Législatives Mauritanie (3/6), la désatreuse affectation des ressources

La qualité de la gouvernance s’apprécie au regard de la gestion et de la pertinence des utilisations des ressources d’un pays. Voici le troisième volet d’une série de six papiers, signés Moussa Fall, président du Mouvement pour un changement démocratique, à la veille des élections législatives dans ce pays début septembre

En ce qui concerne la Mauritanie, en additionnant les recettes budgétaires et les apports extérieurs du 1 janvier 2009 au 31 décembre 2017 on obtient : 3514 milliards de MRO en recettes budgétaires et 28,535 milliards de dollars en recettes extérieures.

Au vu de ces chiffres, la première question qui vient à l’esprits est : qui pouvait s’imaginer que le pays a bénéficié de ressources aussi considérables ? La seconde question est dsavoir où sont passées toutes ces ressources tant sont maigres leurs contreparties visibles. En dehors des résultats enregistrés au plan de la sécurisation de nos frontières et de la réalisation de certaines infrastructures secondaires on ne voit pas les effets positifs qu’un tel volume de ressources aurait pu apporter aux conditions de vie de population et au développement du pays en général.

Les analyses des affectations budgétaires édifieront sur l’inadéquation des politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics durant cette période.

Les trois principaux postes de dépenses de l’État

 Les politiques budgétaires reflètent les stratégies mises en œuvre par chaque pays. En Mauritanie, les pouvoirs publics ont, à partir de 2009, suivi des politiques budgétaires favorisant : (i) l’investissement ; le premier poste d’affectation des recettes va aux investissements (16% du PIB), des investissements non rentables et non prioritaires, pour la plupart, comme nous le verrons plus loin.  (ii) le service de la dette ; le deuxième poste d’affectation est le service de la dette (6% du PIB), un niveau élevé qui résulte du surendettement du pays qui amenuise gravement la marge de manœuvre en matière de financement du développement ; (iii) les transferts et subventions ; le troisième poste revient aux transferts et subventions (3% du PIB), poste gonflé par la politique d’étatisation à outrance suivie ces dernières années. L’importance des fonds alloués à ces trois emplois laisse peu de ressources pour les autres secteurs de l’activité du pays, et en particulier, pour les secteurs sociaux. En général, la hiérarchie des priorités des États place les services sociaux à son sommet. Ces services que sont en particulier l’éducation, la santé, l’unité et la cohésion sociale, ont été, comme nous le verrons plus loin, relégués au rang des préoccupations subalternes. C’est cette inversion des priorités qui constitue la marque de fabrique des autorités en Mauritanie durant cette dernière décennie et c’est à ce niveau que se situe la dérive majeure de leur go

1- Les dépenses d’investissement

 Tableaux sur les dépenses d’investissement de la période (en milliards de MRO)

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Dépenses d’invest. 58,5 55,6 56,2 65,2 91,8 136,9 169,6 191,5 255 261,2 265 267

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Dépenses d’inves. % pib 8% 7% 7% 6% 8% 9% 10% 12% 16% 16% 14% 14%

 

Le premier poste des dépenses publiques revient aux investissements : 2082 milliards de MRO leur ont été affectés pour les exercices 2008 – 2018. On constate une hausse vertigineuse des dépenses d’investissement à partir de 2009 passant de 7% du PIB à plus de 16% du PIB en 2017.

Un rapport de la Banque Mondiale, en date de février 2018, confirme, tardivement et alors que le mal est fait, ce que nous n’avons cessé de répéter tout au long de ces dernières années, « que l’investissement public a un coût budgétaire élevé et n’a abouti qu’à une croissance moyenne. Ce résultat non souhaité émane des problèmes structurels tout au long du cycle de gestion de l’investissement public. Ces contraintes affectent l’efficacité et le rendement économique du portefeuille des projets publics en Mauritanie »

La stratégie mise en œuvre dans le domaine de la politique d’investissement est marquée par l’amateurisme et l’improvisation

  • Les choix des projets ne se réfèrent nullement aux cadres stratégiques de développement tels que les Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), élaboré en 2000 pour la période 2000-2015, en particulier et, plus récemment, la Stratégie Nationale de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) élaboré en 2016 pour la période 2016-2030. La sélection des projets répondait à l’instinct, aux lubies plus qu’aux besoins économiques dûment établis.
  • Les critères de définition des priorités sont inexplicables. On voit, par exemple, la priorité donnée à des infrastructures secondaires, de confort telles que les deux dessertes de Bennichab. etc. alors que faute d’entretien, la route de l’espoir devient quasiment impraticable et son état provoque chaque jour des accidents mortels. La route Nouadhibou-Nouakchott est quasiment dans le même état et la route de Rosso, se réduit à des déviations dangereuses, pour les personnes, et les biens. La construction du pont de Rosso qui doit figurer parmi les toutes premières priorités du pays est sans cesse différée pour des raisons inexplicables.

 

  • Les nécessaires études de faisabilité sont négligées et de grands projets ont été réalisés avec des surdimensionnements qui sont autant de gaspillages de ressources. Le surdimensionnement augmente les coûts de réalisation en amont, gonfle les amortissements et les charges d’exploitation en aval. Pourquoi a-t-on construit un aéroport d’une capacité de 2 millions de passagers pour un trafic qui plafonne à 200000 voyageurs par an, alors qu’il pouvait être agrandi au fur et à mesure de l’augmentation du trafic. Pourquoi a-t-on installé une puissance de production électrique qui double l’offre alors que la demande est quasi stagnante à Nouakchott ?
  • Les travaux financés sur ressources du budget de l’État, qui en absorbent 30 à 40%, et ceux sur financements extérieurs liés, sont généralement attribués dans le cadre de marchés de gré à gré à des entreprises choisies d’autorité. Cette pratique permet la corruption la plus massive, ôtant toute crédibilité au slogan prôné par le chef de l’État Mohamed Ould Abdel Aziz sur l’éradication de la gabegie. Cette pratique permet aussi le transfert d’un volume considérable des ressources vers un cercle fermé et sans effet de ruissellement. Les travaux de préparation des Sommets de la Ligue Arabe et de l’Union Africaine, le nouveau palais des Congrès, les tronçons de Nouakchott-Wad-Naga et Nouakchott -25 kms sur la route, les ports de Tanit et de N’Diago, etc. sont des exemples, parmi tant d’autres, d’attributions de marchés de gré à gré. Outre son iniquité, la pratique du gré à gré tue la concurrence, décourage les entrepreneurs, asphyxie de dynamisme et l’esprit d’entreprise et pollue le climat des affaires. C’est une pratique anti économique.

 

  • Parce que les marchés de gré à gré ne font pas appel à la concurrence, les qualifications et les références ne sont pas exigées. Il en résulte que l’exécution des travaux ne répond pas, dans la plupart des cas, aux normes. La qualité des travaux est souvent médiocre, les retards coûteux sont fréquents, et la durée de vie des ouvrages est diminuée. Comme exemples citons le retard accusé par la SNIM dans la réalisation de son projet d’extension des guelbs (un projet d’un milliard de dollars qui n’atteint pas le quart de sa production nominale 4 ans après son démarrage), avec de très grands préjudices financiers, la qualité des routes récemment construites qui se dégradent une fois achevées, les aménagements hydro agricoles dont la durée utile d’exploitation est réduite.

 

  • Le service de la dette

Les charges de la dette extérieure publique, en principal et intérêts, payés en 2017, se sont élevées à 293 millions de dollars enregistrant ainsi une augmentation de 17% par rapport à 2016.

Tableaux des dépenses au titre du service de la dette en millions de $

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Service dette 89,9 75,8 60,6 109,6 100,7 137 156,6 243 236 250 293

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Service dette en % Pib 3% 2% 2% 3% 2% 3% 3% 5% 5% 5% 6%

 

 

La dette extérieure atteint 96% du PIB au 31 decembre 2017. Un taux si excessif que le FMI qui n’a cessé d’encourager les autorités par ses satisfecits sur leur politique économique tout au long de ces années, vient tout juste de se rendre compte, par les déclarations de son directeur général adjoint, lors de son dernier séjour à Noukchott, que « la dette publique expose la Mauritanie à un risque élevé de surendettement lorsqu’on applique les normes internationales de viabilité de la dette ». Le niveau atteint par cette dette alourdi, année après année, le poids de son service sur le budget de l’État. Les charges annuelles au titre du remboursement de la dette publique (hors dette passive, SNIM et autres) constituent le deuxième poste de dépenses publiques. Elles absorbent désormais 6% du PIB.

 

On constate donc que la seconde destination des ressources va vers le remboursement de la dette. La forte hausse du service de la dette, commence à partir de 2014 (voir graphique) au moment du retournement de la conjoncture des prix des matières premières. Les autorités économiques qui se sont trouvées confrontées à la baisse brutale des prix dans le secteur minier, ont recouru massivement au surendettement, pour compenser cette baisse significative des revenus du commerce extérieur et conforter leur position de change, sans en mesurer les conséquences ultérieures.

 

Le remboursement de la dette de 2008 à 2017 a coûté au budget de l’État 1,955 milliard de dollars 

  • Les transferts et subventions

 

Tableau des transferts et subventions (en millions de MRO)

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Transferts subventions 15000 42800 20300 27000 65400 105700 70200 72500 67790 61700 56000

 

 

Tableau des transferts et subventions (en % du PIB)

 

  2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Transferts subventions en % du Pib 2% 5% 3% 3% 6% 7% 4% 4% 4% 4% 3%

 

Le troisième volume des dépenses publiques va vers les transferts et subventions. Ces fonds sont pour l’essentiel destinés d’une part, à des organismes, des institutions, des subventions d’exploitation à des entreprises, et aussi, d’autre part, à des interventions d’urgence comme le programme Emel ; un projet d’assistance aux populations en période de crises dues aux aléas climatiques ou à la hausse des prix des produits alimentaires de base.

 

Les ressources affectées aux transferts et subventions ont considérablement augmenté depuis 2009 atteignant des sommets en 2011 et 2012 de, respectivement, 6 et 7% du PIB. Outre les prises en charge de la marge corrective des hydrocarbures qui ne se justifiait plus du fait de la baisse des cours du pétrole non répercutée sur les prix à la pompe, cette évolution est consécutive à une politique de ré-étatisation de l’économie d’une part, et aux plans d’urgence mis en œuvre d’autre part.

 

Faisant le bilan du dirigisme suivi, à l’époque, par de nombreux pays dont le nôtre depuis son indépendance, la Mauritanie s’était engagée en 1994-95 dans la voie de la libéralisation de son économie en accord avec le FMI et la Banque Mondiale. Plusieurs réformes touchant à la politique des prix, à la fiscalité, et au secteur financier, pour améliorer le cadre de l’activité́ économique avaient été mises en œuvre. Très critiquées à l’époque, surtout sur le volet des procédures de cessions des actifs de l’État à des particuliers, ces réformes ont toutefois permis de libérer les initiatives privées et de contribuer à l’émergence d’une nouvelle classe d’hommes d’affaires et d’un secteur privé dynamique et entreprenant dans le pays. Diverses activités économiques ont connu un essor remarquable en particulier dans les domaines bancaires, ceux du commerce général, ceux du transport et des services et plus récemment des télécommunications.

 

Toutefois, au lendemain du coup d’État de 2008, l’État est revenu en force dans la sphère de l’économie marchande. On assista alors à un interventionnisme dans tous les domaines avec une frénésie de création de nouveaux établissements et organismes publics. Plusieurs dizaines de nouvelles créations ont vu le jour dans tous les secteurs de l’activité économique : transports, agro industries, tuyauterie, pylônes. etc. avec leur cortège de dépenses en capital, de subventions de fonctionnement et de prises en charge des inévitables déficits. Cette politique est économiquement contre-productive dans son essence et coûteuse dans ses conséquences. Elle réduit l’espace laissé à l’épanouissement d’un secteur privé pouvant dynamiser le développement économique et contribuer efficacement aux créations d’emploi. Les mêmes causes produisant les mêmes effets tout ce secteur public commence à tomber en lambeaux. De nombreuses entreprises sont en quasi faillite et d’autres viennent d’être mises en liquidation comme par exemple la Sonimex, l’Ener, l’Agence de promotion de l’accès universel aux services (APAUS), etc.

 

La seconde destination des subventions est le programme EMEL. Selon rapport de la Banque Mondial, cité plus haut, l’efficacité de ce programme est très relative, on y lit que « les boutiques Emel sont mieux distribuées mais continuent à profiter aux riches plus qu’aux pauvres en valeur absolue. De plus en plus l’efficience du programme Emel est limitée car les subventions ne représentent que 40% du budget alors que les coûts opérationnels en représentent la majorité ».

De 2008 à 2018, 648 milliards de MRO ont été affectés au poste transferts et subventions.

 

 

 

Des secteurs sociaux sacrifiés

 

Les trois principales destinations de dépenses passées en revue plus haut représentent les priorités de la politique budgétaire des pouvoirs publics sur les dix dernières années. Le reste des ressources a été réparti entre l’ensemble des autres secteurs de l’activité du pays. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que des secteurs réellement prioritaires tels que l’éducation, la santé, l’éradication de la pauvreté, l’unité et la cohésion nationales, aient été traités en parents pauvres durant toute cette période

 

  • L’éducation nationale.

 

Tableau sur le budget de l’éducation nationale

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Budget éducation (en millions de MRO) 22784 34884 30180 33487 43229 47967 50515 48476 53094 52380 47187

 

 

Tableau sur les dépenses de l’éducation en % du PIB

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Dépenses Educ/%Pib 3,1% 4,1% 3,8% 3,3% 3,7% 3,1% 3,0% 3,0% 3,4% 3,2% 2,7%

 

Le premier graphique montre que le budget de l’éducation nationale a augmenté en valeur nominale jusqu’en 2015, année à partir de laquelle on constate l’amorce d’un recul.

 

Le second graphique en revanche révèle que, en pourcentage du PIB – l’indicateur qui mesure l’effort réel consenti-, les dépenses publiques à destination de ce secteur ont amorcé depuis 2008 une courbe résolument descendante pour atteindre 2,7% du PIB en 2017.

 

Considéré comme étant la condition première du développement social et économique d’une nation, le secteur de l’éducation constitue la priorité de toute politique de bonne gouvernance. Il absorbe généralement le volume le plus élevé des dépenses budgétaires publiques. A titre d’exemple le Sénégal affecte 7,3% de son PIB et le Maroc 5,4% du PIB à l’éducation. (Http://data.uis.unesco.org/)

 

« Détruire un pays ne nécessite pas l’utilisation de bombes atomiques ou l’utilisation de missiles à longue portée. Il suffit d’abaisser la qualité de l’éducation ». De toute évidence, c’est cette œuvre de destruction qui se déroule sous nos yeux, au vu des maigres ressources qui sont affectées au secteur de l’éducation et à l’indifférence des pouvoirs publics face à la dégradation criante de ce secteur.

 

Le Rapport Final de la Commission Nationale des États Généraux de l’Éducation et de la Formation a identifié les problématiques majeures que confronte notre système que sont : (1) l’accès et l’équité ; (2) la qualité et la pertinence ; (3) la gouvernance

 

  1. a) – Le taux brut de scolarisation, le niveau des élèves, l’égalité des chances à l’école :

La première étape vers la scolarisation passe par le préscolaire. Ce niveau, destiné aux enfants de 3 à 6 ans, a pour objectif de préparer l’enfant à aborder avec succès les l’apprentissages scolaires et joue un rôle essentiel parce qu’il met en place les bases de l’édifice, à savoir, toutes les dispositions et les potentialités que l’enseignement élémentaire aura à développer. Or ce niveau est très peu développé dans notre pays avec un taux brut de scolarisation (TBS) de 8 à 9% d’une part, très peu présent à l’intérieur du pays, et dispensé à 68% par le privé le rendant inaccessible aux enfants du monde rural et à ceux dont les parents sont incapables de financer les études.

La seconde étape est le cycle fondamental. A ce niveau, l’effectif des élèves est de 627710 pour l’année scolaire 2016- 2017. Le dernier Rapport d’État sur le Système Éducatif National (RESEN) fait état, d’une amélioration sensible des niveaux quantitatifs de scolarisation, mais met aussi l’accent sur :

  • L’importance du taux de déperdition. Le Rapport constate que 28% des enfants n’accèdent toujours pas à la dernière année du primaire et que sur 100 enfants qui entrent au fondamental, seuls 34 accèderont en 1ère année d’enseignement du secondaire et seuls 12 accèderont à la dernière année du second cycle du secondaire
  • La faiblesse des niveaux d’acquisition qui ne cessent de se dégrader. L’évaluation des acquis « a révélé un niveau très faible en langues et en mathématiques, faiblesse des acquis qui s’accompagne d’un niveau de variabilité très élevé entre élèves et wilaya. En effet, en moyenne un élève de 3ème AF n’arrive à maîtriser que 23% du programme d’Arabe et seulement, 13% du programme de Français. En 5ème AF, la maitrise des langues s’améliore légèrement avec 40% d’élèves maitrisant le programme d’Arabe, 16%celui du Français. Toujours en 5ème AF, le programme de Mathématiques n’est maitrisé que par 9% des élèves. » (RESEN)

Le tableau qui suit récapitule l’évolution des niveaux en arabe, en français et en mathématiques. On y note la faiblesse des niveaux en général entre 2003 et 2014, une légère amélioration en arabe, 40% au lieu de 32%, une stagnation à 16% en français et une dégradation en mathématiques de deux points de pourcentage.

 

 

Degré de maîtrise des contenus disciplinaires en langues et en mathématiques

3AF 5AF
% Réussite 2014 2014 2011 2003
Arabe 23% 40% 29% 32%
Français 13% 16% 18% 16%
Mathématique 9% 8% 11%
  • Source : Rapport d’État sur le Système l’Éducatif National (RESEN)
  • Le même rapport constate que « les élèves vivant en zones rurales sont par ailleurs moins nombreux à transiter vers les niveaux supérieurs que leurs homologues urbains. Par exemple, alors que 89% des urbains qui achèvent le fondamental transitent vers le secondaire, le taux de transition n’est que de 72% en milieu rural. Ainsi, les enfants mauritaniens issus des familles pauvres ne sont que 20% à achever le fondamental, et 13% à accéder au secondaire 1er cycle contre respectivement 67% et 52% pour ceux issus des familles les plus aisées. Par ailleurs, un enfant issu d’un ménage appartenant aux 40% des plus pauvres à 14 fois moins de chances d’accéder au second cycle du secondaire et 17 fois moins de chances de l’achever qu’un enfant issu d’un ménage appartenant aux 20% les plus riches. Ainsi, seulement 2% des enfants issus des familles pauvres peuvent espérer compléter un enseignement secondaire contre 34% pour les plus aisés ».

Au niveau du secondaire, l’effectif des élèves qui ont réussi à franchir l’étape du fondamental n’est que de 32,8% soit 209126 en 2016-2017. Sur cet effectif on dénombre 147651 élèves dans le premier cycle secondaire en 2016-2017, et seulement 61475 dans le second cycle. Une véritable hécatombe qui prive 90% des effectifs du primaire d’accéder au second cycle du secondaire. En fin de parcours il ne restera que 49970 élèves pour se présenter au baccalauréat. Les taux de réussite à cet examen, essentiel dans la vie, tourne autour de 9%. Le tableau suivant tiré du Rapport d’État du Système Éducatif National de 2014 reprend les résultats du bac en série mathématiques dans les wilayas en 2014. Au final donc, seuls 4500 candidats ont obtenu leur baccalauréat soit 0,7% de l’effectif des élèves du primaire.

 

% de réussite des candidats en mathématiques (Bac 2014) par wilaya

Wilaya SERIE MATHEMATIQUE SERIE TECHNIQUE
HODH CHARGHI 9,24
HODH GHARBI 11
ASSABA 6,84
GORGOL 7,58
BRAKNA
TRARZA 8,8
ADRAR 9,27
NOUADIBOU 8,16
TAGANT 9,21
GUIDIMAGHA 5,48
T. ZEMOUR 7,47
INCHIRI
NOUAKCHOTT 8,25 8,73
 

 

 

  1. b) – Les enseignants

Parmi les causes de la faiblesse des niveaux des élèves et de leurs résultats aux examens on retient le déficit en formation du corps enseignant.

Selon le Rapport d’État sur le Système Éducatif National, les tests en arabe et en français faits sur 3254 enseignants du primaire, répartis dans les différentes wilayas du pays ont révélé que 14% seulement des enseignants testés avaient le niveau requis pour enseigner l’arabe et 4% des enseignants avaient le niveau requis pour l’enseignement du français.

Le même rapport précise que « Le recrutement et la formation à l’ENS ne répondent ni aux besoins quantitatifs exprimés par la Direction de l’enseignement secondaire, ni aux exigences de qualité au sein du système. En effet, sur six ans, l’ENS n’a pu former que 219 enseignants dans les disciplines scientifiques sur un besoin exprimé de 720 enseignants, ce qui explique la pléthore des effectifs qui atteignent 130 élèves par enseignant. A cela s’ajoute un niveau de performance faible au niveau de l’enseignement des disciplines scientifiques, qui s’explique en partie par le niveau faible de ces enseignants en langue (Français particulièrement) ».

 

 

 

c)- L’encadrement

Un autre handicap majeur est soulevé. Il s’agit de l’efficacité de l’encadrement des élèves calculée par le ratio élèves-maitre.

Les renseignements consignés dans le tableau qui suit montrent que le ratio élèves-maître au fondamental s’est dégradé entre 2004 et 2014 passant de 39,8 en 2004 à 42 en 2014. Selon le (RESEN) « le pays n’a pas été en mesure de recruter des enseignants en nombre suffisant pour répondre aux objectifs d’encadrement prévus dans la stratégie éducative en vigueur qui prévoyait une baisse régulière du ratio de façon qu’il atteigne la valeur de 39 élèves par enseignant en 2015 ».

Évolution du Rapport Élèves-Maitres (REM) au fondamental entre 2010 et 2014

Année Nombre d’enseignants du public Nombre d’élèves du public REM dans le public
2010 11 442 470 753 41
2011 10 901 476 415 44
2012 10 400 481 487 46
2013 11 111 488 144 44
2014 12 118 504 879 42
  • Source : DSPC/MEN

Au niveau de l’école publique en général le ratio élèves/enseignant s’est dégradé de 2004 à 2014. On constatera dans le tableau suivant outre la détérioration déjà soulignée pour le fondamental, celle du premier cycle du secondaire où le Ratio élève-maitre passe de 27,2 élèves par enseignant en 2004 à 46,1 en 2014. Pour le second cycle du secondaire on constate par contre une amélioration dans la mesure où de 20,3 il tombe à 16,2 sur la même période (voir le tableau qui suit). Les ratios figurant dans le tableau constituent des moyennes nationales. Il est important de signaler que 44% des écoles fonctionnent avec un ratio élève-maitre de 36 à 80 élèves par enseignant et que dans 11% d’écoles, surtout en zones rurales défavorisées, le ratio élèves/Enseignant dépasse les 80 élèves.

Évolution des ratios élèves par enseignant par niveau d’enseignement au public entre 2004 et 2014

 

Élèves en 2014 Enseignants en 2014 Ratio élèves/enseignant en 2014 Ratio élèves/enseignant en 2008 Ratio élèves/enseignant en 2004
Fondamental 504 879 12 018 42,0 40,5 39,8
Secondaire général 1er cycle 95 630 2 076 46,1 25,8 27,2
Secondaire général 2nd cycle 29 797 1 839 16,2 23,1 20,3

Source : RESEN

d)- Les conditions de travail dans les écoles

Les conditions en équipements et en infrastructures dans lesquelles se déroulent les cours constituent un réel obstacle à l’apprentissage des enfants.

En dehors du déficit en salles de classes pour lequel les informations fiables sont insuffisantes, on pourra lire dans le tableau qui suit les données sur : la disponibilité des enseignants, des tables bancs et des équipements (latrines, point d’eau et clôtures).

En effet :

  • La proportion des écoles ne disposant d’aucun enseignant est de 6,8 % en 2014 ;
  • Le pourcentage des écoles ne disposant pas de tables bancs est estimé à 6,3% en 2014 ;
  • Des écarts substantiels subsistent quant à l’existence de latrines, de point d’eau et de clôture (3 % en 2008 et 10% en 2014 seulement).

Ces conditions, auxquelles il faut ajouter la présence massive du multigrade comme mode de fonctionnement de la classe, rendent compte des difficultés que rencontrent les élèves et leurs enseignants tout au long de leur parcours scolaire.

 

 

Variabilité des conditions d’enseignement entre écoles dans l’enseignement fondamental, année 2013-14

Caractéristiques des écoles Proportion (%) 2008 Proportion (%)

2014

Publiques 93,6 88,7
Privées 6,4 11,3
Écoles ayant :
Aucun enseignant 7,3 6,8
Un seul enseignant 47,2 43,2
Moins de 11 élèves par enseignant 22,2 2,1
De 11 à 35 élèves par enseignant 59 35,6
De 36 à 80 élèves par enseignant 15,7 44
Plus de 80 élèves par enseignant 0,9 11,4
Tables – bancs
   Écoles sans table banc 30,9 6,3
   Écoles avec tables- bancs insuffisant s 48,9 73,3
   Écoles avec tables bancs complets 0,6 20,4
   Écoles avec excès de tables bancs 19,6
Équipement (latrines, point d’eau et clôture)
   Avec un seul équipement sur les trois 21,8 61,1
   Avec deux équipements sur les trois 10,2 38,8
   Avec les trois équipements 3 10,1
Classes multigrades
   Sans classe multigrades 32,4 28,7
   Moins de 40 % de classes multigrade 8,8 3,5
   Plus de 40 % de classes multigrades 53,1 67,8

Source : Donnés scolaires de la DSPC/MEN

 

  1. e) -L’école et l’intégration sociale

Les données ci-dessus concernent plus particulièrement l’état général du secteur public et elles sont toujours d’actualité. L’école publique accueille 85% des élèves du primaire, 75% de ceux du premier cycle du secondaire et 60% du second cycle.

La responsabilité première de l’État est de construire un système éducatif compétitif et performant.

Or aujourd’hui, le secteur éducatif privé bénéficie relativement d’une meilleure qualité comparativement à l’enseignement public du fait justement de l’existence de conditions d’apprentissage décentes et de la présence parmi ses enseignants de ceux considérés les plus compétents du public. Il attire en conséquence les enfants de parents nantis laissant l’école publique aux plus pauvres. Ce phénomène est particulièrement dangereux à court et à moyen terme dans la mesure où il accentue les inégalités en supprimant le rôle de l’école en tant que creuset de l’unité nationale, et qu’ascenseur social d’autant qu’il ne favorise plus la mixité et la cohésion sociale sur les bancs de l’école.

  1. f) – L’enseignement supérieur

Au niveau de ce sous-secteur, l’évaluation du Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté (CSLP) constate « un manque d’efficacité interne qui constitue la caractéristique principale de ce cycle d’enseignement ». « Ce constat se manifeste par des taux d’échecs particulièrement élevés ». Et au plan de l’efficacité externe elle mentionne « des taux de chômage élevés parmi les sortants de l’Université de Nouakchott ».

A l’analyse de notre système éducatif faite sur la base de l’ensemble des données qui précèdent il n’est pas étonnant de voir que rapport du Forum Économique Mondial pour 2017 – 2018 sur l’éducation classe la Mauritanie au rang de 129 sur 130 pays évalués. L’indicateur prend en compte plusieurs critères comme le taux d’accès à l’enseignement secondaire et supérieur la qualité de l’enseignement et l’efficience du système éducatif, la qualité de l’enseignement des sciences et des mathématiques, la qualité de l’administration des écoles et des établissements d’enseignement, la disponibilité de l’internet, l’organisation de stages pour la formation des compétences.

  • La santé

 

Comme pour l’éducation nationale, les montants alloués à la santé ont augmenté en valeur nominale. En effort réel consenti, tel que mesuré par rapport au PIB, les dépenses en santé publique ont oscillé sur toute cette période autour de 1%, un niveau d’allocation faible au regard des besoins du secteur et de ceux pratiqués par les pays de la région : 2,2% au PIB au Maroc et au 2,5% Sénégal.

( http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/)

 

 

 

Tableau sur le budget de santé (en millions de MRO)

 

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Budget sante 4939 9271 8696 10490 11584 13010 16069 18115 20210 17598 21000

 

 

Tableau sur les dépenses de santé en % du PIB

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Budget Santé %Pib 0,7% 1,1% 1,1% 1,0% 1,0% 0,8% 0,9% 1,1% 1,3% 1,1% 1,2%

 

 

En dépit de l’appui des partenaires et de l’augmentation significative des effectifs du personnel médical, l’Audit organisationnel et institutionnel du secteur, achevé en novembre 2014 et l’Analyse de la Situation constituant la base du Plan de Développement Sanitaire 2017-2020 ont constaté de nombreuses défaillances, à la fois spécifiques au secteur mais aussi liées au contexte global de mauvaise gouvernance du pays. Les constats présentés ici sont pour l’essentiel tirés de documents officiels avec des commentaires et appréciations additionnels.

Si de nombreux plans et documents stratégiques sont régulièrement élaborés et mis à jour, leur application est en revanche très limitée. De nombreuses décisions stratégiques notamment dans le domaine de la construction des infrastructures, de l’acquisition des équipements et de l’allocation des ressources ne prennent pas en compte les priorités du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) et en particulier celle accordée à la santé de base, à la prévention et à l’équité entre les régions et les zones urbaines et rurales. Il en découle de graves déséquilibres, des duplications et un gaspillage des ressources déjà limitées du secteur.

La gestion des ressources humaines souffre de nombreuses faiblesses en termes de planification, de suivi des carrières, de formation initiale et continue, de motivation, de transparence et d’équité. Il en découle une baisse généralisée de la motivation et des performances se répercutant sur la qualité des soins, et favorisant les pratiques illicites.

En raison du manque des ressources et des moyens logistiques, l’appui et la supervision apportés aux structures sanitaires locales s’est réduit comme peau de chagrin, aggravant la détérioration de la qualité des soins.

L’approvisionnement en médicaments et consommables est caractérisé par les pénuries dans le secteur public et l’anarchie dans le secteur privé entrainant une grave perte de confiance de la population dans la qualité de produits disponibles sur le marché national et un recours croissant aux produits vendus dans les pays voisins, la prolifération des faux médicaments ayant fait des ravages au sein de la population.

La décision brutale, illégale et non préparée de supprimer le remboursement des prestations sanitaires du secteur privé par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), alors que celle-ci rembourse les cliniques privées des pays voisins pour les soins de patients évacués, est une illustration supplémentaire de la gestion ad-hoc, non professionnelle et subjective qui prévaut dans le secteur comme dans la gestion générale du pays.

Les contreperformances du système de santé en Mauritanie sont reflétées par les tableaux qui suivent. Comme on peut le constater les résultats enregistrés en Mauritanie sont en deçà de ceux des autres pays de la région qui sont beaucoup moins nantis.

 

 

Couverture Sanitaire Universelle Organisation Mondiale de la Santé / Banque Mondiale 2017

Pays Indice de couverture Sanitaire universelle Satisfaction demande Planification Familiale % Consultations Prénatales (4visites et plus) Vaccination de enfants DTP3 Traitement complet de la tuberculose List d’hôpital pour 10 000 hbts Nombre de médecins pour 10 000 hbts Nombre de psychiatres pour 100 000 hbts Nombre de chirurgiens pour 100 000 hbts Assainissement de base
Gambie 46 28 78 97 64 11 0.2 0.6 42
Sénégal 41 43 47 89 55 0.2 0.3 48 48
Congo Démocratique 40 18 48 81 43     20
Burkina Faso 39 43 34 91 49 4     23
Guinée Bissau 39 40 65 87 25 10 0.1 0 0.4 22
Sierra Léone 36 36 76 86 51 4     14
Guinée 35 20 57 54 46 3 0.1     22
Libéria 34 38 78 52 31 8     17
Centrafrique 33 37 38 47 39 10     25
Mauritanie 33 30 48 73 38 4 0.1     45
Niger 33 41 39 65 44 2.8       13
Mali 32 38 64 23 32 1.0       31

http://www.who.int/healthinfo/universal_health_coverage/report/2017_global_monitoring_report.pdf

 

La Mauritanie a formellement souscrit aux Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés en 2015. L’ODD numéro 3 consiste à « permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ». Pour atteindre cet objectif, l’OMS considère que la réalisation de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) est une condition essentielle et le Rapport OMS/Banque Mondiale 2017 sur la CSU classe la Mauritanie au 155ème rang sur 161, en dessous de pays comme la Gambie, le Sénégal, la République Démocratique du Congo, le Burkina Faso, la Sierra Léone, la Guinée et le Libéria.

Les chiffres ci-dessus mentionnés indiquent de manière éloquente le retard patent de la Mauritanie en matière de couverture et de profil sanitaire des populations en comparaison avec les pays de l’Afrique sub-saharienne qui sont globalement considérés comme les moins avancés du monde.

 

 

 

Mortalité infanto-juvénile (pour 1000)

Pays Mortalité des moins de 5 ans Mortalité infantile

O-1 an

1990 2016 1990 2016
Burkina Faso 199 85(-57%) 99 53(46%)
Gambie 168 65(-61%) 82 42(49%)
Guinée 235 89(62%) 139 58(58%)
Liberia 258 67(74%) 172 51(70%)
Mali 254 111(56%) 130 68(48%)
Mauritanie 117 81(31%) 71 54(24%)
Niger 329 91(72%) 133 51(62%)
Sénégal 140 47(66%) 72 34(53%)
Sierra Léone 262 114(56%) 156 83(47%)

https://www.unicef.org/publications/files/SOWC_2017_ENG_WEB.pdf

 

Pratiquement tous les pays du monde ont connu une réduction significative des taux de mortalité infantile (moins d’un an) et infanto-juvénile (moins de 5 ans) entre 1990 et 2016. Il faut cependant noter que les taux de réduction sont en général bien plus faibles pour la Mauritanie que pour les pays ayant un niveau de développement comparable. Ainsi, par exemple, le taux de réduction de la mortalité infantile pour la période 1990-2016 est de 24% en Mauritanie contre 46% au Burkina Faso, 48% au Mali, 53% au Sénégal, 62% au Niger et 70% au Libéria. Quant à la réduction du taux de mortalité infanto-juvénile, elle est de 31% en Mauritanie, contre 56% au Mali, 57% au Burkina Faso, 66% au Sénégal, 72% au Niger et 74% au Libéria.

 

Mortalité maternelle (pour 100000 naissances vivantes)

Pays Années Réduction totale

%

1990 2000 2015
Burkina Faso 727 547 371 49
Gambie 1030 887 706 31
Guinée 1040 976 679 35
Guinée Bissau 907 800 549 39
Liberia 1500 1270 725 52
Mali 1010 834 587 42
Mauritanie 859 813 602 30
Niger 873 794 553 37
Sénégal 540 488 315 42
Sierra Léone 2630 2650 1360 48

https://www.unicef.org/publications/files/SOWC_2017_ENG_WEB.pdf

 

La même tendance à la baisse est également valable au niveau mondial pour la mortalité maternelle et, dans ce cas aussi, la baisse constatée pour la Mauritanie est nettement plus lente que pour les pays comparables. Elle est en effet de 30% pour la période 1990-2015 contre 37% au Niger, 42% au Mali, 42% au Sénégal et 49% au Burkina Faso

 

  • Le niveau de vie des populations et la lutte contre la pauvreté

 

Le pouvoir d’achat s’est dramatiquement dégradé durant cette période sous l’effet d’une hausse inconsidérée des prix à la consommation.

 

Pour les quatre denrées de base suivantes, les prix ont connu, entre 2009 et 2018, les évolutions suivantes :

  • Le kilogramme de riz de 140 MRO à 280 MRO.
  • Le kilogramme de sucre de 140 MRO à 250 MRO.
  • Le kilogramme de blé de 72 à 200 MRO.
  • Le litre de gasoil de 280 MRO à 384 MRO.

 

Cette forte augmentation ne peut pas trouver de justification dans l’évolution des cours de ces produits sur le marché international. Les graphiques suivants tirés du site http://www.finances.net, qui retracent l’historique des cours en bourse de ces produits de 2009 à 2018 nous montrent une poussée haussière en 2011-2012 suivie depuis d’une nette tendance à la baisse.

 

Sucre en $

 

 

 

 

 

Riz en $

 

 

Blé en $

 

 

 

Pétrole en $

 

L’évolution des cours de ces produits sur le marché international devait se traduire par la baisse de leurs prix pour le consommateur et l’amélioration de son pouvoir d’achat.

Or c’est l’inverse que nous constatons, la baisse qui devait profiter aux populations a été absorbée par trois facteurs directement induits par la politique suivie par les pouvoirs publics :

 

  • L’augmentation des impôts. L’augmentation de la fiscalité décidée dans le cadre de la Loi de Finance Rectificative (LFR) d’août 2015 pour compenser la baisse des recettes due au retournement de la conjoncture économique, « s’est traduite en 2016 par des recettes additionnelles de 22,7% au niveau des taxes sur les biens et services, de 240,2 % des taxes sur les produits pétroliers, et de 71% sur les droits de consommation ».
  • La dépréciation de l’ouguiya. Un dollar de 2009 coûtait 263 MRO, en fin 2017 il en vaut 376. Cette perte de valeur de 35,4% impacte automatiquement les prix sur le marché national dans la mesure où près de 80% de nos importations se font dans cette devise.
  • La marge des monopoles. Depuis 2009 les pouvoirs publics se sont attelés à restructurer le secteur privé pour créer une nouvelle classe d’hommes d’affaires. Les entreprises qui existent depuis l’indépendance du pays avec plus de soixante ans d’ancienneté et qui ont survécu à tant de vicissitudes ont fait l’objet de tracasseries et de persécutions pour céder la place à une nouvelle classe d’hommes d’affaires proches de l’exécutif et devenus milliardaires du jour au lendemain. Des monopoles se sont donc imposés au détriment d’une concurrence saine et d’une régulation effective du marché.

4- Les actions de lutte contre la pauvreté

Des projets de désenclavement ont été fournis dans des zones de concentration de la pauvreté en milieu rural. En milieu urbain, à Nouakchott particulièrement, des programmes d’éradication de l’habitat précaire ont été mis en œuvre.

En dehors de ces actions ponctuelles et démagogiques, les stratégies de lutte durable contre la pauvreté telle que tracées par le Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (CLSP), ont été ignorées et remplacées par des actions d’urgence, décidées pour parer au plus pressé mais qui n’ont pas vocation à construire une économie d’amélioration durable des conditions de vie des populations.

L’évaluation de ces actions, résumée dans le rapport de février 2018 de la Banque Mondiale (www.banquemondiale.org/fr/country/mauritania), constate que pour le programme Emel son efficience est «de plus limitée car les subventions (qui profitent aux populations) ne représentent que 40% du budget alors que les coûts opérationnels en représentent la majorité ».

Dans le dernier rapport principal de l’évaluation des CSLP 2001-2015 on peut lire que :

« Au plan de l’efficacité : le plan d’urgence supposait que les prix devraient « baisser » parce que les ventes subventionnées tireraient le niveau général des prix vers le bas. Cela n’a jamais été́ le cas. Il a plutôt favorisé l’accroissement des marges des commerçants et des trafics transfrontaliers sans induire de baisses sur les prix de vente » et « Au plan de l’équité́ : le ciblage géographique des boutiques est problématique : mal reparties dans le pays et ne touchant pas les plus démunis, en particulier hors des villes. Le choix des boutiques ne répond à aucun critère raisonné de ciblage ; ensuite, des pans entiers de la population sont de facto exclus de l’accès à ces produits : par exemple, la classe moyenne appauvrie est très peu atteinte par les produits subventionnés ». Toujours selon le même rapport « Les boutiques témoins n’ont pas eu d’effets réels sur les comportements de marge moyens des commerçants dans la mesure où la formation des prix au détail pratiqués dans les boutiques régulières est la résultante de facteurs qui ne sont que peu touchés par l’action étatique : prix pratiqués par les importateurs et politique fiscale, certes, mais aussi spéculations des importateurs et comportements des vendeurs. Rien ne permet de penser que les dispositifs temporaires des boutiques témoins aient un impact sur cette chaîne de formation des profits ».

Le second volet des plans d’urgence est destiné, en période de sècheresse, comme celle de cette année 2018, à l’assistance aux éleveurs et à leur bétail. Il suffit d’interroger les éleveurs pour constater leur désarroi au regard des quantités dérisoires mises à leur disposition en comparaison de leurs besoins et en dépit de l’importance des ressources prétendument affectées à cette opération.

La portée de ces programmes d’urgence est par conséquent très limitée et toutes les évaluations laissent penser que les fonds qui leur sont destinés profitent essentiellement à des intermédiaires déjà privilégiés.

5-La qualité de vie

 

Le concept de qualité de vie est utilisé ici, pour mesurer le bien-être de la population dans ses différents aspects. Plusieurs indicateurs entrent en jeu pour en évaluer le niveau : le revenu ; le travail et le logement ; la santé et la formation ; la qualité de l’environnement ; la sécurité personnelle ; l’engagement civique et l’équilibre vie professionnelle-vie privée.

 

Certains de ces critères ayant été traités dans ce qui précède, nous nous limiterons ici donc aux problèmes aigus que confrontent les populations au quotidien :

 

  1. a) – Le niveau des salaires.

 

La faiblesse du niveau des salaires constitue l’une des principales causes du mal-être dans le pays. Aucun fonctionnaire, aucun employé ne peut assurer une qualité de vie décente avec le système des rémunérations en vigueur. De plus ce système constitue un obstacle insurmontable à toute réelle politique de développement. Il est impossible en effet de motiver les employés, d’améliorer leur rendement, de mobiliser les compétences, de combattre la corruption en continuant à pratiquer une telle politique salariale. La dernière grève des médecins du mois de juin dernier doit nous sensibiliser sur l’urgence de concevoir une nouvelle politique dans ce domaine.

 

  1. b) Le chômage

Le chômage, et en particulier celui des jeunes, constitue un véritable drame. Nous avons vu plus haut que seuls 0,7% de l’effectif des élèves du primaire arrivent à réussir leur baccalauréat. Les 99,3% restants arrivent sur le marché de l’emploi sans qualification et avec de maigres perspectives d’insertion.

  1. c) L’eau et l’assainissement

La vie d’abord, sa qualité et son hygiène dépendent en tout premier lieu de l’eau. Or cette source de vie fait cruellement défaut dans le pays. Il ne se passe pas un jour sans voir des citoyens manifester bidons en mains pour réclamer leur approvisionnement en eau potable. Selon le Rapport du PS-EAU de mars 2015 (https://www.pseau.org/outils/ouvrages/ps_eau_fiche_pays_mauritanie_2015.pdf), les taux d’accès à l’eau et à l’assainissement sont respectivement de : 48% en milieu rural et 52% en milieu urbain pour l’eau et de 9% en milieu rural et 51% en milieu urbain pour l’assainissement. Certaines grandes villes dans les deux Hodh, en Assaba, au Tagant, en Adrar, dans les quartiers périphériques de Nouakchott et Nouadhibou, au Tiris Zemour connaissent un déficit cruel par rapport à leurs besoins en eau.

L’accès à l’assainissement de base contribue au bien-être et à l’hygiène des populations. La Mauritanie continue à accuser des retards importants dans ce domaine. Selon les données d’un programme conjoint de l’OMS et de l’UNICEF, le Joint Monitoring Program (JMP), en 2015, le taux d’accès à l’assainissement est de 40%, dont 58% en zones urbaines et seulement 14% en zones rurales. En zones rurales, la majeure partie de la population n’a pas d’installations ou utilise des latrines à simple fosse et sans dalle. En zones urbaines, les installations les plus courantes sont des toilettes à chasse, connectées à une fosse simple ou septique ou, plus rarement, au réseau d’égout.

  1. d) L’électricité

En dépit de l’importance des investissements dans ce secteur, les taux d’électrification restent en deçà des besoins en milieu urbain (73%) et insignifiants en milieu rural (5%). Dans les endroits électrifiés, les pannes et les coupures intempestives sont fréquentes et perturbent la vie des citoyens.

 

  1. e) L’insécurité

 

Dans les grandes villes, les citoyens sont traumatisés par la recrudescence de l’insécurité. Il ne se passe plus un jour sans qu’il y ait des meurtres, des suicides, des viols, des holdups à mains armées, des vols et des agressions perpétrés contre des citoyens sans défense. La peur devient endémique et menace en permanence les personnes et les biens.

 

  1. d) L’environnement

 

Toujours dans les grandes villes, l’environnement est pollué par l’accumulation des ordures qui encombrent les rues et les espaces, et qui causent des maladies et des désagréments. Les espaces publics sont inexistants et la ceinture verte de Nouakchott a été l’objet d’un troc et transformée en propriétés individuelles.

 

6- Les problèmes de société.

 

La Mauritanie s’est engagée depuis 1991 dans un processus de démocratisation qui reste, à ce jour, inachevé. Dans toutes les sociétés démocratiques, les citoyens doivent être égaux en droit et bénéficier de chances égales de réussite dans leur vie. Aucune composante sociale ne doit se sentir désavantagée ou pire, discriminée. Or, pour des raisons historiques et sociologiques qui lui sont propres, le pays fait face à deux défis majeurs : le défi de l’unité nationale et celui de la cohésion sociale. Toute politique de bonne gouvernance doit compter parmi ses toutes premières priorités la construction d’une société moderne en phase avec notre temps et profitable à toutes nos composantes. On constate qu’aucun programme n’a été conçu, et encore moins engagé, sur la consolidation de l’unité nationale et sur l’éradication des séquelles de l’esclavage. L’absence de tels programmes (stratégies nationales et de plans d’action) constitue une atteinte aux droits à l’équité et à la justice pour les citoyens et une menace sérieuse pour la sécurité et la stabilité du pays au moment où le régime encourage le tribalisme et les particularismes.