Dans l’épreuve de force engagée avec les chrétiens du Gabon et notamment la très influente Église Catholique, Lambert Noël Matha, Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur du Gabon a joué un rôle central. Il a personnellement veillé à montrer et à démontrer que la fragilité du régime n’est qu’apparente et qu’il ne saurait tolérer la moindre contestation. Portrait d’un « Homme de l’État » aussi puissant que secret.
Par Jocksy Ondo Louemba
Lambert Noël Matha est né le 25 décembre 1958 à Brazzaville actuelle capitale de la République du Congo alors capitale de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F.). Il fait ses études secondaires au Lycée d’Etat de Franceville capitale du Haut Ogooué province du sud Est du Gabon. Ses études supérieures, Lambert Noël Matha les fera d’abord à Libreville à l’Université Omar Bongo puis à Bordeaux précisément dans les Universités de Bordeaux I et III dont il sort diplômé de Sciences Politiques et en Histoire (il est l’auteur d’un mémoire sur l’intervention militaire française au Tchad.). De retour au Gabon, il intègre l’Ecole Nationale d’Administration de Libreville dont il sort administrateur civil en chef en 1993. L’année suivante, il est chargé de Missions à la Primature. Il quitte la primature en 1995 pour le ministère de l’Intérieur.
« Monsieur Élection »
Le 08 Juin 1995, Lambert Noël Matha est nommé secrétaire Général du ministère de l’Intérieur. Il occupe ce poste pendant plus de deux décennies (21 ans et 5 mois exactement!) . Rapporteur Général de la Commission Nationale Électorale pendant dix ans (1996-2006) il est grâce à ses attributions également responsable du recensement de la population et de la confection de la liste électorale. Indéboulonnable et très apprécié d’Omar Bongo, Lambert Noël Matha voit défiler les ministres de l’Intérieur. Il gagne très vite le surnom de « Monsieur élections » tant il est incontournable dans leur organisation. En effet, s’il ne participe pas à l’organisation de l’élection présidentielle frauduleuse de 1993, sa main est présente dans l’organisation des élections présidentielles vivement contestées de 1998, 2005 et surtout dans la dernière en date 2016 qui a vu le Ministère de l’Intérieur sauver un Ali Bongo largement battu en lui ajoutant ex nihilo 2901 voix dans la province du Haut Ogooué !
De l’ombre à la lumière
Confronté à une contestation très vive, Ali Bongo fait appel à Lambert Noël Matha dont « il apprécie le savoir-faire la pugnacité et la discrétion » pour sécuriser son régime en le nommant à la tête du ministère de l’Intérieur. Un haut gradé de la Police Gabonaise confie : « Le Patron [Ali Bongo], lui a fait tellement confiance qu’il lui a donné la haute main sur la DGDI [Direction Générale de la Documentation et de l’Emi-Immigration] qui est quand même placée sous son autorité directe et qui est quand même un redoutable outil !». Redouté, Lambert Noël Matha est également critiqué par d’autres figures du régime qui le traitent de « roitelet » « qui a mis en place un protocole spécial qui consiste à marcher tous les matins sur tapis rouge au milieu de policiers placé sous son autorité lui faisant une haie d’honneur ! » Tout en reconnaissant son « efficacité » « On lui doit d’avoir sécurisé le pays et calmé les opposants, s’il n’avait pas été là, on aurait vécu dans un climat de guerre civile larvée ou de contestation permanente, ça n’aurait pas été bon pour le pouvoir».
L’éviction du gouvernement
Alors qu’Ali Bongo est victime d’un Accident Vasculaire Cérébral en Arabie Saoudite en Octobre 2018, Lambert Noël Matha est chargé de tenir le pays. Alors que le doute et l’incertitude gagnent le Gabon, plusieurs personnalités sont interdites de quitter le pays par la Police de l’Air et des Frontières (PAF). Le Gabon doute, mais Matha rassure et maintient l’organisation des élections législatives et locales remportés par le Parti Démocratique Gabonais. Peu après, il est débarqué du gouvernement après avoir détenu assez brièvement le portefeuille de Ministre de la décentralisation.
Retour d’un incontournable
Alors que ses détracteurs le disaient fini car ne disposant d’aucun mandat électif, Lambert Noël Matha signe son grand retour à «l’avenue de Cointet» au ministère de l’Intérieur le 02 Décembre 2019. Il a pour mission de tenir le pays qui se trouve dans une situation politique particulière dans laquelle se conjugue le malaise persistant issu de la sanglante répression post-électorale de 2016 et la désormais ambiance de fin de règne au « Palais Rénovation ». Sa reconduction le 17 juillet 2020 confirme son statut de pièce maîtresse du système sécuritaire du régime. « Malgré « les manifestations de la faim » pendant le confinement ou la grogne des chrétiens, le pays est calme et rien ne viendra perturber le pouvoir du Distingué Camarade Président [Ali Bongo]» fanfaronne un hiérarque du Parti Démocratique Gabonais (PDG – au pouvoir depuis 1967).
Lambert Noël Matha – bien entendu – y veille.