Claudine Aïcha Tsoumbou, militante des droits de l’homme gabonaise, a été arrêtée par des militaires qui l’ont sévèrement battue jeudi 6 juin 2024 à Libreville. Elle se trouve actuellement dans les locaux des renseignements militaires.
On la surnomme « l’infirmière du Q.G. », car elle avait durant toute la funeste nuit du 30 août 2016 secouru d’innombrables victimes de l’assaut par la Garde Républicaine du Quartier Général de Jean Ping véritable vainqueur de l’élection présidentielle de 2016 au Gabon. De cette nuit d’horreur gabonaise où la « Garde Républicaine » avait commis de véritables crimes contre l’humanité (assassinats, viols actes de barbarie…) Claudine Aicha Tsoumbou en était sortie traumatisée, mais convaincue qu’elle devait contribuer à faire éclater la vérité sur l’horreur qu’elle et de très nombreux de ses compatriotes avaient vécus puisque les militaires avaient, selon des pratiques courantes au Gabon, emporté les corps des victimes qui ont été enterrés selon des informations concordantes dans le complexe militaro-administratif nommé (cela ne s’invente pas) « cité de la démocratie »…
Enlevée, torturée, exilée
Claudine Aicha Tsoumbou dès le lendemain de l’attaque en bonne infirmière tient alors un registre des « patients » qu’elle a eu à secourir durant la nuit. Claudine Tsoumbou tient aussi un registre de ceux qui sont morts sous les balles de la Garde Républicaines à qui des agents déchaînés avaient lancé aux partisans de Jean Ping «Vous n’avez pas honte d’avoir voté pour un Chinois ?». Avec d’autres militants Claudine Aïcha Tsoumbou veut savoir ce qu’il est advenu de toutes ces personnes qui manquent à l’appel elle dresse alors un fichier sommaire dans un cahier qui sera le centre de toutes les attentions du régime.
« Moi, j’ai été non seulement une victime, mais j’ai été aussi une héroïne parce que n’eut été mon intervention 46 personnes seraient décédés cette nuit-là » dira plus tard la jeune femme.
Une démarche qui attire l’attention des renseignements militaires qui finissent par l’enlever en septembre 2016 à Libreville. Torturée et violée, la militante est finalement relâchée. Jugée trop radicale (car non-corruptible) par une opposition plus prompte à négocier des maroquins qu’à lutter pour les droits de l’homme, Claudine Aicha Tsoumbou toujours l’objet de menaces s’exile au Cameroun où elle restera pendant trois ans.
Militante pour une commission « vérité-justice et réconciliation »
À son retour au Gabon, Claudine Aïcha Tsoumbou a toujours en tête de vouloir faire éclater la vérité sur cette funeste nuit du 31 août 2016, mais se heurte à l’omerta qui règne au Gabon sur la question de « l’attaque du Q.G. ». Le coup d’Etat du 30 août 2023 redonne espoir à la jeune femme qui demande que les victimes de la répression postélectorale de 2016 au Gabon obtiennent justice et surtout que les parents des disparus – comme ceux de Tchinga Gildas – puissent enfin savoir ce qui leur est arrivé.
Elle lance alors avec d’autres militants comme Armel Mwinbine Mouendou Mbina un appel à la création d’une commission « Vérité-justice et réconcilaition sur le modèle sud-africain post apartheid et continue à raconter aux médias les horreurs qu’elle a vécue pendant l’assaut du Quartier Général de Jean Ping et les jours qui ont suivis.
Mais la démarche d’Aicha Tsoumbou dérange puisqu’elle met en lumière par son témoignage glaçant les atrocités commises par les militaires gabonais et pointe le comportement inconséquent si ce n’est complice des acteurs politiques du Gabon.
Suivie et sur écoute, Aïcha Tsoumbou continue à parler, à dénoncer ce qu’elle a vu et ce qu’elle a subi.
Arrêtée et battue
Jeudi 6 avril 2024, Aïcha a été enlevée et battue par des militaires qui l’ont conduit manu militari à la sinistre Direction Générale des Contres Ingérences et de la Sécurité Militaire (DGCISM – communément appelée B2) où son téléphone est confisqué, elle est libérée quelques heures après. Le lendemain, Claudine Tsoumbou est de nouveau arrêtée par les renseignements militaires du Gabon qui la jettent en cellule pour avoir – selon eux – tenté de dégrader des véhicules de l’armée gabonaise avec un balai…
Claudine Aïcha Tsoumbou est une voix gênante pour les nouvelles autorités du Gabon sans doute plus encore qu’elle ne l’étaient pour les précédentes, car les militaires gabonais qui aujourd’hui décrivent leur prise de pouvoir comme « le coup de la libération » en réalité ont pour plusieurs d’entre eux – dont des officiers de haut rang – du sang de leurs compatriotes sur les mains…
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