En échange de l’envoi de 1200 soldats tchadiens pour combattre le terrorisme dans la zone dite de trois frontières (Burkina Faso, Mali et Niger), Idriss Déby s’est assuré la mansuétude de la France pour réprimer ses opposants et s’offrir, dimanche 11 avril, un sixième mandat de six ans.
« Je n’enverrai plus aucun soldat tchadien hors des frontières nationales. Je vais les garder ici au Tchad pour défendre le territoire national », avait déclaré le président tchadien Idriss Déby Itno, en mars 2020, en pleine opération militaire « colère de Boma » lancée pour venger la mort d’une centaine de militaires tchadiens lors d’une attaque du mouvement djihadiste nigérian Boko Haram. En dépit de pressions diplomatiques intenses incluant plusieurs visites de la ministre française de la défense Florence Parly à N’Djamena le président tchadien n’a pas consenti à envoyer son armée au secours des autres pays membres du Sahel à la peine face aux groupes terroristes dans la zone commune au Burkina Faso, au Mali et au Niger dite zone des trois frontières.
« Si on veut que le Tchad envoie un contingent dans la zone des trois frontières, il faut modifier les textes qui organisent le G5 Sahel », avait fini par dire le gouvernement tchadien pour esquiver les demandes réitérées de la France de voir l’armée tchadienne se déployer dans la zone des trois frontières, qui correspond au fuseau Centre de la force conjointe du G5 Sahel.
Donnant donnant avec la France
Sans que grand-chose ait changé, le président Déby décide en février dernier, à la veille du 7 ème Sommet du G5 Sahel organisé du 15 au 16 février de changer d’avis et d’envoyer un contingent de 1200 soldats sur la frontière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
On doit ce changement de position non pas à des nouvelles pressions de la France exprimées de vive voix par le président Macron lui-même, mais aux contingences de la politique intérieure tchadienne. Le timing a été parfaitement choisi par l’ancien chef rebelle arrivé au pouvoir par les armes en 1990 après avoir chassé Hussein Habré du pouvoir. En envoyant un contingent de 1200 hommes à la veille de la présidentielle tchadienne, Déby a reçu en contrepartie l’assurance de ne pas être « embêté » sur les conditions d’organisation du scrutin du 11 avril, ni sur les violations des libertés individuelles et collectives.
Une présidence à vie
Sur les seize candidats retenus pour la présidentielle, seulement six se présenteront dimanche 11 avril face à Idriss Déby. Aucune des grandes formations politiques, aucune des grandes figures de l’opposition ne participent finalement au scrutin. Les uns après les autres les candidats se sont retirés pour dénoncer la répression qui s’est abattue sur le pays à la veille de la présidentielle. Ni ces retraits en cascade des candidats, ni les violations des droits de l’homme documentées et dénoncées par Human Rights Watch, ni même l’interdiction faite à des émissaires des Nations unies d’accéder jeudi à N’Djamena au siège du parti d’opposition Les Transformateurs n’ont ému le Quai d’Orsay et l’Elysée. Sur l’autel de la lutte contre le terrorisme, dont Déby est son « meilleur allié au Sahel », la France renonce à défendre la liberté et la démocratie au Tchad.
Surfant sur cette rente géostratégique assurée par son engagement la lutte contre le terrorisme, le président Déby va donc s’offrir un sixième mandat à la tête du Tchad. Un mandat porté de cinq à six ans au terme de la réforme de la Constitution adoptée en 2018 qui supprime par ailleurs la limitation du nombre de mandat.
Après s’être fait désigner « Maréchal du Tchad » en août 2020, Déby a donc devant lui un boulevard pour une présidence à vie.
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