Iran, Guide Suprême de père en fils?

Mojtaba Khamenei succèdera-t-il son père Ali Khamenei à la fonction de Guide Suprême ? Les Iraniens qui, depuis plus d’une semaine, défient le pouvoir des ayatollahs, conspuent directement Mojtaba Khamenei, le fils du Guide Suprême, Ali Khamenei. L’heure de la succession a-t-elle sonné ?

Un article de Yves Mamou

Ali Khamenei, né le 19 avril 1939 à Mechhed, est un ayatollah, actuel guide suprême de la Révolution islamique, poste le plus élevé de la République islamique d’Iran, au-dessus de la charge officielle de président de la République, qu’il occupa lui-même de 1981 à 1989

 

« A mort Mojtaba » ! Les manifestants iraniens qui occupent la rue depuis plus d’une semaine et au péril de leur vie ont ouvertement appelé à la mort violente de Mojtaba Khamenei, fils d’Ali Khamenei, actuel Guide Suprême de la révolution iranienne. Mojtaba va-t-il succéder à son père, Ali Khamenei, que la rumeur donne pour mourant ? L’annulation par le Guide Suprême de plusieurs rendez-vous fixés de longue date ont généré la rumeur qu’il était à l’article de la mort. Ali Khamenei avait lui-même, succédé à l’ayatollah Khomeiny à la fonction de Guide Suprême, et il s’est maintenu à ce poste depuis trente-trois ans.

Les Ayatollahs ont en principe divisé la fonction politique. Le Guide Suprême est l’inspirateur religieux des musulmans chiites tandis le président de la République islamique est celui qui exécute une politique purement nationale. Le premier est considéré comme le chef de tous les croyants (chiites, mais aussi sunnites), tandis que le second a une fonction temporelle. Le premier est nommé, le second est élu.

Mojtaba Khamenei, fils du chef suprême de la République islamique, 53 ans, peut-il accéder à la fonction de Guide Suprême alors qu’il n’occupe aucune fonction officielle en Iran ? Des experts américains et iraniens parlent de lui comme d’un gestionnaire. Mojtaba Khamenei dirige l’empire industriel et commercial que le Guide Suprême, Ali Khamenei, son père, s’est constitué. Mais ces mêmes experts ajoutent qu’il dispose aussi d’une grande influence sur l’appareil sécuritaire iranien.

« Dans la cour du Guide suprême, il est une ombre puissante derrière les rideaux », a déclaré Saeid Golkar, un expert des services de sécurité iraniens qui enseigne à l’Université du Tennessee.

Une tradition monarchique

Fin août, Mojtaba Khamenei a été élevé au rang d’ayatollah, un titre religieux indispensable à tout prétendant à la direction politico-religieuse du pays. A partir de cette nomination, les rumeurs sur sa candidature à la succession de son père se sont déchaînées. « Sommes-nous revenus dans le sillon d’une monarchie vieille de 2500 ans pour que nous parlions de la succession du fils Khamenei», s’est étonné Mir Hossein Mousavi, ancien premier ministre, actuellement en résidence surveillée ?

Cette succession n’a cependant rien d’acquis. La doctrine chiite veut que le successeur au poste de Guide Suprême soit le religieux, le plus érudit et le plus méritant du chiisme. Il pourrait même – en théorie – être pakistanais ou irakien. Mais il ne fait de doute pour personne qu’il sera iranien, et choisi dans le sérail de la hiérarchie chiite à Qom, capitale religieuse du pays.

Le fils Khameini, un dur

Le jeune Khamenei a-t-il joué un rôle dans le durcissement de la répression qui a tué aujourd’hui une quarantaine de personnes ? Il est en tous cas donné proche des milices « Bassidji », un mouvement paramilitaire implanté sur toute la surface du territoire iranien et qui joue un rôle répressif clé.

Ebrahim Raïsi, actuel président de la république islamique, est donné lui aussi comme candidat à la succession du Guide Suprême, avec également de bonnes chances de succès. Mojtaba Khamenei ou Ebrahim Raisi ne sont pas en tout cas des tendres. Le premier est soupçonné d’avoir « aidé » (en truquant les votes) à l’élection du président Ahmadinejad en 2009, alors que le second est connu pour avoir fait pendre des milliers d’opposants au début de la « Révolution ».

Du point de vue des occidentaux et du peuple iranien, il n’y a rien de bon à attendre ni de l’un, ni de l’autre.