Le retour à Nouakchott, le 16 novembre 2019, de l’ancien chef de l’Etat (2008-2019), Mohamed ould Abdel Aziz, a provoqué une brusque hyperthermie de la vie politique mauritanienne.
La fête nationale du 28 novembre 2019 a confirmé la poussée de fièvre dans la vie politique mauritanienne. Certes, les Mauritaniens ne sont pas des Angolais et la vie politique dans ces deux pays n’est pas comparable. Ces préalables étant posés, on peut néanmoins oser tirer des observations sur le sort réservé aux deux anciens chefs de l’État, l’Angolais José Éduardo Dos Santos et le Mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz, par leur successeur, qu’ils avaient nommément choisis. En politique, l’amitié est une faiblesse et la reconnaissance une dangereuse fragilité. Comme chacun sait, la politique et la morale cohabitent rarement.
La chute du dictateur angolais
Le vieil autocrate José Éduardo Dos Santos, chef de l’État durant 38 ans, avait dirigé son pays comme une entreprise privée. Ses enfants, José Filomeno et Isabel, son clan familial et les apparatchiks du MPLA ainsi que quelques courtisans étrangers avaient bénéficié de la corruption généralisée, du népotisme caricatural et du détournement massif des deniers publics. Évidemment les marchés publics étaient de gré à gré et les principaux opposants obligés de prendre le chemin de l’exil, leurs biens et propriétés étant saisis avec l’assentiment d’une justice aux ordres. Des mandats internationaux étaient même lancés contre certains opposants.
Dans l’ombre de José Eduardo Dos Santos, le dauphin désigné entreprit sa lente ascension vers le pouvoir, avec patience et prudence. L’Histoire nous rappelle que les intrépides échouent souvent dans leur entreprise de conquête du pouvoir. Une fois que José Édouard Dos Santos ait remis les clefs du pouvoir à Joao Lourenço, qui fut son loyal ministre de la Défense et comme lui un officier supérieur aguerri, le climat entre les deux « amis de trente ans » devint de plus en plus tempétueux.
Progressivement, la gestion cataclysmique du dictateur et les scandales de sa gouvernance furent mis à jour. Les condamnations judiciaires se sont multipliées. José Filomeno et ses amis sont aujourd’hui en prison, Isabel a été dépossédée de son empire financier et notamment la Sonagol, la tirelire de l’ancien régime. Les partisans de José Éduardo Dos Santos ont été, les uns après les autres, écartés du MPLA et bien évidemment du gouvernement et des postes importants de l’Armée et de l’Administration. Cette épuration a pris plus d’une année.
José Dos Santos vit désormais en exil à Barcelone.
Le début de la fin d’Aziz
Le retour tumultueux au pays de Mohamed ould Abdel Aziz ne restera pas sans suite. L' » ami de 40 ans » de l’actuel chef de l’État a eu tort de ruer dans les brancards. Il est donc possible que le président Mohamed ould Ghazouani accélère désormais un inévitable processus de clarification qui prendra son temps, la précipitation serait contre productive.
Comme ce fut le cas au MPLA angolais, les caciques de l’Union pour la République ( UPR), le parti au pouvoir, vont devoir faire, sans délais, allégeance au chef de l’État élu par le peuple. Les récalcitrants qui maintiennent encore leur soutien à l’ancien président ne devraient pas être reconduits, lors du prochain congrès. Là encore, la patience et la prudence sont de mises.
Quant à l’Armée, il y avait manifestement urgence. Il va de soi que, contrairement à certains démentis de circonstance, le limogeage du Commandant du Bataillon de la sécurité présidentielle, la veille de la commémoration de l’indépendance à Akjoujt, n’est pas anecdotique. Elle est très significative, sans pourtant tomber dans des rumeurs sans fondements. De même, les mutations au sein de plusieurs corps de l’Armée nationale qui viennent de se faire ne trompent guère. Il y avait urgence. Pour le gouvernement et l’Administration, comme la fait Joao Lourenço, la reprise en mains pourrait maintenant prendre un rythme de croisière permettant de ne pas revenir à l’hyperthermie de ces derniers jours.
La future traversée du désert
L’apaisement et la réconciliation nationale, qui sont au coeur du programme du nouveau chef de l’Etat, ne s’accommoderaient pas avec ce qui pourrait apparaître comme des règlements de compte. La situation de l’ancien chef de l’État dépendra probablement de son comportement et de celui ses derniers fidèles. Nul doute qu’un exil intérieur et la condition d’un retraité de la vie politique lui seront difficiles à supporter. Comme pour José Eduardo Dos Santos, ce sera probablement l’exil pour Mohamed ould Abdel Aziz. Il ne serait pas surprenant que l’ancien aide de camp et tombeur de Maaouya ould Sid’Ahmed Taya ne s’établisse à Dubaï, proche du Qatar où vit l’exilé qui a écrit les pages les plus tragiques de l’Histoire de son pays.