L’opposant Felix Bongo s’interroge sur les limites de l’exercice du pouvoir de Brice Fargeon dit Laccruche Alihanga, directeur de cabinet de la Présidence.
Lors du conseil des ministres du 25 Aout 2017, Brice Laurent Jean Joseph Fargeon, né le 1er juillet 1980 à Marseille – France – de l’union de Norbert André Marie Fargeon et de Elisabeth Solange Etiennette Dupont, tous deux de nationalité française, est nommé directeur de cabinet du Président de la République gabonaise.
Le 24 Octobre 2018, Ali Bongo Ondimba est victime d’un accident vasculaire cérébral d’une extrême gravité l’éloignant de facto du Gabon et l’empêchant d’exercer la fonction présidentielle pendant plus de 6 mois. À ce jour, il ne subsiste aucun doute sur le fait que le Président de la République n’a toujours pas recouvré la plénitude de ses capacités.
Par l’ironie du sort, l’article 8 de la Constitution résultant de la révision constitutionnelle de janvier 2018 a fait du chef de l’État le « détenteur suprême du pouvoir exécutif ». Alors qu’auparavant, celui-ci était partagé avec le Premier ministre. Aussi, pour faire face à ce vide institutionnel et, pour garantir la préservation du pouvoir de Monsieur Ali Bongo Ondimba, la Cour Constitutionnelle par une jurisprudence controversée a consacré la notion « d’empêchement temporaire du Président de la République » en droit positif gabonais.
Il s’en suit une lutte farouche des clans qui trouve son épilogue le 14 Janvier 2019 avec le retour du Maroc d’Ali Bongo Ondimba pour la prestation de serment des membres du nouveau gouvernement. Nommé Premier ministre, Julien Nkoghé Békalé et Brice Fargeon sont manifestement instruits pour composer le tandem à la tête de l’État.
Cependant, très rapidement, l’observation de la vie politique gabonaise conduit à constater la concentration du pouvoir exécutif entre les mains du seul directeur de cabinet du Président de la République (DCPR) Brice Fargeon. Omniprésent sur les chaines de télévision nationales, le directeur de cabinet apparait en première ligne sur tous les dossiers, multipliant les réunions avec les principaux responsables de la haute administration, marginalisant ainsi l’action du gouvernement et du Premier Ministre.
Dans l’exercice de sa charge, Brice Fargeon semble combiner les fonctions de Président de la République et de Premier Ministre. Prétextant du renouvellement des élites et de la promotion de ses « jeunes en OR », le nouveau gourou du couple présidentiel ne fait pas mystère de son implication dans le parachutage des membres de son association « AJEV » à la tête des principaux Ministères, directions générales et des sociétés publiques. Sa suprématie ne fait plus aucun doute lorsque Fargeon au vu de tous, est à l’instigation des nominations au sein des forces armées, de la police, des services de renseignements et dans la hiérarchie du parti démocratique gabonais. Dans les rangs de la majorité AJEV-PDG, il est désormais acquis que « Celui qui boude (avec Fargeon) Bouge ! »
Aussi fulgurante soit-elle, l’ascension de Monsieur Brice Fargeon se heurte toutefois à des limites politiques et institutionnelles qui, devraient sans doute le conduire prochainement à prendre des initiatives dans ces domaines.
Sur un plan politique, l’OPA de l’AJEV sur le parti démocratique gabonais et la haute administration est perçue comme une gigantesque usurpation et génère de l’amertume auprès de ceux qui ont été évincés de leurs positions jusque parmi les très proches du couple présidentiel. Cette purge est régulièrement présentée comme une reprise en main de Sylvia Bongo Ondimba l’épouse du président. Le nombre croissant des mécontents et leurs variétés peut laisser penser que les luttes intestines au sein de l’État sont loin d’être terminées…
Par ailleurs, diminuer par la maladie, Ali Bongo Ondimba sera-t-il toujours aussi à l’aise dans ce rôle de figurant au service de son épouse et du gourou de celle-ci ?
Si la démonstration de force que fût sa récente tournée nationale légitime Brice Fargeon comme le chef de la majorité présidentielle, l’opinion publique gabonaise est viscéralement opposée qu’à la suite d’un béninois (M. Maixent Accrombessi) durant 7 ans, un « marseillais » veuillediriger à son tour leur pays.
Au niveau Institutionnel, le directeur de cabinet du Président de la République (fonction qu’il cumule avec celle de directeur de cabinet « du distingué camarade » du PDG) est désormais à l’étroit à ce poste dont il a très largement outrepassé les prérogatives classiques. Nul doute que Brice Fargeon et ses amis, connus pour ne manquer ni d’ambition ni d’audace, seront contraints très prochainement de lui trouver une nouvelle fonction à sa mesure, lui permettant ainsi d’un point de vu institutionnel, de se substituer au chef de l’État, notamment lors des grands sommets internationaux ou auprès de ses homologues.
Deux options nous paraissent vraisemblables : La Primature et la Vice-Présidence de la République. La Primature nous paraît improbable car, traditionnellement faisant l’objet de savants équilibres géopolitiques. Rappelons que Brice Fargeon « Laccruche Alihanga » est membre du comité permanent du PDG pour le compte de la province du Haut Ogooué dont il se dit originaire. Il est difficile d’imaginer que le Président et le Premier Ministre soient issus de la même province.
Reste alors le poste de Vice-Président de la République qui correspondrait à la réalité des pouvoirs actuellement détenus par Brice Fargeon au Gabon, d’autant plus que, aux termes de l’article 14d alinéa 1 de la Constitution de le République, les pouvoirs du Vice-Président de la République peuvent être élargis par délégation spéciale du Chef de l’État. Pour cela, le nouveau chef de l’AJEV-PDG devra prendre des initiatives politiques pour élargir le spectre de ses soutiens au-delà de ses partisans et ce, probablement en prônant des mesures de décrispation de la situation politique dans le cadre d’une messe dont les contours restent à définir. A ceux de nos compatriotes qui pourraient, à juste titre, s’offusquer de l’arrivée à la tête de l’État Gabonais d’un français pure souche, les partisans de Monsieur Brice Fargeon vont certainement rappeler le président zambien. En effet, lors de l’élection présidentielle de septembre 2011 dans ce pays d’Afrique de l’Est, le candidat et futur président Michael Sata s’était présenté avec M. Guy Lindsay Scott, un député zambien d’origine anglaise et écossaise. M. Scot sera donc Vice-Président et, trois ans plus tard, à la mort de M. Sata il devient Président de la République par intérim, du 29 Octobre 2014 au 26 Janvier 2015. Mais comparaison n’est pas raison, et le Gabon n’est pas la Zambie. Vraisemblablement, il est selon nous à prévoir que les lignes vont bouger dans le landerneau politique gabonais.