Abdallahi Ould Breïhim, appartenant au parti « Sursaut », fait partie de cette jeune génération de députés qui fait son entrée, pour la première fois, dans la chambre basse du Parlement, élue à l’automne dernier. Le journal « Le Calame », partenaire de notre site livre son témoignage
Abdallah Ould Breîhim s’est présenté, comme tout bon « bleu » à l’ouverture de la première session de l’Assemblée. Il raconte ce qu’il a vécu. Cela dépasse l’entendement.‘’Lorsque la session a été convoquée, je pensais, naïvement peut-être, qu’on allait, d’abord, nous appeler pour nous donner des écharpes, un signe distinctif pour ne pas être noyé dans la foule et donner un minimum de solennité à la séance. C’est, d’ailleurs, ce qui se fait un peu partout dans le Monde. Or il n’en fut rien. Je me suis donc présenté, le matin du mercredi 29 janvier, à la porte qui mène à l’hémicycle. Un garde, hirsute, mal rasé et mal barré, m’intercepte :
« Personne n’entre !
– Mais, monsieur, je suis député.
– Je m’en fous ! »
Numéro 85
Se présente le député de Nouadhibou, El Ghassem Ould Bellali. Le garde accourt, tout sourire : « Monsieur El Ghassem, entrez ! » Je m’interpose alors : « Personne n’entrera avant moi, je suis député, comme lui ! » Ambiance… Heureusement, un membre de l’administration de l’Assemblée intervient, nous laisse entrer mais me colle un numéro, le 85, comme dans un camp de concentration. Si les députés avaient, chacun, leur écharpe et une porte d’entrée spécifique, on pouvait aisément éviter ce genre de mésaventure. A l’intérieur, la situation n’est guère meilleure. Les députés se bousculent avec les peshmergas, les badauds et même les fous. Je m’achemine vers la première rangée, un huissier m’interpelle :
« Ce sont les sièges réservés aux membres du gouvernement.
– Mais il n’y aura pas de ministres, aujourd’hui », lui fais-je remarquer.
Des islamistes cajolés
Rien n’y fait. En réalité, les sièges sont réservés à certains députés qui connaissent les bons tuyaux pour être aux premières loges et se faire prendre, en gros plan, par les cameramen de la TVM. Comme je ne veux pas être, moi non plus, « oublié », j’appelle un de ces techniciens. Avant de placer un mot, il m’indique la voie à suivre : « Je peux te prendre en gros plan mais j’ai un problème de carburant ». Ah ? Je ne savais pas que les caméras de la TVM marchaient au gasoil ou à l’essence…
Les députés de Tawassoul ont, eux, apparemment bien compris la nature dudit carburant. Mohamed El Ghoulam se concerte, rapidement, avec Mokhtar Ould Mohamed Moussa et celui-ci glisse une grosse liasse de billets au caméraman qui s’empresse de l’engouffrer, rapidement mais maladroitement, dans sa poche. Les Islamistes auront donc droit à plusieurs prises, reprises et gros plans.
Crasse et désordre
La séance débute dans un désordre indescriptible. Les agents de l’Assemblée, habillés comme dans un film muet de Charlie Chaplin, paraissent incapables de mettre un peu d’ordre dans la salle. Les lieux sont, d’ailleurs, d’une propreté douteuse, comme s’ils n’avaient jamais vu passer le moindre service de nettoyage. Le jardin est dans un état déplorable. Ceux qui sont censés payer les jardiniers préfèrent entretenir leurs propres ‘’potagers’’ avec l’argent du contribuable plutôt que de donner à l’Assemblée ne serait-ce qu’une apparence extérieure présentable. Les toilettes, non plus, ne sont pas en reste. Elles ne donneraient qu’une seule envie au téméraire qui oserait les braver : prendre ses jambes à son cou.
Le bureau du trésorier est barricadé derrière de fortes grilles, comme pour se protéger des assauts des élus. Et ce n’est pas tout, loin de là. L’autre salle, celle qui doit servir, lors des pauses, de café-restaurant, est dans un état lamentable. Dire qu’elle est crasseuse relève d’un euphémisme de bon aloi. Pire, il n’y a pas aucun espace réservé à la prière. Dans l’Assemblée nationale d’un Etat islamique!
On en vient, évidemment, à se poser quelques légitimes questions. Où est donc passé le budget de fonctionnement de l’Assemblée ? Pourquoi ne sommes-nous jamais comme les autres ? Comment une institution aussi importante de la République peut-elle se retrouver dans un tel état de délabrement ? Et, enfin, où est la solennité, dans tout ça ?’’
Au diapason de son parti, Abdallahi Ould Breïhim a manifestement sursauté en découvrant son nouveau lieu de travail. Et, quoique nous ne lui souhaitions pas trop grande fréquence, guère bonne pour la santé, de tels haut-le-corps, il est fort probable qu’il aura bien d’autres occasions de sursauter, au cours de son mandat…
AOC