Hama Amadou, charismatique président de l’Assemblée nationale et redoutable adversaire du président nigérien Mahamadou Issoufou n’est plus en odeur de sainteté. Au point que pour contrer ses ambitions de pouvoir, le parlement nigérien s’apprête l’évincer de son poste.
C’est peu de dire que la classe politique nigérienne est en campagne. A encore deux ans des prochaines élections, le débat s’est fortement durci. En réalité, depuis le départ fracassant l’été dernier du meilleur allié du président Mahamadou Issoufou, l’ex bouillant Premier ministre Hama Amadou, la sauce est bel et bien gâtée.
Achats de consciences
Les complots du régime pour noyer son encombrant allié dans un gouvernement d’union nationale ont échoué et l’entrée au gouvernement de plusieurs personnalités du principal parti d’opposition, le Mouvement national pour la société du développement (MNSD-Nassara) a été surtout analysée comme l’apogée d’un achat de consciences massif pratiqué par le régime.
Pendant des semaines, la télévision nationale a diffusé quotidiennement des images de ralliement de militants voire de cadres des partis adverses, moyennant postes, facilités au Trésor ou même versement d’argent. Contre toute attente, cette stratégie a surtout contribué à réconcilier les deux anciens frères ennemis, le MNSD et sa dissidence du MODEN-Lumana, désormais unis au sein d’une opposition subitement réveillée de sa torpeur. Hama Amadou, devenu la bête noire du régime et à ce titre, le premier de ses opposants, est en passe d’être évincé de la présidence de l’Assemblée nationale.
Objectif : débarquer Hama
Soumana Sanda, ancien ministre de la Santé et bras droit de Hama Amadou, a confirmé hier à Mondafrique que la motion de défiance annoncée depuis des mois allait finalement être introduite pendant cette session parlementaire, qui s’achève fin mai. En effet, un projet de modification du règlement intérieur de l’Assemblée, préalable obligatoire à la motion de défiance, a été déposé lundi 14 avril sur le bureau de l’Assemblée.
Le régime a besoin des deux-tiers des voix des députés, 76, pour pouvoir débarquer Hama Amadou de sa tribune. Mais le décompte est laborieux, des députés laissant éclater leur mauvaise humeur devant le va et vient fluctuant de valises de billets destinées à rallier les hésitants… C’est le régime qui a commencé, dit-on, mais Hama Amadou lui-même aurait mis du sien. Aujourd’hui, beaucoup d’alliés de Mahamadou Issoufou grognent contre les assauts de séduction déployés à l’intention de leurs adversaires. Au sein des petites formations membres de l’alliance au pouvoir, certains seraient prêts à se retourner lors du vote fatidique.
«Nous espérons que ce projet ne va pas aboutir. Nous allons essayer de lui faire échec. A l’Alliance pour la Réconciliation Nationale et au MODEN-Lumana, nous avons le nombre de députés qu’il faut », confie Soumana Sanda. Mais si Hama Amadou se fait finalement débarquer, ce sera le début d’une « instabilité sociale et politique grave », dont Mahamadou Issoufou sera « responsable », assène-t-il.
Accusations ethnicistes
Il est vrai que Lumana est très fort à Niamey, plus que partout ailleurs sur le territoire, à l’exception peut-être de Tillabéry (Ouest). Cette position lui vaut d’ailleurs d’être constamment accusé par la garde rapprochée d’Issoufou de caresser des projets politiques ethnicistes en s’appuyant sur sa base « zarma ». Ces accusations, pour l’heure sans fondement, ne seraient-elles pas des provocations au crime, pour pouvoir justifier, a posteriori, la purge systématique des amis de Hama Amadou ?
Quoi qu’il en soit, sa place de premier parti de la capitale fait de Lumana un facteur de trouble potentiel extrêmement menaçant, sous la fenêtre des bailleurs de fonds, dans un contexte social où les sujets de contestation ne manquent pas, à commencer par l’école, en crise perpétuelle, ou les coupures d’électricité redevenues intempestives alors qu’une chaleur éprouvante s’est abattue sur le pays.