Ilyas El Omari, ie secrétaire général du PAM, qui devait terrasser voici un an les islamistes du PJD lors des dernières élections législatives, enchaîne les faux pas.
Décidément, 2017 n’est pas l’année d’Ilyas El Omari, le secrétaire général démissionnaire — puis réfractaire — du Parti authenticité et modernité (PAM). Discret au lendemain de la défaite de son parti face au Parti justice et développement (PJD) lors des élections législatives du 7 octobre 2016, le politicien rifain a été extirpé de sa tanière par le mouvement contestataire du Hirak dans la ville d’Al Hoceima, un de ses fiefs du Nord du Maroc.
Attaqué par ses adversaires en sa qualité de président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, qui le tiennent pour responsable de l’envenimement de la situation dans le Nord, il a fallu que le roi punisse quelques hauts responsables durant le désormais fameux “séisme politique” pour qu’Ilyas El Omari craigne pour sa tête. On l’a vu accélèrer subitement certains projets en retard dans sa région.
Le secrétaire général du PAM essaie de regagner la sympathie de ses partisans et de la monarchie, mais le fait maladroitement en enchaînant les faux pas et en accumulant les ennemis. A quoi il joue-t-il?
Démissionnera, démissionnera pas
Le 7 août dernier, El Omari annonce sa démission du secrétariat général du PAM, surnommé encore le parti du tracteur. Sa décision, unilatérale et prise malgré l’opposition du bureau politique, n’a en fait jamais été validée pour une raison simple: elle n’a jamais été transmise par écrit au Conseil national pour un examen lors de sa 22e session tenue en octobre dernier. Ceci dit, à l’issue de cette session, El Omari — qui continuait à téléguider le parti même après sa vraie fausse démission — a complètement changé de discours: il ne veut plus démissionner, il veut même reprendre les rênes du parti et reconfigurer sa direction. Autrement dit, éliminer ses détracteurs.
Mais pourquoi donc a-t-il démissionné ? Par anticipation, suite au dernier discours du Trône dans lequel Mohammed VI a vivement critiqué la classe politique. Le président de la région Tanger-Tétouan-Hoceima avait en fait cru plaire en agissant ainsi, il espérait que d’autres dirigeants de partis dont le mandat arrive à échéance fassent de même. La vérité est qu’Ilyas El Omari voulait lier son sort à la tête du PAM à celui d’Abdelilah Benkirane, chef sortant du PJD. Mais comme ce dernier a fait des pieds et des mains pour arracher un troisième mandat, El Omari s’est vu contraint de changer de stratégie.
Le 26 novembre finalement et contre toute attente, le Parlement du PJD a donné son verdict: Benkirane n’aura pas droit à un 3e mandat. Maintenant qu’il a un adversaire de moins dans la scène politique, El Omari redeviendra-t-il démissionnaire?
Poussé vers la sortie
Aujourd’hui, ce sont ses « amis » au sein de sa propre formation politique qui veulent son départ. Abdelatif Ouahbi avait ouvertement déclaré la guerre à Ilyas El Omar, qu’il traite de “dictateur”. L’ancien chef du groupe parlementaire PAM s’est même dit prêt à quitter le parti si El Omari continue à le diriger. Au lendemain du Conseil national du parti tenu en octobre, Ali Belhaj a quant à lui qualifié la volte-face d’El Omari de “pathétique, comique, si ce n’est tragique”. Hassan Benaddi, qui a été le premier SG du PAM lors de sa création en 2008, l’accuse d’avoir ruiné le parti après l’avoir utilisé pour s’enrichir. Ces voix dissonantes s’accordent à dire que le départ d’Ilyas El Omari est nécessaire à la survie et la cohésion du parti et réfléchissent déjà aux scénarios de la succession d’El Omari.
Ayant appris des erreurs de leur chef en plein embrasement du Hirak, les PAMistes veulent reconfigurer le parti en accordant désormais une importance particulière aux régions, aux jeunes et aux femmes. Du classique!
Faux pas à Abidjan
Discret après l’annonce de sa démission, Ilyas El Omari a agacé plus d’un après le match de qualification du Maroc à la Coupe du Monde qui s’est tenu le 11 novembre à Abidjan en Côte d’Ivoire. L’homme politique a en effet été accusé d’avoir volé la vedette aux Lions de l’Atlas fraîchement victorieux. Bien qu’il soit président d’honneur du club de football Chabab Al Hoceima et qu’il ait payé les 17.000 dirhams du billet d’avion de sa propre poche, l’homme politique n’avait aucune raison de monter dans le même avion que l’équipe nationale, ni de se trouver dans la tribune d’honneur, ce qui a délié plusieurs langues sur la nature de ses relations avec Fouzi Lakjaâ, le président de la Fédération royale marocaine du football.
Ilyas El Omari s’était même arrangé pour sortir le premier de l’avion à l’aéroport Mohammed V à Casablanca pour accueillir, le drapeau marocain sur les épaules, les footballeurs avec lesquels il rentrait d’Abidjan. Mohamed Mhidia, le préfet de la région Rabat-Salé-Kénitra. Ce dernier ayant cru qu’El Omari était l’envoyé spécial du roi lui-même, l’avait même embrassé sur le front devant fans et caméras.
L’impair n’a pas plu au Palais. Le 16 novembre, alors qu’il devait prendre part au forum parlementaire des régions, El Omari a brillé par son absence. Son alibi est qu’il devait visiter le même jour un hôpital à Tanger. En fait sa présence n’aurait pas été souhaitée lors de la lecture du message royale.
Abonné aux accusations graves
L’accusation a fait l’effet d’une bombe. Le 21 novembre, Me Issac Charia, l’un des avocats de Nasser Zefzafi, le leader du Hirak (mouvement de contestation dans le Rif) actuellement emprisonné, a déclaré devant les magistrats de la chambre criminelle près de la Cour d’appel de Casablanca que “de graves informations impliquant cette personnalité font état de l’appui accordé par le patron du Pam au mouvement contestataire. Il aurait même tenté d’embraser la situation à El Hoceima”.
Selon l’avocat, Ilyas El Omari aurait approché Zefzafi pendant les balbutiements de la crise dans le Rif, mais ce dernier “a refusé de conspirer contre la monarchie”. Le politicien, qualifiant ces accusations de graves et dangereuses, a déposé une plainte contre Me Charia.
Si les accusations de ce dernier sont à prendre avec des pincettes — il n’est pas connu dans le milieu pour sa crédibilité —, ce n’est pas la première fois que le nom d’Ilyas El Omari soit cité en relation avec des évènements secouant le pays. Quand les émeutes de Gdim Izik ont éclaté près de Laâyoune en novembre 2010, faisant 13 morts et des centaines de blessés, Ilyas El Omari a été pointé du doigt par Abdelilah Benkirane. Le chef du PJD l’avait déja accusé d’avoir provoqué ces événements. Le PAMiste s’était défendu en affirmant que le hasard a voulu que pendant les émeutes, il se trouve chez un militant connu de la ville. Son nom est évoqué parmi les accusés pendant les procès, mais il n’est jamais convoqué. Et quelques jours après l’explosion de la bombe lancée par Me Issac Charia, celui-ci s’est retiré du comité de défense des détenus du Hirak.
À croire que la vraie force de cet ancien gauchiste devenu un libéral pur jus, c’est son incroyable habilité à sortir indemne des situations les plus compromettantes.