Deux cent prisonniers politiques sont embastillés en Cote d’Ivoire. Ce qui, pour l’universitaire Michel Galy, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, dessine une situation tendue dans la Cote d’Ivoire du président Ouattara.
Fils de l’ancien président ivoirien et professeur de criminologie au campus de Cocody, Michel Gbagbo a subi, comme beaucoup de proches de l’ancien régime, des lourdes conditions de détention. Privé aujourd’hui de voyages à l’étranger, le fils Gbagbo a eu le temps d’animer la commission du « Front Populaire ivoirien » consacrée aux prisonniers politiques, de récolter des fonds pour les secourir et enfin les visiter. Ils sont aujourd’hui 197 prisonniers sous mandat de dépôt . Une petite moitié est jugée. Le reste connait l’arbitraire de longues détentions sans jugement.
Une grande partie est incarcérée a la MACA, la maison d’arrêt d’Abidjan qui connait comme de nombreuses prisons en Afrique, des conditions de vie effroyables. Militaires et civils, anciens dignitaires et anonymes, les prisonniers politiques sont tous jugés comme « pro-Gbagbo ». Il s’agit de « délit d’opinion », selon les normes européennes, ou de « délit de patronyme », comme pour Ehivet Simon Pierre, le frère de Simone Gbagbo incarcéré après un article paru dans le quotidien français « Libération ».
Rattrapage ethnique
Autant de victimes de pouvoir face aux privilégiés du « système des dépouilles » instauré par le président Alassane Ouattara, depuis son arrivée au pouvoir, qui réserve la plupart des postes aux représentants de son ethnie. Ce sont ceux du grand Nord, les Malinké, qui sont ainsi promus.
Le péché originel date de mars 2011, lorsque les Wês de l’Ouest de la Cote d’Ivoire ont été victimes de massacres de masse. Un millier d’entre eux ont été exterminés en trois jours par l’armée d’Alassane Ouattara descendant du Nord du pays pour conquérir la capitale Abidjan.
Tortures et mauvais traitements
La situation déplorable des prisons et une alimentation chiche ou avariée provoquent de nombreux cas de maladie, la dysenterie notamment. L’absence de médicaments et parfois le refus de soins peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Ainsi l’ancien ministre Danon Djédjé, suite à une crise cardiaque à la prison de Toumodi, a eu la vie sauve par un transfert rapide à l’Institut de cardiologie d’Abidjan. Mais les trois agents d’encadrement qui étaient de service cette nuit là et ont permis l’arrivée des secours ont été sanctionnés pour « faute lourde » !
Hamed Bakayogo, le sécurocrate
Si les centres de mauvais traitements sont moins fréquentés, le ministre de l’intérieur, Hamed Bakayogo, le sécurocrate en chef du régime reçu avec tous les honneurs à Paris aussi bien par Manuel Valls que par Nicolas Sarkozy, veille sans tendresse particulière sur les opposants.C’est lui qui a imposé des mauvais traitements à l’ancien ministre et leader populiste Charles Blé Goudé. Les images terribles de sa détention où il dormait à même le sol dans un état de dégradation manifeste, ont indigné l’opinion publique africaine et obligé le régime à le transférer rapidement à la CPI de La Haye- Ce qui lui a probablement sauvé la vie.
C’est Hamed Bakayogo, toujours lui qui maintient sous lettre de cachet et en toute illégalité, le leader des « Indignés de Cote d’Ivoire », Samba David : « Il a voulu me tenir tète. Tant que je serai là, il restera en prison »(sic) ! Passablement amoché par trois mois entre les mains de la Dst, Samba David qui a été condamné en 2015 à six mois de prison se trouve encore encore incarcéré aujourd’hui pour avoir organisé une manifestation contre la vie chère.
La prochaine visite d’Emmanuel Macron à Abidjan au printemps prochain sera-t-elle l’occasion d’une libération des prisonniers politiques? Espérons le !