L’anniversaire d’un coup d’Etat sanglant en Guinée Conakry 

Le 5 septembre dernier, la Guinée a fêté le coup d’Etat qui a porté Mamadi Doumbouya au pouvoir. Trois ans après, le nombre de morts occasionné par ce putsch reste le secret le mieux gardé de Conakry. Pour les familles des victimes comme pour l’armée cet anniversaire est une journée de deuil.

Nicolas Beau

C’était le 5 septembre 2021. En République de Guinée, un pays d’Afrique de l’ouest dont on ne parle pratiquement jamais dans les médias français, s’est déroulé un coup d’Etat militaire. Le vieux dictateur Alpha Condé, 82 ans bien tassés, a été renversé par un de ses plus fidèles lieutenants, le colonel Mamady Doumbouya. Personne n’a pleuré sur le sort du président déchu, qui a passé dix ans de règne à truquer les élections et à claquer la bise à François Hollande, son vieux copain de l’internationale socialiste.

Le nouvel homme fort du pays, le colonel Mamady Doumbouya, a été accueilli en libérateur par la population. Colosse de deux mètres, cet ancien caporal de la légion étrangère française a au début multiplié les gestes d’apaisement. Il a suscité de grands espoirs, en promettant de rendre rapidement le pouvoir aux civils. Mais les Guinéens ont vite déchanté. Doumbouya s’est arrogé tous les pouvoirs, et ne compte organiser des élections qu’en 2025.

Un coup d’état meurtrier

Comme son prédécesseur, il embastille les opposants et tue des manifestants. Le tout sous l’œil complice de la France, qui soutient le régime de Doumbouya et lui passe tous ses crimes. Dans ce Dixit, notre journaliste Thomas Dietrich nous parle de la situation dramatique d’une Guinée qu’il connaît bien.

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L’auteur: THOMAS DIETRICH
@thomasdietrich0

Sur les cinq coups d’Etat qui ont eu lieu en Afrique de l’ouest entre 2020 et 2023, un seul a été meurtrier, celui perpétré par les forces spéciales de Mamadi Doumbouya. Combien de soldats sont morts ce jour là ? Les combats entre les assaillants et la garde présidentielle d’Alpha Condé ont été enragés. S’il est impossible de connaître le nombre exact de militaires décédés, tous les témoignages rapportent des un bilan élevé, 100, 160, d’autres sources évoquent même jusqu’à 200 morts. Si les nouvelles autorités de Guinée n’ont jamais avancé de chiffre, elles ont d’une certaine manière reconnue le bilan sanglant puisqu’en janvier 2022, Mamadi Doumbouya a décoré à titre posthume des soldats tombés ce jour-là.

L’armée décapitée

Le nouvel homme fort du pays depuis le renversement du président Alpha le 5 septembre dernier, a fait une véritable purge au sein de l’armée pour s’assurer de son soutien. Le colonel Doumbouya a mis à la retraite d’office mardi soir 42 officiers généraux et deux amiraux.

Outre le général Sekouba Konaté, président de la transition militaire de 2010, le général Namory Traoré, dernier chef d’état-major d’Alpha Condé et le général Ibrahim Baldé, Haut-Commandant de la gendarmerie nationale, fer de lance de la répression sous Alpha Condé, ont été congédiés. En mettant à la retraite cette poignée d’officiers généraux et d’amiraux, le lieutenant-colonel Doumbouya réussit un coup double : il écarte et sanctionne une hiérarchie militaire qu’il accuse d’avoir fermé les yeux face à la dérive d’Alpha Condé, mais il place en même temps ses hommes de confiance aux postes les plus stratégiques de la Grande muette.

L’ancien caporal de la Légion étrangère française a ainsi nommé un de ses plus proches le colonel Sadiba Koulibaly au poste de chef d’état-major général en même temps qu’il confie les clefs de la gendarmerie au colonel Balla Samoura, un autre fidèle parmi les fidèles.  Après des débuts hésitants, la junte militaire guinéenne semble avoir pris ses marques et manifeste même désormais ouvertement sa volonté de laisser son empreinte dans l’histoire de la Guinée. 

Le silence de la CEDEAO

Malgré le caractère particulièrement macabre de ce coup d’Etat, la CEDEAO ne l’a jamais réellement condamné ni imposé de véritables sanctions à la junte au pouvoir. Après trois ans de règne, l’actuel locataire du Palais Sékhoutouréya ne donne aucun signe de retour de retour à l’ordre constitutionnel, cependant ni l’organisation sous-régionale, ni la communauté internationale ne lui demande de compte pour son bilan passé et actuel. 

Le chef de la junte bénéficie d’une immunité totale. Jusqu’à quand ?