La liberté de la presse est en péril, selon Amnesty international, avec l’intimidation et l’arrestation de journalistes travaillant sur les soubresauts du pouvoir nigérien
La liberté de la presse au Niger est en péril car les autorités de transition intimident et arrêtent arbitrairement les journalistes qui traitent du conflit qui touche le pays et des questions liées à la sécurité, a déclaré Amnesty International aujourd’hui.
Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, au cours duquel le commandant de la garde présidentielle, Abdourahamane Tchiani, a arrêté le président Mohamed Bazoum et a été proclamé président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie qui mène la transition, la liberté de la presse est restreinte et les journalistes s’autocensurent par crainte d’intimidations et de représailles.
« Ce mépris du droit à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, ainsi que du travail des journalistes, se manifeste à un moment où la population a besoin d’informations justes sur le conflit et sur la réponse apportée par les autorités de transition. Nous demandons aux autorités nigériennes de libérer sans condition les journalistes arrêtés et détenus pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression ou pour avoir traité d’informations sensibles d’intérêt public. Elles doivent aussi veiller à ce que les journalistes puissent faire leur travail sans craindre d’être harcelés, intimidés, arrêtés ou détenus », a déclaré Samira Daoud, Directrice du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Dix ans de prison
Le 24 avril 2024, le directeur de publication du journal L’Enquêteur, Soumana Maiga, a été arrêté après que son journal a publié un article sur l’installation présumée d’équipements d’écoute par des agents russes sur des bâtiments officiels de l’État. Il est détenu pour « atteinte à la défense nationale ». S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à 10 ans de prison.
Quelques jours plus tôt, le 13 avril 2024, Ousmane Toudou, journaliste et ancien conseiller en communication du président déchu, a également été arrêté. Dans les jours qui ont suivi le coup d’État de juillet 2023, Ousmane Toudou avait appelé tous les démocrates à s’opposer à la prise de pouvoir par les militaires dans une publication largement diffusée sur les réseaux sociaux. Depuis son arrestation par les forces de sécurité, Ousmane Toudou n’a toujours pas été présenté à un juge pour être entendu, alors que le délai légal de garde à vue, fixé à 4 jours, a expiré. Il doit être jugé par un tribunal militaire, malgré les dispositions du droit international qui exigent que les tribunaux militaires ne jugent que les infractions militaires.
« Nous faisons plus attention à nos écrits pour nous préserver »
Tchima Illa Issoufou, correspondante de la radio internationale BBC en langue haoussa, a été menacée et accusée d’essayer de « déstabiliser le Niger » en rendant compte de la situation sécuritaire dans la région de Tillabéri, dans l’ouest du Niger, particulièrement touchée par le conflit. Elle est actuellement recherchée par les forces de sécurité et a été prise pour cible par les partisans des autorités de transition sur les réseaux sociaux, qui l’ont accusée d’être sous
« influence étrangère ». La diffusion de son reportage a été suivie par l’arrestation d’un acteur de la société civile, Ali Tera, qui avait été interviewé par la correspondante de la BBC. Il a été arrêté le 26 avril 2024 et a été placé en détention provisoire à la prison civile de Niamey le 29 avril. Tchima Illa Issoufou a fui le Niger pour s’installer dans un autre pays.
« Le contexte nigérien est devenu très difficile. Les principes de la liberté de la presse sont attaqués par les nouvelles autorités et plusieurs confrères et moi- même faisons plus attention à nos écrits pour nous préserver », a déclaré le directeur d’un média au Niger à Amnesty International sous le couvert de l’anonymat.
En janvier 2024, la Maison de la Presse, une association qui regroupe plusieurs organes de presse privés et publics du Niger, a été suspendue par les autorités de transition et remplacée par un comité ad hoc dirigé par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur.
« Les droits à la liberté d’expression, à la liberté d’information et à la liberté de la presse sont garantis par la législation nationale et les traités internationaux relatifs aux droits humains, tels que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Niger est partie. Les autorités de transition doivent effectivement mettre en œuvre leurs obligations légales de respecter, protéger, promouvoir et réaliser les droits humains de tous dans le pays », a déclaré Samira Daoud.