« Mondafrique » a recensé les personnalités qui ont marqué l’année 2017 en Mauritanie. Des plus favorables au régime à ceux, de plus en plus nombreux, qui courageusement s’opposent à lui.
Ahmed Ould Abdel Aziz, un président plombé
Le bilan 2017 n’est pas glorieux pour le régime du président mauritanien: une crise économique qui s’aggrave, une corruption qui se généralise, une contestation qui s’amplifie et une répression qui s’étend à toutes les catégories de la société. A Nouakchott, des mandants d’arrêts ont été lancés contre tout ce qui bouge: de nombreux sénateurs, des journalistes, des syndicalistes indépendants ainsi que des hommes d’affaires.
En froid à Paris avec les nouvelles équipes de l’Elysée et du quai d’Orsay, le président mauritanien joue, une fois de plus face à l’opinion internationale, la carte sécuritaire. Le général Ahmed Ould Abdel Aziz tente de se refaire une virginité en devenant le bon élève de la nouvelle force G5 Sahel que la France d’Emmanuel Macron appelle de ses voeux.
Personne pourtant n’oublie qu’Aziz a refusé d’intervenir aux cotés des Français au Nord Mali en 2013. Quant au calme relatif qui règne en Mauritanie, il est du aux accords passés par le pouvoir de Nouakchott avec l’Arabie Saoudite. La mouvance salafiste financée par la manne pétrolière séoudienne est omniprésente dans les mosquées du pays.
Coups de menton et coups de communication sont les seules réponses de ce régime finissant.
Jemal M.Taleb, l’héritier désigné
Voici le franco mauritanien dont l’étoile brille aujourd’hui au firmament présidentiel. L’avocat Jemal M. Taleb, est en effet “l’ambassadeur” officieux à Paris du président Aziz dont il gère, dit-on, les missions les plus secrètes et les interventions discrètes auprès des parlementaires français qu’il emmène en voyage à Nouakchott. Jeune et brillant, cet ancien opposant à la dictature de l’ex-président Maaouiya Taya s’était réfugié à Paris où il est devenu un militant socialiste en vue et un franc maçon respecté. Ce qui lui donne aujourd’hui de nombreux accès, y compris dans les médias parisiens comme « Africa 24 » ou « la Lettre du continent ».
Sa confiance est absolue dans son avenir. « Aux prochaines présidentielles, s’est-il-vanté récemment auprès d’une amie, je pourrais bien jouer un rôle décisif, y compris celui du recours, au cas où le président Aziz serait empêché de se présenter». S’il croit qu’Aziz songe à céder sa place, tant mieux pour lui …
Voici deux ans, les liens entre Jemal Taleb et la Présidence mauritanienne, avaient été par une brouilles passagère. Sa propre soeur, fonctionnaire à Nouakchott, était jetée en prison, accusée d’avoir touché deux millions de dollars. Sans doute payait-elle pour quelqu’un d’autre, pensent certains à Nouakchott. Depuis, le malentendu a été dissipé, la soeur de Jemal libérée et l’ami Jemal peut poursuivre son (ir) résistible ascension. Jusqu’où?
Jean Louis Brugière, le cabinet noir.
Du 25 septembre au 27 septembre 2017, l’ancien juge anti-terroriste Jean Louis Bruguière s’offrait un discret et rapide voyage à Nouakchott. L’ex star du pôle anti-terroriste de Paris était accompagné naturellement par l’incontournable Jemal (voir le portrait ci dessus; « Jemal, l’héritier »). Tous deux étaient accueillis à la Présidence de la République par Ahmed Ould Bah, dit Hmeyda, un très proche conseiller de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Normal, pouvait-on penser, que Jean Louis Brugière, expert incontestable en matière de terrorisme, réfléchisse avec un chef d’Etat d’Afrique de l’Ouest sur les meilleurs moyen de lutter contre les djihadistes. Sauf que le juge Bruguière et l’avocat Jemal n’étaient pas à Nouakchott pour parler des menaces sécuritaires qui planent sur le régime mauritanien mais pour évoquer les meilleurs moyens de pourchasser les opposants qui se dressent de plus en plus nombreux contre un régime mauritanien liberticide. Interrogé le 29 septembre par Mondafrique, Jean Louis Bruguière a répondu, via son épouse, qu’il était “trop occupé” pour répondre à nos questions.
Amelia Amal Lakrafi, l’hégérie
La jeune et nouvelle députée d’ « En Marche », élue par la 10 ème circonscription des Français de l’Etranger (Moyen Orient et une partie de l’Afrique), Amelia Lakrafi, est devenue un fidèle soutien du régime d’Aziz au sein de la nouvelle Assemblée Nationale. Surprise, la Mauritanie ne figure pas parmi les 49 pays qu’elle est censée représenter! Elue en juin, la députée deveient vice président du groupe d’amitié avec le Congo du très démocrate président Sassou. Mais c’est pourtant à Nouakchott qu’elle débarque à peine un mois plus tard pour « une mission d’étude sur la sécurité au Sahel », dont on a évidemment perdu la trace depuis.
Mais ce n’est pas tout. Lorsque le 12 décembre 2017 le président mauritanien souhaite organiser un colloque à sa gloire à l’Assemblée Nationale, c’est la députée Amelia Lakrafi qui envoie les cartons d’invitation et accueuile cette noble assemblée.
Autant de zèle s’explique très simplement par les liens qu’elle entretient avec le conseiller de l’ombre du président Aziz, Jamal Taleb, dont elle partage aujourd’hui l’existence.
Mohamed Ghadde, l’opposant numéro un
En mars 2017, le sénateur Mohamed Ould Ghadde a contribué au rejet d’amendements constitutionnels qui visaient à dissoudre le Sénat et qui étaient soutenus par le président Mohamed Ould Abdel Aziz. Lorsque le pouvoir a soumis la même proposition à un référendum national le 5 août, Ghadde a dénoncé la manœuvre haut et fort. Cinq jours après le résultat positif obtenu par le régime grâce à une fraude massive, le sénateur opposant était placé en garde à vue. Il est toujours en prison six mois plus tard, mais pas encore jugé. Il est accusé avoir accepté des financements de l’homme d’affaires, mécène et opposant, Mohamed Bouamatou. En Mauritanie, le mécénat est devenu un délit !
Le collège de juges d’instruction qui a entendu Ghadda le 12 octobre dernier a également placé sous contrôle judiciaire douze autres sénateurs, quatre journalistes indépendants et deux leaders syndicaux en raison eux aussi de leurs liens supposés avec Mohamed Bouamatou.
Biram Dah Abeid, le cauchemar du régime
Grand militant de la lutte anti-esclavagiste, lauréat du Prix des droits de l’homme des Nations unies en 2013, Biram Dah Abeid inquiète le pouvoir du président Ould Adel Aziz. Il construit petit à petit sa stature de présidentiable pour l’élection de 2019. Très connu sur la scène internationale, notamment en Afrique de l’Ouest, où il est reçu dans certains palais présidentiels, Biram, comme l’appellent ses partisans, a réussi, lui le Haratine descendant d’esclaves arabisés par les Maures, à gagnér la confiance des Négro-Mauritaniens (les peuls, les wolofs, les soninkes et les sarakoles). Tout en tendant la main aux partis d’opposition traditionnels.
Cette perspective d’alliance entre Haratines et Négro-Mauritaniens, deux communautés sociologiquement majoritaires dans le pays, pourrait faire changer l’issue de la présidentielle de 2019 dans le pays. D’autant plus que ces mouvements ont jeté des passerelles vers les mouvements d’opposition plus traditionnels.
De quoi empêcher Aziz de dormir sur ses deux oreilles.
Abdallah Ould Hormatallah, le propagandiste piégé
On connait bien à « Mondafrique » Abbdellah Ould Hormatallah, un grand ami lui aussi de l’avocat Jamal Taleb (voir ci dessus) et qui fut jusqu’il y a peu, le directeur général de Radio Mauritanie. Ce thuriféraire du président Aziz – « le chef de l’Etat, ose-t-il dans une envolée lyrique, a rétabli la gloire d’une Nation, légitimement héritière d’un apport de savoir et de sagesse à la civilisation universelle »-, n’a eu de cesse de dénigrer violemment notre site et son directeur, Nicolas Beau: « Nicolas Beau, écrivait-il, n’est qu’un mercenaire, payé à coups de dizaines de milliers d’Euros pour ternir l’image d’un pays qu’il ne sait même pas situer géographiquement, dans ses torchons crasseux et haineux, rédigés par des stagiaires ».
Hélas pour l’ami Hormatallah, il vient d’être démis de son poste après une enquête de l’inspection générale de l’Etat mauritanien qui a révélé l’existence d’un énorme trou financier de plus de 100 millions d’ouguiyas qui a alimenté notamment la société Socodi de son gendre. L’intéressé, qui a comparu en décembre devant le Procureur, n’a pu apporter aucune justification à ces manquements graves dans la gestion de l’entreprise publique.
Zeine Abidine, le prète nom du Président.
Le président Ahmed Ould Abdel Aziz a cherché à introniser l’homme d’affaires Zeine Abidine, devenu son principal allié dans le pillage des ressources du pays, comme patron des patrons mauritanien. Protégé depuis toujours par le Premier ministre mauritanien, Yahya Hadenine, et depuis deux ans par le Président de la République, Ahmed Ould Abdel Aziz, l’ancien responsable de la buvette de “Radio Mauritanie”, Zeine Abidine, dont la fortune est tombée du ciel (présidentiel), a désormais la prétention de devenir le chef du patronat mauritanien
Zeine Abidine pourrait bien servir de prête-nom au chef de l’Etat au sein de la Banque Mauritanienne d’Investissement (BMI), un nouvel établissement qui a reçu son agrément le 31 mars 2016 et dont il détient officiellement 40% du capital. Cette banque chargée des basses oeuvres de l’Etat est parvenue à trouver des correspondants à l’étranger bien peu vigilants: la British Arabe Commercial Bank (BACB) à Londres et l’Union de Banques Arabes et Françaises à Paris.
D’ores et déja, la BMI accueuillerait des dépôts avoisinants les 15 milliards alors que ses portes ne sont pas encore ouvertes au public. D’après des sources que Mondafrique possède dans les milieux financiers mauritaniens, une société étrangère offshore y détiendrait 60 % des fonds et ces derniers, semble-t-il, appartiendraient au Général Président.
Michel Sapin, le protecteur à Paris
Disons que l’ancien ministre des finances de Hollande et ancuen président du groupe d’amitié Gtance Mauritanie à l’Assemblée, qui aime tant les échappées belles dans les sables mauritaniens, ne pèse plus très lourd. En voyage en Mauritanie début novembre 2017, l’ancien ministre des finances de François Hollande, Michel Sapin, a rencontré le président Azis, confronté à une contestation grandissante et adepte d’une répression tous azimuts. Non seulement l’ancien ministre n’a fait aucune déclaration sur l’état des libertés aujourd’hui en Mauritanie, mais il a accepté de devenir président d’honneur de l’antenne mauritanienne du Club des Partenariats public-privé (PPP).</span>
Abderrahmane Sissako, le cinéaste en panne
Toujours paré d’une chemise blanche immaculée et largement ouverte, le réalisateur mauritanien Sissako n’est cinéaste qu’à ses heures perdues. Ce qui nourrit ce BHL des dunes ces dernières années, ce sont ses fonctions de conseiller « culturel » attitré du président Mohamed Ould Abdel Aziz, le chef d’État mauritanien qui a imposé à son peuple une médiocre dictature de sous-préfecture, en faisant main basse sur les richesses de son pays.
Depuis le film qui l’a fait connaitre en 2014, « Timbukt, tourné avec l’aide du pouvoir mauritanien, le cinéaste semble en panne d’imagination. A l’image de son Président Aziz.