Arrivé au pouvoir en avril dernier, le nouveau président nigérien Mohamed Bazoum a décidé de changer le paradigme de développement socio-économique de son pays en misant plus sur l’école que sur l’exploitation de l’uranium et du pétrole.
« Je ferai de l’éducation un domaine dont je m’occuperai personnellement » : en prenant officiellement ses fonctions de président de la république du Niger, en avril dernier, Mohamed Bazoum a clairement assuré de sa volonté de faire de l’école nigérienne la priorité des priorités de son quinquennat. Enseignant de son état avant de s’engager en politique, le nouveau de chef l’Etat a hérité d’une école à l’agonie. Les taux de réussite aux examens scolaires suffisent à eux seuls à montrer l’état de déliquescence de l’école nigérienne. En 2021, seuls 22,75% des candidats ont été reçus au baccalauréat alors que seulement 20,50% d’élèves nigériens étaient admis au Brevet d’études du premier cycle (BEPC). La qualité des infrastructures scolaires ne guère plus brillante dans le pays. Faute de classes en matériau définitif, les élèves s’entassent, y compris dans les grandes villes, dans des salles de cours en paillote, un matériau précaire et inflammable.
Rien qu’en 2021, deux incendies de classes en paillote ont profondément ému l’opinion nigérienne et suscité une compassion planétaire. En avril dernier, une vingtaine d’enfants de moins de six ans étaient morts brûlés vifs dans l’incendie de leurs classes en paillote dans un quartier périphérique de Niamey. Plus récemment 28 enfants d’une école maternelle étaient morts dans l’incendie de leurs salles de classe en paillote, à Maradi, dans le centre-est du pays. L’école nigérienne souffre aussi d’un manque cruel d’enseignants en qualité et en quantité. Certains contenus enseignés dans les écoles n’ont pas été actualisés depuis de nombreuses années alors que des diplômés jamais formés au métier d’enseignants ont été recrutés à tour de bras avec le statut précaire de « contractuels ».
Prendre le mal à la racine
Après deux mandats (2011-2021), l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, qui n’a pas fait de l’école sa priorité, a donc laissé un champ des ruines. Pour inverser la tendance et faire de l’école un levier du développement du Niger, son successeur a annoncé un train de mesures qui vont de l’actualisation de la carte scolaire à professionnalisation du corps enseignant en passant par l’amélioration des taux de réussite d’élèves nigériens aux examens scolaires et la réforme des curriculas
« Il est en effet impérieux et urgent de disposer d’enseignants professionnels maîtrisant les contenus à enseigner et les techniques d’enseignement et d’apprentissage », a déclaré celui fut enseignant de Philosophie dans les lycées du Niger.
Le nouveau président estime en outre qu’il est important de s’attaquer aux inégalités criardes entre filles et garçons dans le système éducatif nigérien.
« Pour remédier à cette déperdition qui par ailleurs favorise le mariage des enfants, je vais créer des internats pour les jeunes filles dans les collèges de proximité. Je compte lancer les travaux de construction de ces internats dans certains collèges aussitôt que j’aurai pris fonction de façon à les rendre opérationnels dès la rentrée scolaire prochaine », a promis le président Bazoum.
Ressources humaines avant les matières premières
L’érection de l’école en priorité du quinquennat traduit un changement de paradigme. Pendant longtemps, le Niger a surtout misé sur l’exploitation de son uranium à travers les deux filiales d’Orano (ex-Areva) pour assurer son développement. Ce qu’il n’a pas réussi au regard de la dernière place qu’il occupe chaque année au palmarès de l’Indice du développement humain (IDH) établi par les Nations unies.
Vendu exclusivement à la France, l’uranium a été pendant de nombreuses la principale d’entrée des devises pour l’Etat nigérien. Il ne représente aujourd’hui, avec la chute des cours sur le marché international, que moins de 5% du produit intérieur brut (PIB).
Depuis 2011, le Niger a rejoint le club fermé des pays producteurs du pétrole avec 20.000 barils/J assurés par la société de raffinerie de Zinder (SORAZ), centre-est du pays. Selon les prévisions, le Niger devrait produire environ 100.000 barils/J à partir de 2022, dont plus de deux tiers destinés à l’exportation.
En dépit de ces bonnes perspectives dans les domaines minier et pétrolier, le nouveau président nigérien préfère mettre la valorisation des ressources humaines avant les ressources minières et naturelles. Une option qui a été la clé de la réussite socio-économique de nombreux pays en Afrique et dans le monde.
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