Farid Zinedine Bencheikh, qui dirigeait la police algérienne ( DGSN) jusqu’à son éviction en janvier dernier, a été arrêté dans la matinée du 25 Avril 2024 à Alger. Après un rapide voyage en France et en Suisse, ce grand flic était en effet rentré en Algérie sans inquiétudes particulières. Quel est le motif de l’arrestation celui qui, dans ses fonctions à la tète de la police, fut toujours proche de la Présidence ? Quel danger représentait Farid Bencheikh pour la sécurité de l’État algérien? La politique algérienne reste un théâtre d’ombres peuplé de zones d’ombre.
La purge opérée au sein de la police aura été spectaculaire. Certains des proches collaborateurs de l’ex patron de la police, Farid Bencheikh, ont été également interpellés jeudi dernier. Ainsi Abdelhakim BELLOUAR directeur de l’information à la DGSN, l’interface de la police avec les autres services (DGSI, DGDSE, DCSA) et Tarek KASSKASSE responsable des services centraux de la lutte contre le crime organisé. Ce poste lui procurait une connaissance de tous les acteurs des milieux mafieux que certaines officines des services algériens de l’État utilisent pour neutraliser leurs adversaires ou lles intimider
La France dans le collimateur
Le 15 mars 2021, Farid Zinneddine Bencheikh avait été coopté à la tête de la DGSN par le clan présidentiel. Qu’il s’agisse du puissant directeur de cabinet du président Tebboune, Boualem Boualem, ou du conseiller économique, Abdelaziz Khellaf, connus tous deux pour de bonnes relations avec Paris. Farid Bencheikh, proche lui aussi des Français, avait effectué ses études en France et avait travaillé au sein des établissements pénitenciers de Poissy et Melun en tant que conseiller. L’entourage francophile du président Tebboune serait, d’après ses détracteurs, l’incarnation du « Hizb França », cette expression péjorative qui disqualifie les opposants au régime en les accusant d’être des relais de la France et en tout cas des « agents de l’étranger ».
Depuis la date de sa nomination, Farid Zinneddine Bencheikh faisait objet d’une surveillance constante de la part de la DGDSE (services extérieurs), de la DGSI (contre espionnage), et de la DCSA (renseignement militaire). Les anciens cadres de ce qu’on appelle en Algérie l’État profond, ces services secrets dirigés pendant un quart de siècle par le général Toufik, aujourd’hui à la retraite, sont en effet revenus au coeur de l’institution militaire ces dernières années et souhaitent désormais contrôler la totalité de l’appareil sécuritaire, dont la police. .
Pourquoi dans ces conditions le président Tebboune n’a pas réagi à l’éviction de Farid Zinneddine Bencheikh, puis à sa récente et brutale arrestation? C’est lui, après tout, qui signe les décrets de nomination ou de mise à la retraite des très hauts fonctionnaires.
Le prétexte d’un limogeage
L’ensemble des médias algériens ont expliqué l’éviction du directeur de la DGSN par l’incident survenu le 28 décembre à l’aéroport d’Orly. Un jeune algérien, Mehdi Rahmani, avait réussi à s’introduire dans la zone de sûreté de l’aéroport d’Oran jusqu’au tarmac. Le malheureux a été retrouvé en hypothermie à l’intérieur du train d’atterrissage de l’aéronef à l’aéroport d’Orly. Il a pu finalement être sauvé La gendarmerie du transport aérien français avait ouvert une enquête.
Par le passé, des incidents similaires n’ont provoqué aucune démission au sein de la police. Les vraies raisons du limogeage du directeur de la DGSN se trouvent naturellement ailleurs. Les élections présidentielles de septembre 2024 expliquent le rééquilibrage des forces au sein de l’appareil sécuritaire dont Farid Bencheikh est la victime..
Le scénario le plus probable est que le chef d’état-major de l’armée, le général Chengriha, avec lequel le Président Tebboune est parvenu à cohabite sans gros accrocs, a fait pression sur lui pour obtenir cette purge au sein de la police. Une grande partie de l’armée voit d’un mauvais oeil les liens privilégiés de la Présidence algérienne avec Emmanuel Macron et cherche à couper tout lien sécuritaire avec les services français.
La DGSN, un caillou dans les bottes
Depuis l’indépendance, la Police algérienne a toujours tenté de marquer son indépendance de l’armée. L’ex président Bouteflika avait nommé un de ses proches, le général Hamel, après l’assassinat du colonel Ali Tounsi, alors directeur de la DGSN, affirmant son autorité face au fameux général Toufik qu’il finira par évincer en 2015.
Le jeu politique subtil amorcé par le Président Tebboune qui voudrait obtenir un deuxième mandat lors de la Présidentielle de septembre l’oblige à certaines concessions face au patron de l’armée algérienne, avec lequel il cohabite de façon relativement apaisée. Chacun sait que dans la lutte infernale des clans militaires algériens, le général Chengriha ne soutient le chef de l’État que comme la corde soutient le pendu.
À suivre
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