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La descente aux enfers de la démocratie tunisienne

Protesters demonstrate against Tunisian President Zine al-Abidine Ben Ali in Tunis January 14, 2011. Tunisian President Ben Ali stepped aside on Friday after failing to quell the worst anti-government unrest in his two decades in power. As the prime minister stepped in until promised elections can be held, Ben Ali's whereabouts were unclear. Al Jazeera television said he had left the country. REUTERS/Zohra Bensemra (TUNISIA - Tags: POLITICS CIVIL UNREST)

Face aux mobilisations populaires qui se multiplient et face à une crise économique sans précédent, la classe politique tunisienne se déchire dans des querelles intestines qui la privent de toute capacité à prendre les mesures qui s’imposent pour éviter une faillite généralisée. 

La démocratie  tunisienne, citée en exemple dans le monde entier après le départ de l’ex président Ben Ali en 2011, parait plus inachevée que jamais. Les alliances politiques contre nature qui se sont multipliées ces dernières années connaissent  les plus grandes difficultés à trouver leur point d’équilibre.  Le leader islamiste Ghannouchi, qui à la tète du premier parti tunisien s’est issé à la présidence du Parlement, est déstabilisé. Le Premier ministre, qui repose sur le soutien de ce dernier,  est plus proche de la porte que de l’augmentation

Ghannouchi dans la tourmente

Figure du pouvoir depuis 2011, Rached Ghannouchi est désormais dans l’œil du cyclone. Des figures de la vie politique que tout oppose tiennent un même discours hostile à l’égard de son mode d’intervention autoritaire dans la vie publique tunisienne. 

Au Parlement, la présidente du Parti Destourien Libre, Abir Moussi, qui apparait comme l’héritière des années Ben Ali, a relancé la motion de censure pour écarter le leader islamiste, qu’elle compare au Sultan Soliman musulmans. Surprise, elle peut compter désormais dans sa guerre contre Ghannouchi sur le soutien inattendu de l’impassible Samia Abbou, qui fut une opposante résolue à la dictature passée. 

Désormais sur un siège éjectable au Bardo, siège du parlement tunisien, le président du parti islamiste Ennahdha est taxé de « putschiste » après sa dernière sortie hostile à Kaïs Saïed sur le rôle “symbolique” du président de la République.

Le président Kais Saied

L’icône religieuse est aussi dans le collimateur de Noureddine Taboubi, secrétaire général de la puissante centrale syndicale,  qui a durci son discours. Le parti islamiste, selon lui, forme avec ses alliés -Qalb Tounes, rassemblement hétéroclite et populiste et Al Karama, un mouvement radical d’inspiration religieuse- “la coalition du mal”.

Même au sein d’Ennahdha, doont il a réussi contre vents et marées à maintenir la cohésion, Rached Ghannouchi est très contesté pour sa volonté d’éterniser son règne en maître des horloges des choix institutionnel du mouvement. Même son ancien homme de confiance et stratège hors pair, Lotfi Zitoun, l’a mis en garde sur le risque qu’il prend de subir le sort que l’ancien président déchu, le président Ben Ali. “La solution à la crise actuelle , juge-t-il sévèrement, consiste en une nouvelle vision, loin de l’image classique des partis ». Ce qui correspond au projet de l’actuel Président, Kais Saied, de refonder la vie politique tunisienne. Et Zitoun de poursuivre:  » le pouvoir peut et doit exister sans le mouvement d’Ennahdha, aCar dix ans après la révolution, il est nécessaire de procéder à une véritable évaluation”.

Un gouvernement fragilisé

Le leader islamiste risque d’entrainer dans sa chute le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, qu’il soutient comme la corde le pendu.

La pression est palpable. Le chef de l’exécutif, d’après nos confrères de Maghreb Intelligence, a fait part de son intention de quitter le navire à Rached Ghannouchi, son principal appui. La décision aurait été rejetée de facto par le leader islamiste, ce dernier aurait même convoqué une réunion d’urgence à son domicile à cité El Ghazela pour dissuader Mechichi de se retirer.

De son côté, le pensionnaire du Palais de Carthage, Kais Saied, persiste et signe. Il refuse d’introniser les quatre ministres, choisis lors du dernier mercato ministériel, à prêter serment, une mesure fondamentale pour entamer leur mission. En effet, le président de la République est en guerre contre un Mechichi qu’il a pourtant lui-même sorti de l’anonymat pour le nommer à la tète du gouvernement. Les deux pôles du pouvoir éxécutif se livrent une guerre stérile qui les paralyse, tout comme ce fut le cas après 2015 entre Beji Caïd Essebsi et son Premier ministre Youssef Chahed.  

Le décryptage de la vie politique tunisienne devient une vraie affaire d’initiés qui éloigne une majorité de la population du processus démocratique engagé voici dix ans.. 

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