Le président béninois Talon s’est assuré sa réélection, le dimanche 11 avril, après avoir écarté ses adversaires les plus sérieux et créé de vives tensions dans le pays, une situation.
Un scrutin sans suspens, une élection sans aucune surprise et des troubles qui ont éclaté, mardi 6 avril, dans plusieurs villes du centre et du nord du pays lorsque des manifestants ont notamment brûlé des biens appartenant à des députés affiliés au pouvoir et bloqué des routes.. Pour la première fois depuis la présidentielle de février 1991 qui avait consacré la victoire de Nicéphore Soglo, comme premier président élu démocratiquement, les Béninois iront aux urnes, dimanche, pour un vote joué d’avance. Au soir du 11 avril, Patrice Talon, le président sortant sera réélu, sans doute, dès le premier tour, après avoir verrouillé de bout en bout le scrutin.
L’ancien « roi du coton » devenu président de la république en 2016 a pris en effet soin d’écarter politiquement ou par voie judiciaire ses adversaires les plus sérieux. Il n’affronte finalement lors de cette présidentielle que deux figures symboliques de la vie politique béninoise sans grande assise électorale : Corentin Kohoué, personnalité dissidente de l’opposition et Alassane Soumanou, de « Force cauris pour un Bénin émergent (FCBE) ».
Le coup de grâce
Finalement pour Patrice Talon et ses partisans, le taux de participation sera le seul enjeu de ce scrutin. Une faiblesse mobilisation dans les urnes viendrait ajouter au déficit de légitimité dont souffre déjà cette présidentielle, du fait de l’absence des principales forces politique du pays. Conscient de ce risque, l’ancien magnat du coton qui a bâti une bonne partie de la fortune avec la commande publique sous Soglo et Yayi Boni, a mené une campagne à l’américaine. Des posters géants vantant son bilan et promettant des lendemains meilleurs pour les Béninois ont été déployés dans les artères des grandes villes.
Le président s’est lui-même mouillé la chemise en sillonnant le pays pour défendre la continuité, en insistant sur sa « bonne gestion » de la crise sanitaire et son impact limité sur l’économie nationale. Patrice Talon vante aussi le bilan sécuritaire de son quinquennat dans une sous-région marquée par la menace terroriste qui frappe durement le Burkina Faso, le Niger et le Nigeria, trois pays frontaliers du Bénin. Mais rien n’indique que ces arguments suffiront à convaincre une grande partie des Béninois attachés surtout à l’image de vitrine de la démocratie en Afrique subsaharienne qu’avait leur pays avant l’élection de Patrice Talon en 2016.
La prison ou l’exil
Même s’il ne cesse de vanter le bilan de ses cinq années de gouvernance, l’ancien roi du coton a d’abord sécurisé en amont sa réélection en écartant les personnalités de l’opposition qui pouvaient y faire obstacle. Arrivé troisième lors de la présidentielle de 2016, l’opposant et homme d’affaires Sébastian Adjavon dit « le roi du poulet » a été condamné en 2018 par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) à 20 ans de prison et a dû se réfugier en France. Il vient d’écoper d’une nouvelle condamnation à cinq ans de prison pour « pour faux, usage de faux et escroquerie ».
Deux autres opposants Bio Dramane Tidjani et Mamadou Tidjani, ont également été incarcérés en février dernier pour « association de malfaiteurs et terrorisme » sur ordre de la CRIET, considérée comme le bras armé judiciaire de Patrice Talon.
Le spectre d’une crise post-électorale
La principale figure de l’opposition béninoise Reckya Madougou, qui avait vu sa candidature à la présidentielle écartée pour défaut de parrainages, a été, elle aussi, incarcéré pour « association de malfaiteurs et terrorisme ».
L’ancien maire de Cotonou, la capitale économique, Léhady Soglo avait dû fuir le pays pour se réfugier à France à la suite des menaces d’arrestation pour « malversations financières », commanditées, selon lui, par la présidence de la république.
Ce climat politique délétère annonce un nouveau quinquennat crispé et instable pour Patrice Talon, même si le président sortant réussissait à se faire élire dès le premier tour dimanche.
Après les manifestations de rue organisées mardi à Cotonou, Tchaourou, commune d’origine de l’ancien président Thomas Boni Yayi, ou à Savè, fief de l’opposition, il est même à craindre qu’une crise post-électorale s’installe dans le pays.