Le rapport rédigé par Ilaria Allegrozzi chercheur pour l’Afrique du Centre et de l’Ouest à Amnesty international fait état de ce que la secte islamiste Boko Haram a massacré près de 400 civils dans le nord du Cameroun. Il précise aussi que les autorités camerounaises détiennent plus de 1.000 personnes, dont plusieurs dizaines décédées dans des conditions inhumaines alors que plus de 130 hommes dont des adolescents ont disparu du fait des forces de sécurité. Intitulé « Cameroun. Les droits humains en ligne de mire : La lutte contre Boko Haram et ses conséquences », le rapport relate les crimes de guerre commis par Boko Haram qui abat, brûle ou égorge des centaines de personnes depuis 2013.
Le document repose sur des enquêtes de terrain menées par Amnesty International dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun lors de trois missions effectuées en février, mars et mai 2015, ainsi que sur des recherches complémentaires réalisées en juin, juillet et août 2015.
Le rapport est donc le résumé d’ entretiens que Amnesty International a conduits avec plus de cent quatre vingts personnes dont cent deux victimes et témoins directs d’attaques commises par Boko Haram et les forces de sécurité camerounaises de la région de l’Extrême-Nord. Parmi les personnes ressources interrogées directement ou par téléphone, on compte des membres des forces de sécurité, des représentants du gouvernement, des leaders religieux et laïcs, des journalistes, des défenseurs des droits humains, des diplomates, des travailleurs humanitaires, des universitaires, des juges, des magistrats, des avocats et divers autres experts. Amnesty International a reconnu ne pas avoir eu à réaliser d’entretiens avec les dirigeants ou des membres de Boko Haram. Le rapport retrace de façon chronologique la soixantaine d’attaques de la secte islamiste et de ripostes des forces de sécurité menées dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun depuis 2013.
« Boko Haram a exporté sa violence au Cameroun, et les civils sont de plus en plus souvent en ligne de mire. Boko Haram a tué sans distinction, détruit des biens civils, enlevé des gens et utilisé des enfants pour des attentats-suicides. Ces crimes de guerre ont provoqué une peur et des souffrances indicibles chez les civils », souligne Alioune Tine directeur pour l’Afrique centrale et de l’Ouest à Amnesty International.
A titre d’exemple, depuis la mi-2014, les combattants de Boko Haram ont attaqué des dizaines de villes et villages dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, tuant et enlevant des civils, brûlant des centaines de maisons et pillant du bétail et d’autres biens. Le 15 octobre de la même année, au cours d’un raid, ils ont abattu ou égorgé au moins 30 personnes dans la ville frontalière d’Amchidé. Citant un témoin Amnesty International écrit: «J’ai vu les combattants de Boko Haram brutalement trancher la gorge d’au moins deux de mes voisins » et le 17 avril dernier, plus de 100 combattants de Boko Haram ont pris d’assaut la ville de Bia, tuant 16 civils, dont deux enfants, incendiant plus de 150 maisons.
25 personnes décédées en garde à vue
« En réponse, les forces de sécurité camerounaises ont attaqué des villages, détruisant des maisons, tuant des civils et arrêtant plus de 1 000 suspects, dont certains n’étaient âgés que de cinq ans. Des événements graves, notamment la mort de 25 personnes en garde à vue, n’ont donné lieu à aucune enquête sérieuse. On est toujours sans nouvelles de plus de 130 personnes » note le rapport.
Il faut dire que depuis juillet 2015, une série d’attentats-suicides commis par des adolescentes qui n’avaient parfois que 13 ans et instrumentalisées par Boko Haram ont fait plus de 70 morts dont trente-trois civils et plus de 100 autres blessés dans trois attentats-suicides à Maroua, les 22 et 23 juillet dernier.
« Dans le même temps, tout en offrant une protection nécessaire aux civils, les forces de sécurité camerounaises ont commis de graves violations dans leur réponse aux atrocités de Boko Haram. Elles ont tué illégalement des civils ou ont utilisé la force de façon excessive. Des gens ont été arrêtés arbitrairement, et de nombreuses personnes ont été détenues dans des conditions inhumaines, ce qui a entraîné des dizaines de morts» ajoute-t-il.
Et depuis 2014, les forces de sécurité camerounaises ont arrêté et détenu plus de 1 000 personnes soupçonnées de soutenir Boko Haram. La plupart ont été arrêtées lors d’opérations de «ratissage » où les forces de sécurité ont encerclé des dizaines, voire des centaines, d’hommes et de garçons. La majorité d’entre eux sont détenus dans des conditions déplorables à la prison de Maroua. La surpopulation, l’insalubrité et le manque de soins de santé adéquats ont causé la mort d’au moins 40 prisonniers entre mars et mai 2015.
Au vu des éléments de preuve réunis jusqu’à présent, Amnesty International qui soutient qu’un conflit armé interne a lieu dans la région, a fait des recommandations tant au gouvernement camerounais qu’aux membres de la secte Boko Haram. L’ONG estime que dans ce contexte-là le droit international humanitaire doit par conséquent être appliqué.