Dans un souci d’élargir la base de ses soutiens, le pouvoir algérien instrumentalise la justice pour qu’elle amnistie progressivement les proches de l’ancien président Bouteflika qui ont été massivement condamnés pour corruptin après son départ du pouvoir.
Au lendemain du décès du vice-ministre de la défense le général major Gaid Salah, la reprise en main des leviers du pouvoir réel fut entamée par les partisans de l’ancien état profond. L’élargissement en catimini de l’ancien patron du DRS le général Mohamed Médiene dit toufik dans une résidence à Cheraga sur les hauteurs d’Alger prélude à la révision du procès « du complot contre la sûreté de l’Etat ». Trois mois après, les concernés ; généraux Toufik, Tartag, Said Bouteflika et Louisa Hannoun, sont élargis par le tribunal militaire de Blida dans cette affaire.
La réhabilitation d’un nombre significatif d’officiers des années 90 devient un impératif dans le renforcement du front intérieur des anciens DRS (généraux Djebbar Mehenna, Yahya Oulhadj, Hocine Abdelhamid, Heddad Abdelkader ….) . En parallèle, les proches du Gaid Salah sont arrêtés et condamnés à la prison d’El Harrach (généraux Bouazza, Lachkham, Akroum, Chouaki, Bessis, Ghrisse ….).
Les ancien DRS de retour
Le sort des serviteurs civils proches du général Toufik ne sont pas oubliés pour autant. Ainsi, des révisions de procès sont déjà enclenchées et des allègements de condamnation sont prononcés. Un accord tacite entre le président Tebboune et le clan de l’ancien DRS est mis en application. Le procès du fils du président est programmé le 26 février 2020, il sera acquitté puis totalement innocenté dans le cadre des affaires immobilières de Kamel Chikhi « El Bouchi » liée au trafic de 701 kilos de cocaïne. Ce dernier voit sa peine réduite de moitié.
Passé d’un plombier fonctionnaire au directeur de l’établissement public gérant la luxueuse résidence d’Etat, « club des pins » type « zone verte » ultra sécurisée où résidaient les hauts fonctionnaires, les hauts gradés, les ministres, ainsi que les journalistes évoluant dans les cercles périphériques du pouvoir réel. Une communauté d’entre soi où seule la sauvegarde des privilèges acquis anime leur soutien à un système malmené dans son existence durant les années 90.
Hamid Melzi, gérant de la résidence d’Etat, homme de confiance du général Toufik, a vu sa condamnation en première instance en septembre passé de 05 ans à 03 ans et demi. Son avocat, Maître Miloud Brahimi, frère de l’ancien ministre des affaires étrangères Lakhdar Brahimi, annonçait un pourvoi en cassation espérant que son client bénéficierait d’un acquittement.
Pourtant, Melzi a été jugé et condamné pour des charges graves, « blanchiment d’argent, abus de fonctions pour l’acquisition de privilèges indus, incitation d’agents publics à exploiter leur influence au-delà de la conclusion de contrats, en violation des dispositions législatives et réglementaires en vigueur », selon l’accusation. En dépit des accusations de « mauvaise gestion de biens publics, les serviteurs du général Toufik ne sont pas oubliés. Après les militaires, les civils seront sur les chemins de la réhabilitation pour bon et loyaux services du clan auquel ils appartenaient.
Le cas Bachir Frik
L’ancien wali d’Oran s’est vu lui aussi sa condamnation réduite. La justice vient d’alléger sa condamnation de 08 ans à 7 ans de prison. Il a déjà purgé 5 ans et 6 mois et il ne lui reste qu’un an et 6 mois. Les deux avocats de Bachir Frik, maîtres Miloud Brahimi et Ait Larbi proches du DRS, estiment l’acquittement. L’ancien wali d’Oran est un proche du général Larbi Belkheir, ayant servi le corps préfectoral notamment à Annaba lors des élections présidentielles de 1999 qui a vu imposer Bouteflika président de l’Algérie. En bon commis d’État au service du DRS, il a publié un livre de 350 pages en format de pamphlet contre la gouvernance des Bouteflika.
Au titre provocateur, « la gouvernance de bouteflika : Folie ou trahison », il s’agit d’un réquisitoire sans répit contre l’ultra-présidentialisme où les pouvoirs étaient concentrés dans une seule institution. Il résume son pamphlet en une phrase laconique « « Ce n’est pas un livre d’analyse, encore moins un constat exhaustif. C’est une autopsie, un document pour l’histoire ». Le livre est présenté en automne 2019, il surfe sur la dynamique du Hirak tout en défendant le système incarné par les hommes du pouvoir des années 90.
La recomposition du système va-t-elle s’élargir à d’autres personnalités ? C’est ce que nous réserve les jours à venir contenu que l’ex premier ministre Sellal comme le général Hamel ex directeur de la DGSN ont été innocentés dans une des affaires où ils étaient impliqués. Le premier est innocenté le 29 novembre 2020 par le pôle criminel spécialisé dans la lutte contre les crimes financiers et économiques au tribunal de Sidi M’hamed. Le second est innocenté le 07 novembre 2020 par la Cour de Blida dans une affaire « d’abus de fonction ».
L’ancien haut responsable de la Sonatrach et ancien ministre de l’industrie vient d’être acquitté par le pôle pénal économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed dans une affaire d’importation de matériel et montage de tracteurs agricoles. Il a été accusé, avec certains de ses collaborateurs, dans une affaire de dilapidation de deniers publics, incitation d’agents de l’Etat à user de leur influence pour la conclusion de marchés en violation de la législation en vigueur.
Les étés sulfureux du Club des Pins