage des ordures broie un vendeur clandestin d’espadon dont la marchandise a été saisie par les autorités. Mohsin Fikri qui se débattait pour extraire son poisson jeté dans le camion-broyeur est mort sur le coup. Aux cris de « tahan mou »-littéralement écrase-le- des milliers de jeunes et de moins jeunes descendent manifester dans la rue. La protestation est contagieuse et s’étend à d’autres localités avoisinantes. Les sit-in se multiplient et les manifestations redoublent d’intensité. Des chefs s’autoproclament et des comités s’organisent. Les doléances au début sociales se radicalisent et le discours des manifestants devient se durcit. Les revendications sont désormais identitaires et politiques. Pourtant le Rif, volontairement snobé par Rabat sous le règne de Hassan II, avait retrouvé les bonnes grâces de la monarchie avec l’intronisation de Mohammed VI. Des projets économiques et sociaux sont sortis de terre en un temps record. L’élite de la région a pignon sur rue dans la capitale du royaume. La lune de miel est réelle et dure plus de 17 années jusqu’à la mort tragique du vendeur de poisson.
Après donc plusieurs tentatives de calmer les manifestants, les autorités marocaines veulent reprendre l’initiative et mettre un terme à une situation de « siba » qui perdure et qui menacerait selon le gouvernement « la stabilité du pays ». « Nous sommes ouvert au dialogue et le pays dispose des institutions démocratiques pour débattre de toutes les questions, mais prendre en otage toute une région par une poignée d’inconnus aventureux est totalement inacceptable. Le gouvernement rétablira l’Etat de droit », nous confie une source gouvernementale. Le face-à-face est désormais inévitable et personne ne sait sur quoi il va déboucher.