L’ancien Premier ministre Sidi Mohamed ould Boubacar pourrait créer la surprise aux élections présidentielles du 22 juin 2019. Portrait
« Je m’engage à opérer un changement béni à même de faire réussir la volonté de ce peuple et de réaliser ses aspirations à une vie meilleure. Un rendez-vous avec l’Histoire où il sera mis fin à une longue nuit de désespoir, de peur et de manque de libertés par l’avènement d’un nouveau jour fait d’espoirs, de bonheur et de prospérité ». Les meetings organisés par le candidat à la présidentielle, Sidi Mohamed Ould Boubacar drainent des foules immenses, dont beaucoup de jeunes et de femmes ! Cette affluence s’explique par la popularité d’un ancien Premier ministre qui a marqué le pays par les réformes salutaires menées sous ses auspices lors de la première transition démocratique (2005-2007). Compte tenu de l’endettement formidable de la Mauritanie et du pillage dont ont été victimes, ces dernières années, les richesses minières du pays, le profil de technocrate compétent du candidat joue naturellement en sa faveur.
Homme du sérail, mais anti système
Modeste, cultivé et fort populaire au sein de sa tribu, Sid’Ahmed ould Boubacar a eu le mérite de s’être tenu à l’écart de la camarilla qui sous la férule du président Aziz depuis dix ans, a fait main basse sur le pays, gangrené la vie démocratique et piétiné les droits humains.
Ses chances d’imposer un deuxième tour sont d’autant plus grandes que le général Ghazouani, le dauphin voulu par le président Aziz, n’a pas semblé pendant la campagne électorale se dégager de la férule de l’ancien chef d’Etat. Le président Aziz est intervenus sans cesse et fort maladroitement pour le soutenir et le contrôler sur le thème: « Si vous n’élisez pas le successeur que j’ai désigné, ce sera le chaos ». Tout récemment encore, le chef de l’état sortant a déclaré qu’il veillerait, demain, à la bonne réalisation des grands projets d’infrastructure. Il n’est pas sur que les Mauritaniens soient sensibles à la sollicitude d’un Président qui a pillé le pays.
Des soutiens à l’étranger
Fils de militaire de rang, ancien premier ministre à deux reprises sous le règne des présidents Maaouiya Ould Taya, réfugié au Qatar, et Ely Ould Mohamed Vall, aujourd’hui décédé, Sidi Ahmed Ould Boubacar est un ex ambassadeur à Paris et au Caire, qui a toujours cultivé de très bonnes relations à l’étranger. Autant de réseaux font de lui un successeur crédible du président Aziz aux yeux de la communauté internationale.
Le candidat surprise aux présidentielles mauritaniennes jouit d’un grand prestige dans le monde arabe. Cet ancien ambassadeur au Caire pourrait être aidé dans ses projets actuels par le Maréchal Sissi, le président égyptien, ainsi que par d’autres pays de la Ligue arabe.
En France, cet ancien responsable gouvernemental est apprécié du Cercle des économistes présidé par Jean-Hervé Lorenzi qui a ses entrées à l’Elysée.
Les Américains ne sont pas non plus insensibles à la démarche de ce candidat, ne serait-ce que pour marcher sur les plates bandes d’un Emmanuel Macron, le président français, qui a fait du Sahel sa chasse gardée, sans obtenir pour l’instant de résultats probants. Croyant et respectueux de la religion musulmane tout en état pétri de droits de l’homme et de démocratie, Boubacar pourrait bénéficier du soutien du mouvement islamiste Tawassol, premier parti de l’opposition en Mauritanie.
Une relève crédible
Réputé sérieux, compétent et rigoureux, l’ancien Premier ministre est soutenu par certains partis d’opposition, dont le parti islamiste Tawassoul, lemouvement politique le plus populaire qui détient 14 sièges au Parlement et gère plusieurs mairies dans le pays. Alors que l’opposition mauritanienne, divisée, était incapable de désigner un candidat unique pour le premier tour des présidentielles, elle pourrait se rallier à son panache au deuxième tour de scrutin.
Dans ces conditions, Sidi Ould Boubacar représente un challenger menaçant pour le candidat officiel du pouvoir, le général Ghazouani. A condition toutefois que la machine à frauder ne brouille pas l’issue démocratique du scrutin de samedi dans un pays où le président Aziz a toujours usé et abusé des stratagèmes illégaux pour se maintenir au pouvoir. Dans une telle hypothèse, la Mauritanie pourrait connaitre des mobilisations populaires comparables à celles qui se sont propagées en Algérie et au Soudan. Ne serait ce que parce que les réseaux sociaux mauritaniens très remontés témoignent d’un « dégagisme » aussi général que déterminé