La nomination et la confirmation de Jean-Yves Le Drian comme ministre de l’ Europe et des Affaires étrangères ne remplit pas de bonheur l’intéressé, même s’il est, avec Annick Girardin, le seul rescapé du quinquennat du président Hollande. S’il affiche une certaine bonhomie, l’ancien ministre de la Défense, tout puissant du président Hollande, n’en est pas moins assez déçu. Il y a d’abord l’ordre protocolaire qui lui refuse le titre de ministre d’État qu’il pensait mériter et qui le place derrière trois primo-ministre dont deux de la société civile.
Le Drian dans un corner
Il y a ensuite l’intitulé du ministère qui place l’Europe en priorité devant les Affaires étrangères. Plus familier des pays au sable chaud comme les États sahéliens et ceux du Golfe, Jean-Yves Le Drian est mal à l’aise avec les eurocrates de Bruxelles. De surcroît, son action sera prise en étau par deux diplomates qui se connaissant depuis une vingtaine d’années et s’apprécient.
Avant l’élection de François Hollande en 2012, Philippe Étienne etait directeur général de la coopération internationale et du développement, tandis que Nathalie Loiseau était la directrice générale l’Administration et de la modernisation du Quai d’Orsay. A ce titre, ils appartenaient tous deux au Conseil de direction du ministère des Affaires étrangères.
Le ministre Laurent Fabius fit de Philippe Étienne un ambassadeur apprécié à Bruxelles durant quatre ans, et Jean-Marc Ayrault lui confia ensuite l’ambassade en Allemagne. Fabius eu moins d’égards envers Nathalie Loiseau qui fut virée, avec pertes et fracas, dès août 2012, pour sa proximité avec Alain Juppé, qui l’avait jadis recrutée dans son cabinet. Le tintamarre de son éviction a permis à l’intéressée, avec son lobby « Femmes et diplomatie » d’avoir la direction de l’ENA.
Nathalie Loiseau en embuscade
Le Drian aura beaucoup de mal à s’immiscer entre Philippe Étienne, conseiller diplomatique du Président Macron, fin connaisseur des rouages de l’Union européenne et des arrières-pensées d’Angela Merkel et la nouvelle ministre « chargées des affaires européennes ». Le breton doit regretter la démission de Marielle de Sarnez. Nathalie Loiseau retrouve de nombreux juppéistes au gouvernement et peut faire valoir un réseau politique européen bien fourni, engrangé grâce à l’ENA de Strasbourg. Sous sa direction, l’ENA s’est considérablement européanisée. Nul doute qu’avec Philippe Étienne, Nathalie Loiseau va avoir une réelle influence au sein du Quai et faire de l’ombre à Jean-Yves Le DrIan.
Enfin, avec le langage et non-dits des diplomates, loin de la rudesse toute militaire, l’ancien ministre de la Défense devra aussi s’adapter à une autre approche de la scène internationale. Avec les militaires on discute et négocie surtout entre amis. Avec les diplomates, on parlemente surtout avec ses ennemis.
Ce ne sera pas simple pour le Breton.