Elu président mauritanien, le samedi 22 juin, avec officiellement 52% des suffrages, le général Ghazouani devra, s’il veut réussir, se libérer de la tutelle de son prédécesseur, le président Mohamed Ould Abdel Aziz,
Le général Ghazouani, un soutien constant du président mauritanien sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, depuis son accession au pouvoir en 2008, devait en principe prendre sa retraite de chef d’état-major à l’automne 2018. Or la désignation de ce « frère d’armes » comme ministre de la Défense par le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, fut le premier signe que l’heure du départ n’était pas venue. Plus encore, les cartes de la situation politique mauritanienne ont été redistribuées en sa faveur par le choix du président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui ne se représentait pas pour un 3eme mandat, d’en faire son héritier.
La transmission de pouvoir entre les deux hommes est désormaisl effective depuis le scrutin présidentiel du samedi 22 juin où le général Ghazouani a été élu, du moins officiellement, dès le premier tour. Ce score n’est impressionnant qu’en apparence. En Mauritanie en effet, un pays où l’armée reste maitresse du pouvoir, les listes électorales sont habituellement trafiquées et les résultats toujours fraudés. Ce que l’opposition appelle « un hold up électoral » programmé.
Ce Président muet
Avec cette élection instrumentalisée par le général Aziz, voici le général Ghazouani confronté à un choix cornélien. Ce militaire légitimiste saura-t-il se démarquer de son mentor pour réaliser une véritable alternance dans un pays qui , depuis l’indépendance, est miné par une culture du coup d’état et de la suprématie des militaires sur les civils? Ou sera-t-il seulement la pale copie de son prédécesseur qui saura, lui, tirer les ficelles et distribuer les prébendes d’un pouvoir devenu fantoche?
Les premières déclarations du président Ghazouani, quelques heures après la fin du scrutin et en présence de son prédécesseur, le président Aziz, pour s’auto proclamer élu, alors que l’ensemble des bulletins n’était pas dépouillé, n’annoncent guère un changement radical de la gouvernance. Pire encore, son silence, depuis la proclamation officielle des résultats et alors que de graves accusations de fraude sont lancées par l’opposition, ne plaident pas d’avantage en sa faveur. Pas plus que la répression brutale par les forces de police, le lendemain du scrutin contre les manifestants descendus des quartiers périphériques vers le centre de Nouakchott pour protester contre la fraude.
Aziz poussé vers la sortie
Si le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a renoncé à un troisième mandat, c’est qu’il n’avait guère le choix. Sa candidature était tout d’abord contraire à la constitution mauritanienne. Ses partenaires occidentaux, français et américains en tète, lui avaient fait savoir qu’ils n’étaient pas hostiles à ce qu’il envisage une sortie par le haut.
Au sein même de son propre parti, l’UPR, ainsi qu’au sein de l’armée mauritanienne, beaucoup en privé devenaient fort critiques sur le bilan calamiteux du rêgne et sur la place grandissante prise par la famille du Président, notamment sa fille, dans les affaires du pays. A la façon dont à la fin du règne du président Ben Ali en Tunisie en 2011, le mouvement présidentiel, le RCD, et une partie des militaires tunisiens avaient pris leurs distances.
D’où le plan B du président Aziz de placer le général Ghazouani en orbite pour assumer provisoirement au lieu et avec son onction, la fonction de président. A la façon dont Poutine avait pu promouvoir en 2008 Dmitri Medvedev, son Premier ministre, à la tète de la Fédération de Russie, pour mieux revenir ensuite.
Les atouts du nouveau Président
Pourtant le général Ghazouani bénéficie de nombreux atouts qui pourraient rendre caducs les stratagèmes du président Aziz pour quitter la Présidence tout en conservant le vrai pouvoir. Première qualité, ce haut gradé a toujours entretenu d’excellentes relations avec la France, les Etats Unis et le Maroc-?Ce qui devrait lui permettre sur le plan international de revenir sur les préférences algérienne, émiratie et séoudienne de son prédécesseur.
Ensuite, Ghazouani bénéficie d’un large consensus au sein de l’armée mauritanienne, la colonne vertébrale du pouvoir depuis l’indépendance. Ce qui n’était plus le cas d’Aziz condamné à nommer à la tète du Basep, la garde prétorienne du pouvoir, son propre garde du corps, en suscitant la réprobation de nombreux hauts cadres militaires de l’armée
Enfin les origines et le parcours du général Ghazouani en font une personnalité respectée bien au delà du cercle clanique et affairiste qui entoure aujourd’hui la présidence. En privé, des personnalités de l’opposition espèrent que la présidence du général Ghazouani. marquera une rupture avec le passé. « Fils d’un chef spirituel de la tribu maraboutique Ideiboussat, des Berbères à qui l’on prête des pouvoirs mystiques, écrit le site du « Point Afrique », il est réputé (…) pour bénéficier de l’influence également discrète mais grande de sa propre tribu très active dans les questions religieuses, le soufisme notamment, mais aussi dans le commerce de véhicules, de thé, de tissus et de céréales ».
Pour le président Aziz qui se méfie de tout et de tous, le défaut de Ghazouani pourrait bien être l’aura dont il bénéficie et qui ne manquera pas de ternir, par comparaison, son propre bilan. A condition que le nouveau président élu occupe le terrain et se désolidarise d’un bilan jugé unanimement désastreux.