Présidentielle Tunisie, un Président hors sol, Kaïs Saïed, reconduit sans surprise

« Le monde tétanisé par l’embrasement du conflit au Moyen Orient regarde ailleurs que vers la Tunisie », regrette un des principaux opposants de Kaïs Saïed réfugié comme beaucoup d’autres en France. C’est ainsi dans l’indifférence générale que le Président tunisien devrait obtenir, ce dimanche 6 octobre, un score quasiment soviétique après avoir emprisonné la plupart de ses opposants et fait condamner à douze ans de prison une des deux seules personnalités politiques parvenues à maintenir sa candidatures face à l’autocrate.

Voici le président tunisien, Kaïs Saïed, grand lecteur de l’idéologue du régime nazi, Carl Schmitt, et admirateur constant du petit « Livre Vert » de feu le colonel Mouammar Kadhafi, qui, sur fond d’une faillite économique retentissante et d’un populisme crapuleux contre les migrants, a tenté, lors d’une campagne électorale sans programme et sans adversaires, de justifier l’état d’urgence permanent qu’il a instauré dans une Tunisie saluée pourtant en 2011 comme le laboratoire d’un printemps arabe prometteur.

La folle spirale répressive du chef de l’État tunisien qui a accaparé l’essentiel du pouvoir après une élection brillante en 2019 suivie par un coup de force autocratique deux ans plus tard, ne fait qu’empirer dans un sorte d’emballement paranoïaque. Certes, ses récentes attaques indignes contre les migrants sub-sahariens, sources de tous les maux, lui valent un regain momentané de popularité auprès de certaines franges délaissées de la population qui ne boucle plus ses fins de mois. Kaïs Saîed a même obtenu le soutien du gouvernement italien d’extrême droite trop heureux de le voir contenir les flux migratoires. Pour le reste, le président tunisien est de plus en plus isolé sur le plan international, à l’exception de quelques réseaux avec les régimes syrien et iranien.

Seul l’engagement à ses cotés des services secrets algériens devenus omniprésents à Tunis et l’appui discret des Américains, qui viennent d’obtenir l’installation d’un centre de formation pour la marine à Byzerte, le soutiennent encore comme la corde soutient le pendu. N’oublions pas qu’en 2007, le pouvoir algérien fut le premier averti du coup d’état médical du général Ben Ali grâce à un coup de fil du Premier ministre de ce dernier, Hedi Baccouche! Et qu’en 2011, ce fut le général Ammar, l’homme des Américains qui fut à la manoeuvre pour débarquer un Ben Ali à bout de course et lâché par son peuple.

Des rumeurs de coup d’état

Ces précédents expliquent que beaucoup au sein des classes moyennes tunisiennes, traditionnellement politisées, fantasment sur un possible coup d’État, seule alternance possible dans un système qui tourne à vide.

Ces rumeurs sont d’autant plus insistantes qu’un malaise est perceptible, ces derniers mois, entre le Président Kaïs Saïed et son armée qui, depuis son accession au pouvoir, lui apporta un appui constant. Or les officiers supérieurs qui composent le Conseil de sécurité national (CSN), la seule instance indépendante de la Présidence, ont convoqué début août une réunion à laquelle a participé Kaïs Saïed. À cette occasion, révèle le site français « Africa Intelligence », généralement bien informé en raison d’une certaine proximité avec les services, « des dissensions ont émergé sur la gestion de la campagne présidentielle, notamment sur les arrestations et les tracasseries judiciaires subies par plusieurs candidats déclarés ». 

Lors du récent remaniement qui a vu un Kaïs Saïed compulsif renvoyer une vingtaine de ministres, deux hauts gradés qui occupaient les ministères de la Santé er de l’Agriculture, ont été également remerciés.

Rendez nous Ben Ai !

De Zine Ben Ali qui imposa, de 1987 à 2011, sa dictature à un des peuples les plus éduqués du monde à Kaïs Saied, l’actuel Président, le niveau a incontestablement baissé. Le premier était un dictateur volontariste, le second en est une pâle copie, sans colonne vertébrale, ni réels soutiens au sein de l’État. Certes, Zine Ben Ali, en bon militaire, ne possédait pas un logiciel démocratique. Mais il a eu au moins le mérite de moderniser son pays, au point d’être le premier chef d’état en Afrique à signer un accord de libre échange économique avec l’Europe. À l’époque, les taux de croissance oscillaient autour de 6%, sauf à la toute fin de son règne et on trouvait du pain et des médicaments dans les souks tunisiens. .

En revanche, Kaïs Saied, confronté à une crise économique sans précédent, semble dépassé, incapable même de boucler un accord avec le FMI. Le président tunisien ne sait que dénoncer l’affairisme, la corruption, les migrants ou encore le parlementarisme, mais sans formuler le moindre projet, ni pondre la moindre réforme. 

Malgré la corruption du clan présidentiel et les dérives de l’appareil policier, qui avaient gangrené la Tunisie, le Président Ben Ali tenait son pays, certes d’une main de fer, mais en s’appuant sur une technocratie efficace. Ce n’est plus le cas de Kaïs Saïed qui glisse par dérives successives vers un fascisme d’opérette, que notre ancien professeur de droit constitutionnel semble incapable d’organiser, et encore moins de revendiquer clairement, tans le pouvoir tunisien est désormais hors sol..

Des troubles psychiatriques

En mars 2023, de très graves problèmes de santé avaient affecté le président tunisien, qui avait été hospitalisé plusieurs jours en soins intensifs dans un hôpital militaire de Tunis et absent, sans la moindre explication, de la scène publique. Le ministre de la Santé, un médecin militaire qui fut le seul à s’exprimer, avait répondu par un silence gêné. Un mal honteux? D’après des sources de « Mondafrique », Kaïs Saïed a été hospitalisé dans un service de soins intensifs de l’hôpital militaire de Tunis pendant dix jours. Le président est revenu au Palais de Carthage, escorté par la garde présidentielle et très étroitement surveillé dans l’aile de sa résidence qui a été médicalement aménagée.

D’après les informations de Mondafrique, le président tunisien aurait été victime des troubles cardiaques causés par les lourds traitements qu’il suit pour soigner des troubles sévères et récurrents de l’humeur. Les rumeurs les plus alarmistes avaient circulé sur les réseaux sociaux, qui avaient diffusé des ordonnances de psychiatres au nom d’un certain Kaïs Saïed.Mais rien n’est venu confirmer leur authenticité.

Pour autant, aucun coup d’état médical n’est aujourd’hui envisageable contrairement à la destitution de Bourguiba. D’après la nouvelle constitution adoptée en 2022, l’incapacité du Président à exercer ses fonctions doit être constatée par la cour constitutionnelle dont la création était prévue. Un hasard? Celle ci n’a toujours pas été mise en place.