Les autorités ivoiriennes ont interdit toute manifestation publique, mais l’opposition n’a pas renoncé. Elle a simplement repoussé la marche initialement prévue le 4 octobre au 11. La campagne officielle, qui s’ouvrira le 10 octobre, s’annonce chaotique dans un contexte de fortes restrictions, avec une opposition décidée à maintenir la pression pour empêcher un nouveau mandat du Président Ouattara.
Correspondance Abidjan
La manifestation du 4 octobre 2025, lancée par le Front commun, devait marquer le coup d’envoi d’une série de mobilisations à l’échelle nationale. Mais deux jours avant l’échéance, alors que tout le monde se préparait à entrer de plain-pied dans la crise préélectorale, le Conseil national de sécurité, présidé par Alassane Ouattara, a interdit tous les meetings et rassemblements publics contestant les décisions du Conseil constitutionnel. Cette interdiction visait directement la mobilisation des partis d’opposition, qui dénoncent à la fois le quatrième mandat du président, jugé anticonstitutionnel, et l’invalidation de plusieurs candidatures, dont celles de Tidjane Thiam et de Laurent Gbagbo.
Consternation et confusion
L’annonce, bien que prévisible, a pris tout le monde de court et semé la confusion. Entre soulagement pour ceux qui craignaient des affrontements, frustration des militants mobilisés et incompréhension générale, le pays s’est retrouvé dans l’expectative : la marche serait-elle maintenue malgré l’interdiction ? En privé, des militants du PPA-CI affirmaient avoir anticipé une telle décision et ne prévoyaient aucun changement. Mais, après quelques heures de flottement, le Front commun a finalement annoncé le report de la manifestation au 11 octobre.
Dans les états-majors du PPA-CI comme au PDCI, on assure que cette fois la marche du 11 sera bien maintenue et que la détermination est plus forte que jamais. Tous les interlocuteurs insistent : « nous ne reculerons pas ». Dans son entretien à Mondafrique, Noël Akossi Bendjo tient lui aussi à rappeler que « ces obstacles n’entament en rien la détermination des militants, qui s’apprêtent à répondre présents sur tout le territoire ».
Reste à savoir quelle forme prendra cette mobilisation pour qu’elle se déroule dans le calme, sans violence. S’agira-t-il de marches, de regroupements dans les quartiers ? Pour l’instant, mystère : soit les décisions ne sont pas encore prises, soit le secret est bien gardé… Cette prudence se justifie car depuis quelques mois, le pouvoir enchaîne les arrestations des militants du PPA-CI comme du PDCI. Ces mesures compliquent et restreignent la capacité de l’opposition à s’organiser et à mobiliser ses troupes, tout en envoyant un message clair sur le contrôle de l’espace politique.
Une semaine déterminante
Cependant les autorités risquent fort de se retrouver prises à leur propre piège. Alors que la campagne officielle s’ouvre le 10 octobre, quid des meetings et rassemblements du parti au pouvoir ? Par exemple, le samedi 4 octobre, Amadou Coulibaly, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement a parrainé, dans la ville de Korhogo,une mobilisation citoyenne qui s’est terminée par un meeting à la place ADO. Cette manifestation était organisée pour « lancer un appel solennel à la paix, à la cohésion sociale et au vivre-ensemble, conditions essentielles pour garantir des élections apaisées et démocratiques dans notre pays. »
Certes, il ne s’agissait pas de contester les décisions du Conseil constitutionnel, mais cette mobilisation a mis en lumière l’absurdité de l’interdiction édictée par le Conseil national de sécurité. Les autorités interdisent strictement les meetings et marches de l’opposition contre le 4ème mandat mais tolèrent, voire encadrent, des rassemblements pour « la paix et la cohésion sociale ». Dans ce contexte, l’opposition peut parfaitement s’emparer de cette logique et annoncer qu’elle manifeste… pour la paix, la réconciliation et le dialogue citoyen. Une contradiction qui transforme chaque communiqué officiel et chaque déclaration politique en véritable casse-tête rhétorique. Au verrouillage, à la répression s’ajoutent les doubles standards qui alimentent frustrations et colère.
Une nouvelle fois, la semaine qui commence s’annonce cruciale. L’opposition reste sur le qui-vive. Les stratégies se mettent en place et chaque camp avance ses pions.