le 23 mars, la farce électorale algérienne est lancée !

La campagne électorale en Algérie s’ouvre ce dimanche 23 mars. Une campagne aussi atypique que les candidatures retenues pour poursuivre cette «fausse course» électorale. Les résultats, sauf retournement spectaculaire est déjà connu. Abdelaziz Bouteflika sera reconduit. La majorité des partis politiques algériens au boycott.

BoutefDes mouvements de protestation bourgeonnent à travers le pays, comme les promesses de fleurs d’un « printemps » algérien. Les représentants du président-candidat,Abdelaziz Bouteflika, qui est incapable de mener sa propre campagne, ne cessent de multiplier les gaffes et de froisser de larges couches de la société. L’insécurité à Ghardaïa dans le sud du pays prend des propensions alarmantes; la contestation dans les Aurès à l’est ne cesse de gonfler. Le communiqué alarmiste de l’ancien chef de l’Etat qui fut général dans une vie antérieure, Liamine Zeroual, ne laisse aucun doute sur la gravité du moment. Tous se placent dans la perspective de l’après élection. Comme si le scrutin du 17 avril n’existait pas et que seul l’après 17 s’annonçait décisif.

Essouflement de « Barakat »… 
C’est donc ce dimanche 23 mars que s’ouvre la campagne pour le scrutin présidentiel. La semaine écoulée a été marquée par les nouvelles mobilisations du mouvement Barakat. Les rassemblements ont été tolérés, cette fois, par la police, mais n’ont pas drainé, pour autant, plus de monde. Barakat mobilise dans certains milieux notamment des journalistes, des médecins et des avocats, mais pas davantage. Les masses populaires ne rallient toujours pas ce mouvement d’opposition au quatrième mandat.

La timidité des Algériens s’explique par deux facteurs: les dizaines de milliers de morts, qui ont marqué la décennie noire de lutte contre  le terrorisme, mais aussi les campagnes de propagandes menées, tambour battant, dans les télévisions publiques et privées pour discréditer le mouvement. Jeunes et moins jeunes de « Barakat » ont, cependant, signé cette semaine l’acte de naissance du mouvement en mettant en place des instances dirigeantes et en fixant de nouveaux rendez-vous.

« Boutef », dégage!
Cette semaine a vu aussi les partisans du boycott monter au créneau. Composé essentiellement de partis politiques, ce front du refus du scrutin présidentiel du 17 avril, a organisé un grand meeting à la salle omnisport Harcha-Hacene à Alger. Pour la première fois, islamistes et démocrates se sont unis pour faire face à un objectif commun : Tout,  sauf ce quatrième mandat. Autorisé par les pouvoir publics mercredi 19 mars, le meeting des boycotteurs a drainé quelques milliers de militants des partis opposés à ce «passage en force» de Abdelaziz Bouteflika.

Parmi les présents, on pouvait remarquer la présence de tous les présidents des partis islamistes, mais aussi celle du nouveau responsable du RCD (Rassemblement pour la Culture et la démocratie), le parti laic et kabyle. Etrange rassemblement auquel participait aussi l’imprévisible Ali Belhadj, l’ancien numéro 2 du Front Islamique du Salut (FIS), aujourd’hui dissous, dont la victoire au premier tour des législatives avait provoqué le coup d’Etat militaire.

Ghardaïa, plaie béante
Loin très loin de cette rencontre inédite des boycotteurs, Ghardaïa continue de bruler. Des fois à petit feu et souvent à feu vif, mais la ville du M’zab vient de mettre un pied sur un terrain miné. Pour la première fois depuis la fin du terrorisme intégriste à la fin des années 90, on assiste à un discours religieux aussi radical. Un glissement dangereux vient de s’y produire. L’anathème jeté sur les mozabites l’a été par des salafistes intégristes. La ville, si paisible par le passé, a vécu des nuits d’effroi qui se sont soldées une nouvelle fois par des pertes humaines matérielles et un élargissement du fossé qui sépare les deux communautés mozabite et chaambas.

Trois morts, une centaine de blessés et des renforts sécuritaires qui tentent de palier aux échecs des politiques. Le premier ministre intérimaire, Youcef Yousfi, dépêché en pompier mardi n’a pas mieux fait que le premier ministre, Adelmalek Sellal. Tout deux ont lamentablement échoué à concilier les frères ennemis. Le gouvernement ne trouve pas meilleure stratégie que la gestion sécuritaire d’un problème foncièrement politique. Au moins 10 000 policiers et gendarmes ont été envoyés sur place pour empêcher le renouvellement des affrontements entre les deux communautés. Combien de temps ces renforts policiers pourront-ils bloquer cette folle envie d’en finir avec l’autre ?

Zeroual et l’indispensable consensus
C’est dans ce climat de tension, que le directeur de campagne du candidat-président choisit pour tenir des propos désobligeants sur les habitants des Aurès, une région de montagnards ombrageux de l’est algérien. Ces propos ont soulevé l’ire des Chaouis et les ont poussé à sortir par milliers dans les rues. Ils ne réclamaient rien d’autre que le départ de ce responsable indigne qui a osé se moquer d’eux. Après en avoir évoqué la mémoire de Mustapha Ben Boulaid, martyre de la révolution et fils de la région, ils ont appelé l’ancien Président Liamine Zeroual à leur rendre leur dignité bafouée. Ce dernier après les avoir reçu et tenté de calmer les esprits, a rompu le silence.
Dans un communiqué publié jeudi par les journaux algériens, l’ancien président- le seul chef d’état algérien élu démocratiquement- a rallié l’appel au consensus pour sortir de la panne du régime. Ce ralliement est significatif pour les observateurs de la scène politique algérienne. Il révèle une préoccupation commune sur le danger de rater le tournant des prochaines années et le cout exorbitant de manquer l’occasion de changer l’ordre actuel. L’idée du consensus commence à s’imposer dans le débat et bouscule les défenseurs du quatrième mandat et sa fable sur la stabilité. Le décryptage de la lettre de l’ancien Président Liamine Zeroual et le bilan très négatif qu’il dresse des trois mandats de Bouteflika permet de desceller la gravité de la situation en mettant en cause la gestion du président candidat.

Un véritable défi est lancé d’une réelle révolution pacifique. L’enjeu principal reste pour l’après-17 avril l’aptitude du système de pouvoir algérien à écouter les messages multiples qui émanent de la société.

L’autisme ou le chaos.

PAR NIDHAL DAÏM