Alors que les différents clans qui se partagent le pouvoir négocient la marge de manoeuvre du futur président algérien qui devrait être réélu le samedi 7 septembre prochain, une violente campagne se déchaine sur les réseaux sociaux contre le chef d’état major de l’armée algérienne, le général Chengriha. Au delà de la réélection attendue d’Abdelmadjid Tebboune, le maintien en fonctions du chef d’état major après la Présidentielle reste la vraie inconnue de la situation politique algérienne
La Présidentielle algérienne devait avoir lieu le 19 décembre 2024, date officielle de la fin du mandat du président Abdelmadjid Tebboune. Or en usant de ses prérogatives constitutionnelles et en prenant de court tous ses adversaires au sein de l’appareil d’état, ce dernier a convoqué le corps électoral le 7 septembre avant la fin de son mandat. Lors d’une réunion tenue à la Présidence le 21 mars 2024, en l’absence très remarquée de tous les chefs des services de sécurité (contre espionnage, renseignement militaire), si prompts à marquer leur présence à chaque événement médiatisé, l’annonce de la date de l’élection anticipée est officialisée.
La réélection d’Abdelmajid Tebboune est considérée par la plupart des observateurs comme une formalité. Sur fond néammoins de dizaines d’interpellations de militants harcelés juridiquement depuis qu’ils ont acquis une certaine notoriété durant le Hirak. Karim Tabbou, président de l’Union démocratique et sociale (non agréé), et Fethi Ghares, coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS, suspendu), tous deux opposés au scrutin, sont de nouveau menacés ces dernières semaines.
« Il n’existe pas de candidature en mesure de menacer le renouvellement de son mandat présidentiel, a expliqué sur RFI le politologue Hamdi Abidi. Le deuxième élément, c’est que Tebboune a réussi à obtenir le soutien de l’administration puisqu’il est président en exercice. Il a réussi à apaiser la relation avec l’institution militaire ». D’autant plus que leurs désaccords en matière internationale sont passées, cet été, au second plan. Les relations privilégiées qui existaient entre le Président algérien et l’Élysée depuis la campagne électorale de 2017 sont mal en point depuis le retournement diplomatique d’Emmanuel Macron et la reconnaissance de la marocanité du Sahara. Quant aux relations privilégiées de l’armée algérienne avec Moscou, elles traversent de sérieuses turbulences sur les dossiers malien et libyen.
Et Hamdi Abidi de souligne la panne démocratique qui existe désormais en Algérie: « Le président Tebboune est assuré d’avoir un deuxième mandat sans même présenter un programme ou faire une grande campagne électorale, sans compter la grande indifférence de la population algérienne face à ce scrutin présidentiel ».
Le partage des postes
Jouée quasiment d’avance en l’absence de toute opposition structurée, la Présidentielle voit les principales forces au pouvoir négocier leur influence future et se partager les postes clés. Ainsi le patron de la police très proche du Président Tebboune, Farid Zinedine Bencheikh a même été arrêté le 25 avril avant d’être libéré et de jouer à nouveau un role actif dans les coulisses.
Cet été, la nomination à la tète du contre espionnage algérien (DGSI) d’un compagnon de route du général Toufik depuis la décennie noire (1992-1998), Abdelkader Haddad, dit « Nacer El Djinn »,qui dirigeait jusqu’alors le « Centre Principal militaire d’investigation » (CPMI), chargé d’interroger les suspects d' »activité subversive », a montré comment la Présidence a trouvé un compromis avec des clans concurrents. « Pour les anciens cadres opérationnels de la décennie noire, lisait-on dans la lettre confidentielle « Africa Intelligence », l’heure est venue d’occuper le devant de la scène ».
Le général Chengriha ciblé
Le chef d’état major, le général Chengriha, dont le maintien dans ses fonctions après la Présidentielle est le véritable enjeu du pouvoir algérien, est l’objet de nombreuses critiques, voire d’attaques personnelles sur sa propre famille..
Au sein même de l’institution militaire, des hauts gradés de premier plan ont pris leurs distances avec le chef d’état major. On peut citer le patron de l’armée de terre et le chef de la première région militaire. Le chef de la garde républicaine, le général Ben Ali Ben Ali, le plus gradé des officiers de l’armée algérienne, n’a jamais masqué sa méfiance face au général Chengriha. Lequel a fait procéder récemment à l’interpellations de trois colonels au sein de l’unité de Ben Ali Ben Ali.
Cet été, le fils d’un général aujourd’hui décédé qui a joué un rôle clé au début de la Présidence Bouteflika mais dont les deux frères officiers ont été récemment arrêtés, dénonce violemment, depuis Paris, le général Chengriha: « Ça va très mal finir pour toi »; « tes enfants vont payer ». Et de le même de prodiguer ses conseils au Président Tebboune: « Lâche Chengriha »! Ambiance!
Plus généralement, on a vu ces derniers mois des journalistes et des youtubers très largement instrumentalisés par quelques officines à Alger déverser, depuis l’Europe, des torrents de boue sur le général Chengriha. Pour preuve, un pseudo réfugié politique, Said Bendira avait été interpellé, le 27 avril, par la police française pour vol de voiture avant d’être identifié comme un youtuber résidant à Londres. Son téléphone a été saisi et lui même placé sous contrôle judiciaire. Les policiers français ont découvert depuis depuis que les donneurs d’ordre dont les noms apparaissaient sur son portable appartiennent tous à la DDSE algérienne (services extérieurs), qui est entre les mains d’anciens hauts cadres du renseignement militaire liés de près ou de loin au général Toufik, le patrons de l’ex DRS (services secrets) et l’homme fort du régime jusqu’en 2015.
Dans les turbulences violentes que connait l’institution militaire dont les généraux les plus expérimentés peuvent être placés en prison du jour au lendemain, la cohabitation apaisée qui existe entre le général Cheengriha et le Président Tebboune reste un gage de stabilité pour le régime et pour les interlocuteurs régionaux et internationaux de l’Algérie.
L’incroyable arrestation de Farid Zinedine Bencheikh, l’ex patron algérien de la police