Annoncée il y a quatre ans, la réforme de Constitution algérienne serait imminente. Encore flou, le texte est peu à même de modifier la répartition du pouvoir accaparé par le Président Bouteflika.
Pas un jour sans que la presse algérienne évoque en première page l’arrivée de la Constitution nouvelle. Il en est de même pour les principaux responsables politiques qui ne cessent d’annoncer l’imminence mais en se contredisant sur le contenu. C’est le flou total. Même Louisa Hanoune, pas vraiment hostile au Président et patronne du Parti des travailleurs (trotskiste), version locale d’Arlette Laguiller, déclare : « je ne peux même pas faire de commentaire sur le retard de la décision du Président de réviser la Constitution, c’est incompréhensible ».
La Présidence, le pétrole et l’Armée, tous en crise
Ce qui est certain c’est que la cuvée de la Constitution 2015 est exceptionnelle. D’abord la vacance de fait du pouvoir : un président malade qui ne s’adresse plus directement à son peuple. Ensuite la crise économique qui rend impossible l’achat systématique de la paix civile en donnant satisfaction aux revendications salariales les plus folles comme ce fut le cas ces dernières années. Finalement la succession incertaine d’une fin de règne inéluctable. On nous présente, alors, la nouvelle révision constitutionnelle comme le nouveau socle de la stabilité de l’Etat. Pourquoi pas ? Seulement, ce texte fondamental d’un Etat de droit répond en Algérie à un autre objectif. Confectionner une Constitution démocratiquement acceptable mais qui n’ouvrirai pas la voie à une véritable alternance du pouvoir.
La notion d’Etat de droit est ancienne en Algérie, mais sa mise en oeuvre plus récente! Sa génèse dure depuis plus d’un demi-siècle et la maturation démocratique était déclamée par le président Abdelaziz Bouteflika dans la foulée du printemps arabe. Le 15 avril 2011, Bouteflika prend la parole quand les dictatures voisines chancellent ou s’effondrent, dans un discours préalablement et laborieusement enregistré, il annonce : « révision profonde de la loi électorale pour permettre aux Algériens d’exercer leur droit dans les meilleures conditions, empreintes de démocratie et de transparence ». La révision de la loi sur les partis est aussi annoncée tout comme un nouveau code de l’information. Tous les courants politiques, même ceux non représentés dans l’assemblée nationale sont invités à participer à ce débat. Ressort invariablement la grande constante du changement vu par les dirigeants algériens : un travail sur les textes sans aucun mécanisme assurant leur application. Le juridisme et le formalisme remplacent la légitimité. Une nouvelle révision de la constitution est promise. Quatre ans plus tard, elle est annoncée imminente. Cette fois-ci, c’est certain une nouvelle constitution sera soumise aux parlementaires qui vont la voter mécaniquement à main levée comme un clic sur l’onglet « LIKE » d’une quelconque page de Facebook. L’Algérie sera ainsi décrétée démocratique puisque la présidence à vie sera de nouveau abolie. Mais ce n’est pas aussi simple car les rapports de force ne seront jamais régulés par un texte fût-il constitutionnel. Désormais les enjeux financiers sont devenus trop importants pour la caste au pouvoir pour être assujettis à des articles de loi. Alors que durant la guerre contre les islamistes la révision constitutionnelle a instauré la rotation du pouvoir ce qui a permit le maintien d’une cohérence à la tête de l’Etat à travers un certain équilibre des pouvoirs.
Plus de poudre que de pétrole
Pour rappel, c’est en 1996, en pleine tourmente terroriste que le président de l’époque Liamine Zeroual modifie la constitution pour limiter le mandat présidentiel à un seul renouvellement. Fixer la présidence à deux mandats est pour le président Zeroual une garantie d’alternance. Il en donne la preuve en démissionnant avec dignité deux ans plus tard. Ainsi Bouteflika prend le pouvoir, en 1999, pour dix ans maximum croyait-on alors. Seulement dès 2008, le président algérien décide d’ignorer l’alternance et de rester au pouvoir tant que Dieu lui prêtera vie. Mais la Constitution l’interdit ? Peu importe. Pour Bouteflika n’est qu’une variable d’ajustement, la modifier est aussi simple que l’envoie d’un SMS. Ainsi l’Algérie est pratiquement le seul pays à instaurer « démocratiquement » la présidence à vie. Sans parler de la concentration des pouvoirs entre les seules mains du Président. Le Premier ministre n’est depuis qu’un « chef du personnel » dont les prérogatives se limitent quasiment à la signature des RTT des ministres. Et sans oublier les parlementaires, tenus à l’écart de toute décision majeure, qui ne font rien. Mais il le font avec talent.
Revenons à 2015, dans un contexte tumultueux de succession présidentielle doublée par une grave crise économique, la Constitution n’est plus un levier de pouvoir mais un enjeu de pouvoir. La chute des cours pétroliers rend plus féroce la lutte pour l’accaparement de la rente. Semble s’éloigner la perspective d’une succession présidentielle entre frères, la légitimité par le spermatozoïde ne sera pas inscrite dans la nouvelle constitution. Le clan présidentiel qui regroupait des partis politiques, des ministres, des hommes d’affaires, des militaires, unis pour assurer un quatrième mandat à Bouteflika, se déchire en ce moment sur la suite à donner à cette fin de règne. Situation aggravée par l’environnement géopolitique tempétueux. La comparaison avec le déclin de l’empire ottoman n’est pas la plus adaptée bien que l’Algérie en fit partie, car on ignore qui sera le Kamal Atatürk nouveau, encore moins les « jeunes algériens » commandés par un chef d’Etat major octogénaire. Désormais l’Algérie a plus de barils de poudre que de pétrole.