Les rebelles menés par des islamistes radicaux ont annoncé à la télévision publique syrienne la chute du président Bachar al-Assad et la « libération » de la capitale Damas, après une offensive fulgurante qui a mis fin à plus de cinq décennies de règne de la famille Assad.
Plusieurs dizaines de personnes ont rallié le centre de Damas pour célébrer la chute du régime, selon des images de l’AFPTV. Sur la place des Omeyyades, le bruit de tirs d’armes à feu en signe de joie se mêle aux cris d’Allahou Akbar Allahou Akbar ». »On attendait ce jour depuis longtemps », a indiqué Amer Batha, joint au téléphone par l’AFP depuis la place des Omeyyades. « Je n’arrive pas à croire que je suis en train de vivre cet instant » lâche ce Syrien qui fond en larmes: « C’est une nouvelle histoire qui commence pour la Syrie ».À la télévision publique, les rebelles ont annoncé la chute du « tyran » Bachar al-Assad et la « libération » de la capitale Damas.Dans leur communiqué, ils ont dit avoir libéré tous les prisonniers « injustement détenus » et appelé à sauvegarder les biens de l’État syrien « libre ».
Assad en fuite
Le président syrien, Bachar al-Assad, a fui la Syrie dimanche, selon une ONG, face à la pression des rebelles qui mènent une offensive fulgurante et ont annoncé être entrés dans la capitale Damas, où des tirs nourris ont été entendus.
Depuis le début de leur offensive le 27 novembre dans le nord-ouest de la Syrie, les rebelles ont conquis rapidement plusieurs grandes villes clés et avaient annoncé viser Damas menaçant de faire chuter le président syrien.
« Assad a quitté la Syrie via l’aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent » le site, a indiqué à l’AFP le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane.
L’AFP n’était pas en mesure dans l’immédiat de confirmer de source officielle où se trouve le président qui dirige la Syrie depuis vingt-quatre ans.
Les groupes rebelles qui ont pénétré dimanche dans la capitale syrienne ont annoncé la « fuite » du « tyran » Bachar al-Assad, appelant les Syriens exilés à l’étranger à rentrer dans une « Syrie libre » et proclamant « Damas libre de la tyrannie ».
« Le tyran Bachar al-Assad a pris la fuite » et « nous proclamons la ville de Damas libre », a annoncé cette coalition de groupes rebelles dans des messages partagés sur l’application Telegram. « Après 50 ans d’oppression sous le pouvoir du (parti) Baas, et 13 années de crimes, de tyrannie et de déplacements (forcés), (…) nous annonçons aujourd’hui la fin de cette période sombre et le début d’une nouvelle ère pour la Syrie », a-t-elle ajouté.
“Passation” de pouvoir
Le Premier ministre syrien s’est dit prêt à « la coopération » avec tout nouveau « leadership » choisi par le peuple, précisant qu’il serait dimanche matin dans ses bureaux au siège du gouvernement pour toute procédure de « passation » de pouvoir.
« Ce pays peut être un pays normal, construisant de bonnes relations avec ses voisins et avec le monde (…) mais cette question sera du ressort de tout leadership que choisira le peuple syrien, et nous sommes prêts à la coopération et à lui apporter toutes les facilités possibles », a indiqué le chef du gouvernement, Mohamed al-Jalali, dans une vidéo publiée sur son compte Facebook.
Le commandant de Hay’at Tahrir al-Sham, qui dirige l’offensive des rebelles ayant pénétré dans la capitale syrienne, a appelé ses combattants à ne pas s’approcher des institutions publiques à Damas, qui restent sous contrôle de l’ex-Premier ministre jusqu’à une « passation officielle ».
« À toutes les forces militaires dans la ville de Damas, il est totalement interdit de s’approcher des institutions publiques, qui resteront sous le contrôle de l’ancien Premier ministre jusqu’à la passation officielle », selon un communiqué d’Abou Mohammad al-Jolani, qui a commencé à utiliser son vrai nom Ahmed al-Chareh. « Il est également interdit de tirer en l’air », a-t-il ajouté dans le communiqué partagé sur la chaîne Telegram de la coalition rebelle.
« Nos forces ont commencé à entrer dans Damas », avait déclaré plus tôt sur Telegram le groupe islamiste radical Hay’at Tahrir al-Sham, à la tête d’une coalition de rebelles soutenus par la Turquie. Des habitants de la capitale ont déclaré à l’AFP avoir entendu des tirs nourris.
Selon des sources de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), l’ordre a été donné aux officiers et aux soldats des forces gouvernementales de se retirer de l’aéroport international de Damas.
Avant ce retrait, le président Bachar al-Assad a pu quitter la Syrie via l’aéroport de Damas, selon l’ONG basée à Londres et qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie.
Les rebelles ont aussitôt annoncé avoir pris la prison de Sednaya à Damas, symbole des pires exactions des forces du président Assad, et libéré les détenus de cet établissement.
Le Hezbollah libanais, soutien clé du pouvoir de Bachar al-Assad, a retiré parallèlement ses forces de la périphérie de Damas et de la région de Homs (ouest de la Syrie), selon l’OSDH.
Le mouvement islamiste libanais « a demandé ces dernières heures à ses combattants de se retirer de la région de Homs, certains se dirigeant vers Lattaquié (côte ouest de la Syrie, ndlr) et d’autres vers la région du Hermel au Liban », a indiqué l’ONG à l’AFP, précisant que « les combattants du Hezbollah avaient également quitté leurs positions autour de Damas ».
Meurtrie par une guerre qui a fait un demi-million de morts depuis 2011, et l’a morcelée en zones d’influence, avec des belligérants soutenus par différentes puissances étrangères, la Syrie n’avait pas connus de combats aussi intense depuis 13 ans.
La coalition de groupes rebelles menée par HTS, un groupe issus de l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, a effectué en une dizaine de jours une avancée particulièrement spectaculaire, capturant les grandes villes d’Alep et Hama avant d’annoncer dans la nuit de mardi à mercredi avoir pris le contrôle de Homs, troisième ville du pays, et être entrée dans la capitale Damas.
Elle a notamment profité du retrait de plusieurs régions des forces gouvernementales face à l’offensive qu’elle a lancée à la surprise générale le 27 novembre à partir de la province d’Idleb, son fief dans le nord-ouest syrien, malgré des raids aériens menés avec l’allié du régime, la Russie, et des opérations au sol contre les secteurs insurgés.
Au sud de la capitale, près de la frontière jordanienne, les troupes gouvernementales ont également perdu le contrôle de la ville de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, au profit de forces locales, selon l’OSDH.
Sur un autre front, dans la province de Deir Ezzor (est), les forces gouvernementales se sont retirées de territoires sous leur contrôle et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes s’y sont déployées.
Avec l’appui militaire de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah, le pouvoir dirigé par M. Assad avait repris en 2015 une grande partie du pays et en 2016 la totalité d’Alep, dont la partie est avait été prise en 2012 par les rebelles.
Un cessez-le-feu instauré en 2020, parrainé par Ankara et Moscou, avait ramené un calme précaire dans le nord-ouest.
La guerre civile en Syrie, déclenchée avec la répression violente de manifestations prodémocratie, a fait environ un demi-million de morts.
Avec AFP
Syrie, la progression foudroyante des rebelles vers Damas