Pour la première fois, la télévision algérienne évoque les manifestations anti-quatrième mandat… Les partisans du système sont pris à partie à Bejaia à l’Est du Pays comme à Ghardaia au Sud. En Kabylie, des violences ont entrainé l’annulation du meeting de Abdelmalek Sellal, Premier ministre depuis septembre 2012.
Les jeunes qui ont empêché Abdelmalek Sellal, le Premier ministre proche de Bouteflika, de tenir son meeting électoral à Bejaïa en petite Kabylie n’ont fait qu’exprimer le ras le bol de la majorité des Algériens. La politique du fait accompli ne passe plus. Les partisans du quatrième mandat ne semblent pas avoir pris la température du rejet suscité par la perspective de cette présidence à vie. Ils n’ont visiblement plus les moyens de désarmer la contestation. Les incidents se multiplient. Le Premier rministre Sellal aura réussi à devenir la personnalité la plus impopulaire du pays, coupable de blagues de mauvais goût.
Passage en force
L’entrée en jeu des autres candidats, notamment Ali Benflis, n’entame en rien la controverse sur le quatrième mandat. Bien au contraire. L’opposition au quatrième mandat balaie tous les clivages idéologiques et politiques traditionnels. La caisse de résonance qu’offrent les réseaux sociaux ne fait qu’amplifier les oppositions. Au lieu de faire campagne autour des programmes qu’ils ont élaborés, les autres candidats passent le plus clair de la campagne à se défendre d’être les leurres mis en place pour crédibiliser un Bouteflika totalement absent.
Les tensions, qui ont connu leur apogée avec les incidents de Bejaïa, ramènent les candidats face à une évidence qu’ils semblaient ou voulaient ignorer : le passage en force de Bouteflika ne règle rien. Bien au contraire, il attise les tensions. Le principal concurrent de « Boutef », Ali Benflis, resté serein jusqu’à la semaine dernière, montre des signes de nervosité. Ses représentants parlent déjà de la mise en route du dispositif de la «fraude massive». Benflis affiche son intension de «résister» à ce hold-up électoral.
Les partisans du quatrième mandat ne font rien pour atténuer cette tension. Ils se révèlent même très gauche en la matière. Le communiqué expliquant la décision d’annuler le meeting de Bejaia qualifie les opposants du mouvement Barakat «de fascistes tenants du boycott, secondés par leurs nervis du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie». Les partisans de Bouteflika, en parfaits amateurs, donnent un poids démesuré au mouvement Barakat, dont les membres représentent les classes moyennes et intellectuelles, mais rien de plus. A dessein, on veut les tranformer en « ennemis de la patrie». Des qualificatifs qui font sourire!
L’incendie John Kerry
Cette cacophonie algéro-algérienne aura redoublé lors du voyage de l’américain John Kerry, que l’on voit à Alger pour la première fois depuis qu’il a remplacé Hillary Clinton. Le secrétaire d’Etat américain a réussi la fin de la semaine écoulée à détourner totalement les débats sur la scène politique algérienne. Les Américains semblent s’intéresser de près à la stabilité de l’Algérie en général et du Maghreb en particulier.
Son arrivée en plein controverse sur le quatrième mandat a amené les médias algériens à observer à la loupe chaque mot, chaque expression et chaque allusion. Kerry a confirmé que l’Algérie est partie intégrante du dispositif sécuritaire régional américain, tant en Libye et en Tunisie qu’au Sahel. Mais une partie significative du discours de Kerry était consacrée à l’énergie. « La formulation est parfois alambiquée, explique l’expert financier algérien, Omar Benderra, mais l’avertissement pour être sous-jacent n’en est pas moins clair : Washington suit de près la position algérienne vis-à-vis de la Russie, nouvel ennemi désigné. Un des éléments principaux de la doctrine de politique étrangère est réitéré : les Etats-Unis gèrent les flux globaux d’énergie, et si un Etat a l’idée malencontreuse d’utiliser l’arme du pétrole, il ne pourra pas prétendre n’avoir pas été prévenu des conséquences de cette option ». En cas d’aggravation des sanctions contre la Russie, il se dit dans les milieux informés que l’Algérie, avec la Norvège, pourrait être appelée à augmenter ses livraisons de gaz à l’Union Européenne…» Après le baton, une carotte ?
PAR NIDHAL DAÏM