Libye, des prisons inhumaines

En Libye, le tableau de la situation des droits de l’homme reste très sombre. Dans un entretien au site Magharebia, financé par le ministère américain de la Défense, le président de l’Association des victimes des atteintes aux droits de l’Homme et fondateur de l’Observatoire libyen des droits de l’Homme, Nasser Houari, décrit les conditions de détention inhumaines dans les nombreuses prisons illégales administrées par des milices sur le territoire libyen.

Prison_LibyeEn Libye, la situation sécuritaire et celle des droits de l’homme sont de plus en plus inquiétantes, comme le témoigne cette interview de la journalsite Asmaa Elourfi, du site Magharebia, sur les détenus emprisonnés le plus souvent dans des lieux « illégaux »…

Magharebia : Les rumeurs sur des prisons secrètes sont-elles fondées ?

Nasser Houari : Les prisonniers en Libye sont soumis à des conditions de détention très dures. Les prisons ne répondent pas aux normes internationales, parce que le contrôle de certaines d’entre elles est assuré par les milices…

Ces dernières ont recours à la torture, un moyen idéal et rapide d’obtenir des confessions de la part des prisonniers, et des dizaines d’entre eux sont déjà morts sous la torture, de malnutrition et par suite de traitements inhumains.

Magharebia : Le gouvernement et le Congrès général national ne peuvent-ils rien faire pour mettre un terme à ces abus ?

N.H: Certaines prisons étaient supposées être placées sous la direction du ministère de la Justice, mais les contrôles effectifs relèvent des directeurs des prisons et des conseils militaires des villes dans lesquelles se trouvent ces centres.

L’actuel ministre de la Justice, Salah al-Marghani, a fait de nombreux efforts et tentatives, mais le refus et les promesses évasives des commandants militaires et des directeurs de prisons l’ont empêché de faire ce qu’il souhaitait..

Magharebia : Quelles sont effectivement les conditions de détention pour les prisonniers ?

N.H : Elles sont, comme je le disais, très mauvaises. Beaucoup sont déjà morts, d’autres souffrent de handicaps.

Quant aux procès, la plupart d’entre eux ne bénéficient pas d’une juste représentation par un avocat. Les familles des accusés ne peuvent nommer un avocat pour défendre leurs proches…

Magharebia : En tant que directeur de l’Association des victimes d’atteintes aux droits de l’Homme, qu’avez-vous vu ?

N.H: Des choses que les mots ne sauraient décrire. Nombre de ceux qui dirigent aujourd’hui ces prisons avaient eux-mêmes été détenus au temps de Kadhafi, et ils règlent aujourd’hui leurs comptes avec les dirigeants et les soldats de l’ancien régime. Un militant des droits de l’Homme impartial et courageux se doit d’admettre que ce qui se passe aujourd’hui dans les prisons en Libye est pire que ce qu’il s’y passait du temps de Kadhafi.

Magharebia : Que répondent ces prisons à votre organisation ?

N.H : Il y a une absence totale de coopération. Bien au contraire, nous sommes chassés par les milices, et certains directeurs de prisons nous menacent même parce que nous avons dévoilé et publié des cas de violations des droits de l’Homme.

Magharebia : Quels sont vos objectifs ?

Houari : Toutes les prisons doivent être placées sous l’autorité du ministère de la Justice, afin de pouvoir répondre aux normes internationales en matière de gestion des centres de détention. Les groupes locaux et internationaux de défense des droits de l’Homme doivent être en mesure de rendre régulièrement visite aux prisonniers pour vérifier leur situation et entendre leurs doléances. Les gardiens de ces centres doivent également suivre des cours destinés à les préparer psychologiquement à traiter humainement leurs prisonniers.

Nous pourrons ainsi empêcher, ou à tout le moins réduire ces violations.

Magharebia : Qui sont les responsables de ces centres de détention ?

N.H : Ce sont les milices, en particulier les islamistes extrémistes, qui administrent ces prisons. Certaines le sont également par des milices tribales, comme à Zawiya, Misrata et Zliten.

Magharebia : Depuis huit mois que votre organisation a été créée, qu’avez-vous fait pour attirer l’attention sur cette question ?

N.H : Nous avons déjà documenté des dizaines de cas, publié trois rapports, et organisé une table ronde sur la torture dans les prisons libyennes.

Mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer et promouvoir les droits de l’Homme en Libye.

 

site Magharebia : http://magharebia.com/fr/articles/awi/features/2014/02/24/feature-02