Le chef du gouvernement marocains est resté muet comme une taupe depuis environ un mois. Abdelilah Benkirane, désigné au lendemain des élections du 7 octobre dont il est sorti victorieux pour diriger le gouvernement, a choisi de briser le silence une journée après l’arrivé au Maroc de Mohammed VI, revenu une longue tournée en Afrique subsaharienne. Et Benkirane comme à l’accoutumée n’a fait pas dans la dentelle. Le premier à faire les frais de la sortie tonitruante du patron des islamistes marocains est incontestablement le riche homme d’affaires et ministre de l’Agriculture depuis une dizaine d’année, Aziz Akhannouch affublé par le très bien informé magazine « Jeune Afrique » du qualificatif flatteur « ami du roi ». En effet, Abdelilah Benkirane, dans une allocution à l’adresse des cadres de son part, a accusé directement Aziz Akhannouch d’être à l’origine du blocage de la formation du gouvernement.
D’après le chef du gouvernement désigné par le Palais, le président du RNI a exigé que l’Istiqlal ne fasse pas partie du prochain gouvernement. Il a également demandé à Benkirane de ne plus évoquer « l’autoritarisme » le long de son mandat. Des conditions jugées inacceptables par le chef du gouvernement sortant.
« Crise politique »
D’ailleurs, lors de cette allocution Abdelilah Benkirane a révélé que le Maroc traverse aujourd’hui une crise politique parce que selon lui « il y a des parties qui veulent humilier la volonté populaire ». Pourquoi Benkirane s’est-il tu pendant plus d’un mois avant de donner l’ordre de diffuser le 14 novembre une vidéo enregistrée un dizaine de jours auparavant ? D’après des sources bien informées à Rabat, le Chef du gouvernement chargé de former le nouveau cabinet a été très affecté par la manière dont le roi l’a salué sur le tarmac de l’aéroport de Casablanca à son arrivée de sa tournée africaine. Les images officielles de la télévision marocaine montrent un Benkirane tentant de parler à Mohammed VI qui l’a snobé royalement. Une séquence qui en dit long sur les relations difficiles qu’entretient le monarque alaouite avec son chef du gouvernement.
Les mêmes sources ajoutent que le souverain chérifien aurait peu apprécié que Benkirane évoque publiquement les conditions que lui a soumises Aziz Akhannouch. Ce ne sont, affirme le chef du mouvement islamiste, qu’une partie des désidératas du Makhzen, du nom dont on désigne au Maroc l’entourage royal et les réseaux dont il dispose dans l’appareil d’Etat.
En attendant, la crise politique s’accentue et débouche de plus en plus sur une crise institutionnelle.
Revoir l’interview d’Abdelilah Benkirane avec Nicolas Beau à la veille des élections législatives d’octobre 2016.