Au Gabon les droits de l’homme sont proclamés et inscrits dans la constitution de 1991. En réalité, la torture est allègrement pratiquée ainsi que des moyens de répressions dignes des régimes les plus brutaux qu’a connus la planète.
Au Gabon, les régimes ont toujours eu recours au meurtre et à la torture. Dès l’indépendance, tous les pourfendeurs du premier président Léon Mba étaient systématiquement arrêtés et battus. Léon Mba lui-même s’y adonnait à cœur joie et ordonnait que soit « corrigés » – c’est à dire passés à tabac – ceux qui n’osaient pas saluer son cortège. Après l’échec du coup d’Etat du 18 Février 1964, on vit apparaître des centres de détention et de tortures clandestins (notamment dans la foret de Nzeng Ayong à Libreville) et la nouvelle garde prétorienne (La Garde Présidentielle, GP) n’hésitait pas à battre publiquement les opposants au régime et à les traîner dans la rue tous nus. En 1967, lorsque meurt Léon Mba, son régime torture et tue ses opposants politiques (notamment les Lieutenants Mbene et Kambo). Son successeur Albert Bernard Bongo, ancien directeur de cabinet et vice président, va le perfectionner.
Assassinats d’hommes politiques
Dès 1971, Albert Bongo fait sa première victime célèbre: Germain Mba. Ancien secrétaire général de l’Union Africaine et Malgache, opposant déclaré à Léon Mba puis à Bongo finalement rallié à son régime grâce aux bons offices de Félix Hophouet Boigny. Malgré son ralliement Bongo veut le tuer et lorsqu’on lui demande pourquoi il répond : « C’est un marxiste qui veut ma place ». Fraîchement nommé Ambassadeur à Tokyo et de passage dans la capitale gabonaise Germain Mba est abattu de plusieurs balles, son corps emporté et à ce jour nul ne sait ce qu’il est devenu. Selon certaines sources ayant requises l’anonymat il aurait été décapité et sa tête offerte en trophée…
D’autres personnes « connues » seront assassinés à la suite de Germain Mba notamment :
– Ndouna Depénaud assassiné devant son domicile du quartier Akébé à Libreville par trois éléments de la garde présidentielle 1977.
– Joseph Rendjambé opposant farouche à Omar Bongo assassiné à l’hôtel de Libreville le 22 Mai 1990 à Libreville au sortir de la conférence nationale où il avait « violemment critiqué la gestion scabreuse du Gabon » et « humilié personnellement » Ali Bongo héritier désigné de son père.
Doukakas Nziengui, opposant, membre fondateur d’un parti d’opposition sous l’ère du parti unique mort en prison suite à la torture le 12 Décembre 1990.
A cette liste non exhaustive il convient d’ajouter tous les anonymes morts mais surtout disparus du jour au lendemain pour avoir osé critiquer l’ « arme du présent et du futur » c’est à dire Albert Bernard Bongo devenu Omar depuis sa conversion à l’Islam en 1977.
« Qui me montre du doigt je le lui mords »
Quant aux détracteurs du parti unique qui ont la chance d’échapper à un sort funeste, ils sont – lorsqu’ils sont arrêtés – torturés dans les locaux du Centre de la Documentation (CEDOC), à la Direction Générale des Contre Ingérences et de la Sécurité Militaire (DGCISM, communément appelé B2) ou dans l’une de des bases militaires de la Garde Présidentielle notamment celle du Cap Estérias dans la banlieue de Libreville. Parmi les personnes les plus célèbres ayant subi la torture on peut citer sans exhaustivité : Pierre Louis Agondjo Okawé, Ferdinand Oyono Aba ‘a, Luc Bengono Nsi…
Omar Bongo détestait les critiques, notamment ceux qui osaient lui montrer du doigt en le dénonçant son régime prédateur et avait pris la peine de les mettre en garde : « Je n’aime pas qu’on me montre du doigt, celui qui me montre du doigt je le lui mord et je le lui coupe ».
Officiellement la torture est interdite par l’article Premier de la constitution du Gabon depuis 1991. Dans les faits elle n’a jamais cessée et l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir n’a rien changé, bien au contraire. Ali Bongo s’est mis « au travail » le jour même de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 2009 en réprimant dans le sang les contestataires qui dénonçaient son élection plus que douteuse. Dans la ville de Port Gentil, des « vols de la mort » sont organisés : les corps lestés des victimes des émeutes sont jetés dans l’océan atlantique par hélicoptère…
Viol dans les locaux des « services spéciaux »
De nombreuses personnes ayant requis l’anonymat, on confirmé avoir subis des abus sexuels dans l’enceinte de la DGCISM (le « B2 »)par des « agents » de ladite « agence ». Le cas le plus emblématique des abus sexuels pratiqués par « les services spéciaux » du Gabon est celui de Lionel Engongah, membre du syndicat étudiant de l’Université Omar Bongo de Libreville au moment des faits.
Le 17 Décembre 2014, Lionel Engongah rend visite à son ami et condisciple Nicolas Ondo président du syndicat étudiant de l’Université Omar Bongo arrêté par la DGCISM quelques jours auparavant. Une fois dans les locaux du service de renseignements ,il est lui aussi mis aux arrêts par le Capitaine Omer Elingui. Il est déshabillé passé à tabac et jeté dans une cellule. Dans la nuit du 18 au 19 Décembre 2014, vers deux heures du matin, il est extrait de sa cellule, conduit au bureau du Capitaine Omer Elingui porte 109 où il retrouve le président du syndicat étudiant Nicolas Ondo Obame pour un interrogatoire. Le capitaine Omer Elingui estime que les étudiants ne sont pas coopératifs et décide de leur infliger « une correction » c’est à dire un autre passage à tabac. Le nouveau passage à tabac ne donnant rien, le Capitaine ordonne le viol pur et simple de Lionel Engongah dans sa cellule par des « agents spéciaux ». Lionel Engogah est immobilisé, pistolet automatique sur la tempe et sodomisé par des agents de la DGCSIM. Après sa « libération », Lionel Engongah décide de braver les menaces et de briser l’omerta en témoignant à visage découvert tout en tentant de porter plainte. Malgré les preuves irréfutables sa plainte n’a pas été jugée recevable confirmant ce que lui avait dit le capitaine du « B2 » : « Tes cours de droits doivent rester à la fac (…) c’est au pays des Blancs qu’on respecte les droits de l’Homme et non chez nous » .
Caravanes de la mort
La crise post électorale de 2016 a mis à contribution la machine répressive et celle ci a tourné à plein régime avec aux commandes Ali Bongo lui même qui a assisté en personne à l’assaut du QG de son rival Jean Ping. Des hommes en armes cagoulés circulant en « pick up blancs » sèment la mort dans les différents quartiers de la capitale du Gabon. Même après la crise post électorale ces «pick up blancs» sont toujours redoutés et sèment toujours la terreur en procédant à des enlèvements. Le 04 Décembre 2017 au quartier Akébé poteau à Libreville, le corps d’un jeune homme est jeté d’un « pickup blanc ». Le corps du jeune homme porte des traces de sévices horribles mais surtout des traces de menottes,aucun constat de police n’est fait, aucune enquête ouverte, le crime est signé et tout le monde le sait et tout le monde se tait . Prise de peur et intimidée, la famille refuse de donner l’identité même du le supplicié qui a été enterré dans la discrétion et préférant se murer dans le silence. Comme celles-ci, de nombreuses familles préfèrent « ne pas faire de bruit » et enterrer les corps de leurs enfants (quand elles les trouvent) dans l’anonymat par peur et convaincus de l’impunité dont jouissent ces véritables escadrons de la mort.
«Macoutisme scientifique»
Sur les commanditaires de ces enlèvements, un officier supérieur de la police gabonaise confie : « Nous savons qu’il y a des kidnappings tous les jours mais ils sont organisés par le gouvernement » et un autre de reconnaître leur impuissance « même nous les policiers on ne peut rien faire, il y a des milices qui sont organisés au Gabon pour enlever les opposants au régime ». Mais Pourquoi à ce jour aucun leader politique gabonais n’a été arrêté? Selon un officier supérieur des services spéciaux du Gabon que nous avons rencontré dans un restaurant huppé parisien : «Le choix de s’en prendre aux petites gens n’est pas anodin, car si on arrête ou assassine un leader politique comme Jean Ping cela fait du bruit et peut menacer le pouvoir comme en 1990 lorsque qu’ on a assassiné Joseph Renjambé. Le pouvoir a failli tomber cette année là et le père [Omar Bongo, Ndlr] a retenu la leçon que le patron [Ali Bongo, Ndlr] n’a pas oublié. Tandis que si on s’en prend à ses supporters c’est plus facile, les populations sont terrorisés et il devient un général sans troupes. Quant aux supporters téméraires, ils sont plus facilement cueillis et traités comme il se doit. Tout en veillant de ne pas en tuer trop. Car nous avons des quotas et quand cela arrive on doit absolument ne pas laisser traîner les corps, nous avons des spécialistes pour ça. C’est un système répressif intelligent, je dirais même scientifique. A cela s’ajoute les outils de surveillance informatique dont nous disposons , des agents et indicateurs à l’étranger. Sans oublier que la mollesse des opposants nous facile énormément les choses. Ces gens là sont de grands bourgeois qui ont une peur bleue de la torture et de la prison. Le pays est sécurisé».
Lieux de détentions extrajudiciaires
Il existe toujours au Gabon des lieux de détention extrajudiciaires dont l’un d’entre eux se trouve dans l’enceinte même d’un complexe administratif et militaire protégé par la Garde Républicaine appelé pompeusement « Cité de la Démocratie ». C’est dans cette enceinte qu’ont été détenus deux gabonais politiquement engagés contre le régime en place : Armel Mouendou Mbina et Alain Mbela Obame. Préalablement enlevés par des hommes dans un « pick up blanc » après avoir essuyé des tirs d’armes à feu. Ils sont conduits à la « cité de la démocratie » où ils sont torturés. Durant ses deux premières semaines de « détention » Armel Mouendou Mbina est constamment « menotté, la bouche scotchée avec un bandeau noir aux yeux ». Régulièrement torturé par électrocution, ligoté battu sous la douche avec des tuyaux en cuivre, il est obligé une fois de manger 2 kilos de riz et de boire 3 litres d’eau pour avoir traité Ali Bongo de gourmand…
Plus tard, il seront transféré dans un autre lieu de «détention» une véritable «villa grimaldi» (du nom d’un célèbre centre de torture clandestin chilien sous Pinochet) où ils seront torturés en compagnie d’autres malheureux par des tortionnaires qui ont révélé sans ambages se débarrasser des corps de «ceux qui leur claquent entre les doigts».
Un gradé confie à Armel Mouendou Mbina avoir reçu l’ordre de les éliminer physiquement, mais qu’écœuré il a refusé de le faire. Armel Mouendou Mbina et Alain Mbela Obame auront passé 11 mois détenus et torturés dans l’enceinte de la « cité de la démocratie » puis dans la «villa» avant d’être « libérés » en Novembre 2018.
Le précieux témoignage d’Armel Mouendou Mbina nous apprend un peu plus sur ces « escadrons de la mort ». Ils sont dirigés par le plus célèbre Colonel de la Garde Républicaine dont on peut aisément deviner l’identité et composé d’éléments provenant de divers corps des forces de défense et de sécurité du Gabon. Le témoignage d’Armel Mouendou Mbina nous apprend aussi que des hautes personnalités notamment des ministres et le procureur de la République connaissent ces méthodes extrajudiciaires puisqu’ils se sont rendus à la sinistre «villa».
Au moment où nous écrivons ces lignes, les centre de détentions extrajudiciaires de la «cité de la Démocratie » et la «Villa» sont toujours fonctionnels et des gens y sont toujours détenus et torturés. Avec les derniers événements, notamment la «fatigue sévère» du «patron», les « services spéciaux » sont en état d’alerte maximale et assurent avec efficacité leur mission: protéger un régime prédateur vieux de plus de 50 ans.