Le concept de “chlékisation” n’existe qu’en Tunisie, ce petit pays de l’Afrique du nord qui avait brièvement attiré l’attention de la planète lors de sa révolution de 2011. Ce concept donc, est tiré du mot “Chléka”, qui veut dire claquettes ou tongs, et qui par métonymie désigne la personne porteuse de ces chaussures légères.
Article et dessin de « Z »
C’est plus qu’un concept, c’est carrément une philosophie de vie. Car le « chlékeux » concentre sa pensée et son cerveau dans ce bout de plastique qui recouvre ses pieds et qu’il traîne dans les rues en sortant chercher du pain. Un chlékeux, n’a pas de tête, mais il est têtu. Il n’a jamais vu le ciel mais croit dur comme fer à Dieu. Les chlékeux se reconnaissent entre eux et détestent les chaussures mais fantasment sur les talons aiguilles. Quand ils sortent en ville, ils n’aiment pas trop qu’on les reconnaisse. Ils se chaussent alors de leurs plus belles godasses et passent inaperçus.
C’est le cas de Kaïs Saïed, notre actuel président de la Tunisie. Personne n’avait remarqué qu’il portait de fausses chaussures, bien cirées de surcroît. Pourtant depuis 2011, il passait à la télé et à la radio, et avait déjà tout annoncé de son projet « chlékatalogique ». Mais personne ne prêtait vraiment attention à ses paroles, puis ses mocassins de prof de droit, donnaient à son verbe un verni trompeur qui a induit en erreur une foule de gens qui ont voté pour lui en 2019.
Les mêmes chaussettes
Quand il a été élu et qu’il s’installa au Palais présidentiel, le Président Saied a gardé ses mêmes souliers sans changer de chaussettes et ce jusqu’au 25 Juillet 2021, jour fatidique où il a foutu un coup de pied dans la fourmilière islamiste. Profitant de la débâcle générale et d’un soutien populaire massif, Saïed ne s’est pas gêné. Depuis, il a commencé à dévoiler ses petits orteils et à mettre en place son nouvel ordre chlékatologique, exactement comme il l’avait annoncé il y a bien longtemps.
Je vous disais que personne n’écoutait vraiment ses discours à l’époque, mais je me trompais, car les chlékeux et les chlékeuses qui savent se reconnaître entre eux, eux, ils avaient déjà tout compris. Ils n’attendaient que ce jour où la Chléka allait enfin prendre le Pouvoir.
C’est alors que débute alors la démolition des maigres acquis de la révolution. Constitution, Parlement, Justice, élections, tout y passe. L’opposition qui regroupe islamistes et autres redoublants de la révolution traînent depuis leurs babouches et peinent à mobiliser les foules qui semblent de plus en plus conquises par le pouvoir hypnotique de la Chléka.
Le « lêche-chlékage », un sport répandu
Saïed a désormais les coudées franches pour carrément réécrire la Constitution et poser ainsi le jalons d’une nouvelle République sur mesure.
Il fabrique une « commission consultative pour une nouvelle République » et nomme à sa tête deux belles paires de chaussures, le bâtonnier Brahim Bouderbala et le doyen de la fac de Droit, Sadok Belaïd. Cela n’étonna pas grand monde, puisque ces deux-là avaient déjà eu l’occasion de montrer leur zèle à cirer les pompes du président (“lèche-chlékage”)
Ils rejoignent ainsi la petite cohorte de chlékeux et de chlékeuses qui entourent le président.
Ils n’auront pas de mal à se mettre d’accord puisque Saïed a viré de la vitrine les basquettes, les babouches et les mocassins accusés d’avoir trahi la nation.
Saïed s’est même débrouillé pour faire fuire sa secrétaire talon aiguille, Nadia Akacha.
Bref, pour les chlékas, la Tunisie en ce moment c’est le pied !