Même s’ill n’a pas encore pris la parole, l’ancien premier ministre nigérien et principal opposant au pouvoir, Hama Amadou, doit aujourd’hui savourer la chute du régime qui le contraint à l’exil à Paris depuis plus de deux ans.
La prise de pouvoir à Niamey le 26 juillet par les militaires soustrait Hama Amadou du sacré dilemme entre les affres de l’exil partagé entre son appartement de la région parisienne et l’Hôpital américain ou le retour au Niger, qui signifie directement le passage par la case prison.
Président d’honneur du MODEN/Lumana qu’il a fondé, l’ex-PM nigérien reste sous le coup des poursuites pour son implication présumée dans les violences qui ont suivi la proclamation en février 2021 de l’arrivée en tête du premier tour de la présidentielle de Mohamed Bazoum, candidat du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, pouvoir).
Une démocratie d’opérette
Dans une déclaration rendue publique après le coup d’Etat, le principal parti d’oppositon dresse un état des lieux sombre de la gouvernance du président Bazoum et des deux mandats de son prédécesseur et mentor Mahamadou Issoufou. Le Niger est loin d’être une démocratie. « Inutile de dire que les militants de Lumana et l’ensemble du peuple nigérien, épris de paix et de justice, ont souffert dans leur âme et dans leur chair », affirme le MODEN/Lumana de Hama Amadou dans un communiqué appelant à soutenir le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
« Nous nous félicitons du dénouement pacifique et sage de la situation où le sang sacré des Nigériens a été épargné », ajoute le Secrétaire général du parti Maman Sani Malam Maman, un des bras droits de l’ex-PM.
Un deal avec Bazoum
Pourtant, ces derniers mois le parti de Hama Amadou semble avoir noué des relations apaisées avec le président Bazoum. Selon une sorte d’accord tacite, le président Bazoum, qui n’a pas d’inimitiés avec Hama Amadou, contrairement son prédécesseur Mahamadou Issoufou, a demandé à son gouvernement que l’ex-PM reste se soigner à l’hôpital américain aussi longtemps que nécessaire. En retour, Hama Amadou devait s’abstenir en France et à l’étranger de tout activisme contre le président Bazoum. Le deal a manifestement fonctionné jusqu’au coup d’Etat du CNSP. Signe que les relations ne sont pas exécrables entre Hama Amadou et Bazoum : selon une source nigérienne digne de foi, l’Ex-PM a présenté en novembre dernier à Paris ses condoléances à la famille du président Bazoum lors du décès de la mère de la première dame nigérienne Hadiza Bazoum.
Dans le cadre de la décrispation entre le pouvoir et l’opposition, plusieurs cadres du MODEN/Lumana dont l’ancien chef d’état-major des armées le général Moumouni Boureima ont été remis en liberté ces derniers mois.
Succès aux législatives partielles
La libération de ses cadres emprisonnés a permis au principal parti d’opposition nigérienne de retrouver sa place sur l’échiquier politique nationale. A la confrontation ouverte avec le président Bazoum, le parti de Hama Amadou a choisi le travail de fond auprès de ses bases en toute discrétion. Cette stratégie a été payante lors des législatives partielles de juin dernier organisées pour désigner les cinq députés qui représentent les Nigériens de l’extérieur à l’Assemblée nationale. Alors que le PNDS au pouvoir a perdu un siège, le MODEN en a gagné un de plus. Ce qui lui a permis d’avoir deux des cinq sièges en compétition. Les trois autres sièges ont été répartis entre le PNDS (deux sièges) et le Mouvement national pour la société de développement (MNSD, 1 siège). Avec la nouvelle donne politique, le MODEN/Lumana va chercher à capitaliser sur la dynamique créée par les législatives partielles. Reste à savoir quel rôle Hama Amadou entend lui-même jouer après son retour d’exil.