Faute de pouvoir briguer un troisième mandat, l’ex-président nigérien Mahamadou Issofou avait un temps rêvé de faire de son fils Sani Issoufou Mahamadou dit Abba son dauphin. Il sera finalement ministre du pétrole du premier gouvernement du nouveau président nigérien Mohamed Bazoum, du moins jusqu’à l’arrivée de la junte militaire qui vient de le placer en détention.
Le Niger aura eu deux ministres du pétrole depuis son entrée dans la production pétrolière en 2011 : Foumakoye Gado, un fidèle parmi les fidèles de l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou et Mahamane Sani Mahamadou, fils de l’ex-président. De son sobriquet Abba, est issu d’une fratrie de deux garçons et deux filles que Mahamadou Issoufou a eus avec sa première épouse Aissata Issoufou, rencontrée avant son entrée en politique.
Ministre du pétrole à 38 ans
A 38 ans, le nouveau ministre nigérien du pétrole a été entièrement formé en Grande Bretagne et aux Etats-Unis où il a suivi des études en économie de développement et en administration publique. Sa préférence étant de se tenir loin de la politique nigérienne, il crée Nova Technologies, une start-up spécialisée dans les nouvelles technologies. La position de papa à la tête de l’Etat lui assure des contrats d’équipements informatiques de plusieurs ministères nigériens, tout comme des sociétés publiques et parapubliques. En 2016, un an seulement après son retour des études qu’il a reprises aux Etats-Unis, il s’engage dans la campagne pour la réélection de son père. Officiellement, son rôle est de s’occuper de la communication, en particulier les réseaux sociaux. Dans la pratique, il fera bien plus que cela. Il devient l’interlocuteur privilégié des différentes équipes de mobilisation, y compris dans le très convoité domaine du financement de la campagne.
Après la réélection de papa, Sani Issoufou Mahamadou devient conseiller en communication de la présidence. Il suit alors son père dans ses déplacements internationaux. En 2018, le très discret et poli Abba devient directeur de cabinet adjoint de son père. Sur l’organigramme, il dépend du directeur de cabinet qui n’est autre que l’actuel Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou. Mais dans la pratique, le fils prend ses ordres directement auprès du père auquel il rend compte sans intermédiaire. Il devient le circuit le plus court par lequel ministres, hauts fonctionnaires ou investisseurs étrangers de passage à Niamey accèdent au président.
Selon plusieurs sources, c’est lui qui aurait favorisé l’obtention du contrat de 3 millions d’euros par le Franco-marocain Richard Attias pour l’organisation du Sommet de l’Union africaine en juillet 2018 à Niamey. A la fois fils et collaborateur de son père, l’actuel ministre du pétrole en profite pour faire nommer de nombreux jeunes issus de la diaspora nigérienne à la tête de structures stratégiques directement rattachées à la Présidence de la république.
Basculement en politique
Sous les ors de la république, le jeune Abba Issoufou Mahamadou prend goût à la politique. Lui que l’on ne connaît pas comme un grand militant du parti entre directement au Comité exécutif national (CEN) du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), le saint des saints. Il siège alors aux côtés de l’actuel président nigérien Mohamed Bazoum à qui son père a confié les rênes du parti. Entre son fils et son fidèle lieutenant Issoufou a longtemps entretenu l’ambiguïté sur le choix de son dauphin. L’hypothèse de la succession monarchique avait même commencé à prendre forme lorsque le président sortant s’étant engagé dans la recherche d’une stature internationale à son fils. Profitant des grand-messes internationales Mahamadou Issoufou a présenté Abba à des personnalités mondiales dont le Roi Salmane d’Arabie Saoudite, le président américain Barack Obama, le Nigérian Muhammadu Buhari, le français François Hollande.
L’ex-président décide finalement d’accorder sa préférence à celui qui était alors son ministre d’Etat à l’intérieur. A la surprise générale, et sans doute par reconnaissance envers le père, Bazoum nomme Abba Issoufou, novice en politique, comme directeur national de campagne. Aux côtés du candidat, l’ancien étudiant des universités américaines et britanniques découvre le Niger profond, les bains de foule, les haltes dans les hameaux, la poussière et les routes rurales. Le quotidien des Nigériens qu’il n’avait pas connu, lui qui est bien né. Artisan de la campagne victorieuse de Bazoum, le fils de l’ex-président était sûr d’hériter d’un maroquin. Mais personne ne le voyait à la tête du département du pétrole. On y avait vu la main de papa qui espère ainsi l’aider à amasser le nerf de la guerre, si indispensable pour aller le plus loin en politique.
Placé en détention pour faits de corruption, le fils Issoufou est désormais placé en détention alors que son père est encore libre de ses mouvements, protégé par le chef de la junte militaire et ex patron de la garde présidentielle. Le sort du clan Issoufou, à qui les Nigériens souhaitent demander des comptes, est certainement l’objet de débats très vifs au sein de la junte militaire négérienne très divisée sur cette question (voir ci dessous).
La revue de presse hebdomadaire: un nouveau coup d’état au Niger?
- 23PARTAGES
- 23
Très intéressant, puis je publier votre texte en Libre Opinion, et dans ce cas signée par vous? Bonne journée Nicolas Beau, directeur de Mondafrique nicolasbeau7@gmail.com
Je pense que la succession monarchique n’avait pas eu lieu car Issoufou Père ne voulait pas être confondu avec tous ces présidents qui ont cédé le pouvoir à leurs enfants, je fais allusion surtout à ces 3 familles dynastiques présidentielles africaines, que j’ai parlé dans mon travail, voici le lien pour les intéressés: https://www.academia.edu/105664836/EYADEMA_GNASSINGBE_BONGO_ONDIMBA_et_OBIANG_NGUEMA_Trois_Familles_Présidentielles_Dynastiques_Africaines_Uniques_au_Monde
Car Issoufou a toujours voulu se présenter comme un président modèle et démocrate à l’international, à l’image d’un kagame dictateur sanguinaire qui aime à se présenter en modèle à l’international, mais en réalité c’est de la fumée aux yeux comme j’en parle dans mon commentaire sur l’article parlant des ivoiriens à Lampedusa ici même dans MondAfrique.
Et donc pour revenir à Issoufou, c’est pareil avec lui, c’est juste de l’hypocrisie en se présentant en modèle et démocrate pour son cas quand on connaît ce que vous avez dit ici dans votre article: obtention des marchés publics informatiques de gré à gré pour le fils, sa nomination au sein de la présidence, nomination au bureau du parti, et quand on sait les coulisses sur l’affaire du coup d’État en lien avec le pétrole.
Donc en bon stratège, Issoufou avait décidé de donner le pouvoir à Bazoum, celui-ci en faisant ces deux mandats (s’il n’avait pas déraillé pour être victime finalement du coup d’État), allait donner le pouvoir au fils Issoufou, histoire de montrer à la communauté internationale que le fils « s’est bien débrouillé seul pour arriver au pouvoir au moment où le père n’était plus au pouvoir » comme Bush père et fils aux Usa, et histoire de montrer qu’il n’y a pas eu une succession dynastique, or au fond Bazoum n’était qu’une parenthèse qui n’était pas libre de prendre ses décisions mais sous influence toujours du Père Issoufou qui détient la vraie réalité du pouvoir, et qui après cette parenthèse d’un Bazoum vassal, c’est le fils Issoufou qui monte sur le trône avec son père toujours derrière: bref une succession dynastique qui ne dit pas son nom. Donc on peut comprendre clairement que Issoufou est pareil des autres présidents dynastiques qui le font ouvertement, et le coup d’État a bien montré sa vraie face que ses admirateurs ont du mal à reconnaître maintenant comme les Mo Ibrahim et consorts. En parlant de Mo Ibrahim sur la question que son comite exécutif s’est posée s’il faut qu’on retire à Issoufou ce prix ou pas comme vous l’aviez écrit dans l’autre article, moi je dirai oui, il ne mérite pas de prix. Et sur ce même je pensais à une chose: ça pose un problème dans l’attribution de ce prix, au regard de tout ce que vous aviez écrit sur la gouvernance Issoufou, je me suis rendu compte que cette fondation Mo Ibrahim ne prend pas le temps finalement d’analyser à la loupe une gouvernance d’une personne avant d’attribuer son prix, j’ai l’impression qu’ils se basent que sur le superficiel, et ne mènent pas leurs enquêtes approfondies ou ce sont des prix qui sont donnés de manière complaisante en fermant les yeux sur une partie de la gouvernance d’une personne en ne se basant que sur quelques éléments positifs de la gouvernance de cette personne avec les influences ou les amitiés de ces personnes au sein de la fondation et en Afrique, c’est possible aussi.
Ou une autre hypothèse sur les mécanismes de l’attribution de ce prix, est aussi possible, en dehors de ce qui est dit officiellement pour l’attribution de ce prix.
Quant à la nomination du fils Issoufou comme directeur de campagne de Bazoum, je pense que c’est toujours le Père Issoufou qui avait décidé, je ne vois pas Bazoum le faire souverainement, de la même manière qu’il lui a été imposé le même fils pour le maroquin ministériel du pétrole et comme ce même père a voulu le faire via son fils pour nommer un directeur de la nouvelle compagnie du pétrole, que finalement le vassal Bazoum fatigué de se faire imposer des décisions a dit niet, et qui a signé par là son arrêt de mort politique.
Sa détention rend une fois de plus ambiguë les choses au Niger quand on sait que le chef de la junte est loyal à Issoufou père, et refuse d’arrêter le Père comme le veulent les nigériens. Est ce une détention en écran de fumée en accord avec le père, (en le déplaçant de la résidence surveillée où il était d’abord, à la prison maintenant), pour dire aux nigériens qu’on a arrêté le fils qui est responsable de la gestion sous Bazoum et une façon de détourner l’attention des nigériens sur la demande d’arrestation du Père? C’est possible.
Est ce une détention réelle pour envoyer un message à Issoufou père, que tout le monde est touchable, dans le cadre d’un conflit qui existe actuellement entre le (l’ancien) protecteur (Issoufou père) et son (ancien) protégé (Tchiani), car même la loyauté la plus absolue peut devenir soudainement la révolte quand le loyal n’est plus d’accord avec son mentor ou chef? C’est aussi possible.
Ou une autre hypothèse que cette détention peut expliquer, est aussi possible.
Dans tous les cas, cette détention rend encore la situation au Niger de plus en plus floue. Les jours à venir nous le diront mieux.
Cependant si cette détention est réelle dans le cadre même d’un règlement de compte entre Tchiani et Issoufou père, c’est une bonne chose en terme d’image et de communication pour la junte qui veut se démarquer de l’ancien régime, pour dire à tout nigérien que tout le monde peut aller en prison.
Nicolas Beau, ici à Niamey nous ne faisons pas la même lecture des évènements que vous. En effet, vous dites que l’APRIM (Ancien Président Issoufou Mohamadou) est « encore libre de ses mouvements » alors que depuis les évènements du 26 juillet 2023, il est toujours en résidence surveillée et il n’a fait aucun déplacement à l’intérieur du Niger à plus forte raison à l’extérieur. En outre son ami intime, Président du PNDS Tarraya, en dehors de son fils, Monsieur Foumakoye Gado est aux arrêts à la prison civile de Niamey, son protégé Monsieur Ouhoumou Mahamadou, l’Ex-Premier Ministre à un mandat d’arrêt contre lui. Je ne pense pas que l’APRIM est dans des bonnes mains ici à Niamey.