Une candidature bien préparée
Il va de soi que le président Biya a pris toutes les dispositions pour assurer le renouvellement de son mandat présidentiel :
– les élections législatives, initialement prévues en septembre 2018, ont été reportées en septembre 2019, afin d’éviter les troubles et les contestations préjudiciables à la candidature de Paul Biya.
– vingt-deux ans après sa création, le conseil constitutionnel, juge des élections, a été enfin institué, le 7 fevrier 2018, avec la nomination par Paul.Biya des onze membres, tous issus du RDPC.
– le Gouvernement a été remanié, le 2 mars 2018, en conséquence de sa candidature. Les deux principaux changements concernent le ministère de l’Administration du territoire avec Paul Atanga Nji, originaire de l’ouest anglophone, spécialiste en sécurité, qui aura la main sur les préfets et sous-préfets, et le fidèle Paul Moraze qui prend les Finances et tiendra les cordons de la bourse.
– l’inamovible directeur du cabinet civil depuis 30 ans, Martin Belinga Eboutou (78 ans), a été limogé au bénéfice de l’ancien ambassadeur à Paris, Samuel Mvondo Ayolo (63 ans) proche du président depuis sa jeunesse.
– la structure chargée de l’organisation des élections « Élection Cameroon » ( ELECAM) à été profondément remaniée. Le nouveau directeur général des élections, Érik Essouse, installé le 29 mai 2018, a immédiatement fait le ménage dans les postes sensibles.
Une réélection de Biya inquiète
En fonction depuis le 6 novembre 1982, Paul Biya sollicitera une sixième réélection, après celles de 1988, 1992, 1997, 2004, 2011. Si le terrorisme de Boko Haram dans l’Extrême-nord et le développement de la criminalité transfrontalière avec la République centrafricaine sont préoccupants, toutefois il n’y a pas vraiment de risques d’aggravation avec une réélection de Paul Biya.
Ce ne sera pas le cas avec la crise sécessionniste des deux régions anglophones de l’Ouest. La crise identitaire se transforme chaque jour en guerre civile. La réélection de Paul Biya risque de créer un embrasement avec le franchissement du point de non-retour. L’ ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique a déjà eu à se prononcer, en termes peu diplomatiques, sur les risques d’une nouvelle candidature de Paul Biya. La France n’en est pas moins très inquiète. La récente visite( 28-29 juin 2018) du Secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne à Yaoundé et Buea, épicentre de la crise de l’ouest anglophone, n’a probablement pas rassuré l’Élysée. L’inquiétude est grande à Paris.
De lourds nuages s’amoncellent dans le ciel camerounais. L’Histoire de ce pays, un peu le condensé de l’Afrique, nous enseigne malheureusement que la violence et les armes l’ont souvent remporté sur la négociation et le dialogue.