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La Tunisie en quête d’une majorité parlementaire introuvable

Avec la nouvelle configuration de l’Assemblée élue en Tunisie, totalement émiettée, la formation d’un gouvernement relève de la quadrature du cercle. Une chronique de Wicem Souissi

Le mode de scrutin à la proportionnelle et le bilan peu enviable des sortants ont favorisé un émiettement des formations politiques représentées dans la nouvelle assemblée élue plus affirmé que jamais.

Les islamistes, des vainqueurs fragilisés

A la tète du principal groupe parlementaire, le parti islamiste Ennahdha est chargé par la constitution de proposer un chef de gouvernement. Mais les islamistes font pâle figure qui ont perdu 17 sièges, en n’obtenant que 52 députés sur un total de 217. Du coup, la formation de Rached Ghannouchi temporise à l’extrême, ce qu’elle ne cesse de faire depuis son éviction du pouvoir en 2013 avec ses tentatives successives d’alliance avec feu le président Beji, puis avec son Premier ministre Youssef Chahed.

Au sein du parti, Rached Ghannouchi affronte des frondes régulières, notamment au sujet de la désignation ou pas d’un Nahdhaoui à la tête de l’exécutif. L’ancien ministre aux accents salafistes, Abdellatif Mekki, qui entend donner la terre aux agriculteurs déshérités, cherche à rompre avec la stratégie du patron d’Ennahdha qui s’est constamment abrité derrière ses alliés.

Le mouvement islamiste assiste à la fuite vers l’opposition de ses partenaires potentiels. Incompétence, impéritie et, surtout, peur de l’échec au regard d’une situation économique catastrophique ces trois facteurs  font fuir les impétrants éventuels. La perspective de devoir, par nécessité, prendre des décisions gouvernementales de coupes budgétaires ou de privatisation anti sociales, provoque la fuite des responsabilités. De peur d’affronter la centrale syndicale, cette puissante UGTT qui reste à l’affût.

L’attentisme général

Qalb Tounès, le parti du perdant des présidentielles, Nabil Karoui, et deuxième vainqueur aux législatives, le « Courant démocratique », les éradicateurs de la corruption, et le Mouvement de la dignité, un magma révolutionnaire, sont  susceptibles de faire équipe avec Ennahdha. Mais tous demeurent dans l’expectative. 

Du côté de ‘opposition, la situation est tout aussi incertaine. Résidu de l’ancien régime, le Parti destourien libre d’Abir Moussi, avec 17 députés est en pôle position de la démagogie triomphante. Tahya Tounès, « Vive la Tunisie », du chef de gouvernement, Youssef Chahed, ancien allié de Ennahdha, effectue un va-et-vient permanent.

Laminée, la gauche reste cependant présente avec sa frange nationaliste arabe, bénéficiaire de 16 députés du Mouvement du peuple, qui s’est illustré en rendant visite au président à peine installé au palais de Carthage. Cette mouvance incline à réaliser la « révolution légale » prônée par le chef de l’Etat, Le Mouvement du peuple n’est pas loin de la tentation du coup institutionnel ou la constitution d’un équipe gouvernementale…

Le parti Ennahdha, lui, continue d’entretenir des relations cordiales avec Kaïs Saïed. Et pense même avoir endigué ses éventuels élargissements de ses prérogatives, notamment par l’extension de son champ de compétence sécuritaire, qui inclurait par exemple des extensions à la sécurité alimentaire, énergétique…, en ayant appelé à voter pour lui.

Les classes moyennes appauvries derrière Saïed

Ces calculs seront ils suffisantsn pour assurer un équilibre entre les deux pouvoirs gouvernemental et présidentiel ? A vrai dire, les classes moyennes ne sont pas ou presque pas représentées à l’Assemblée ont, dans une sorte de revanche électorale, massivement voté pour Kais Saïed. Ce qui donne à ce dernier un avantage décisif dans le rapport de forces à venir.

Dernier point, une confirmation du recours du tribunal administratif en vue de l’invalidation des élections législatives dans la circonscription en Allemagne, nécessiterait de nouvelles élections qui reporteraient d’autant la validation de l’Assemblée, et donc aussi la formation d’un gouvernement.

Du temps encore donné au temps, la plus mauvaise des stratégies pour une Tunisie menacée par l’effondrement économique.

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