Soucieux de présenter de son régime une image plus lisse et plus respectable tout en gardant tous les attributs et les méthodes d’un régime autocratique, les dirigeants du Gabon ont adopté de nouveaux « éléments de langage » pour une « com’ plus efficace » : une pratique pas si récente.
Une chronique de Jocksy Ondo Louemba
Le régime gabonais au pouvoir depuis 1967, a toujours eu une volonté ferme : bénéficier d’une image de marque dans le monde en général et en France en particulier. Intrinsèquement prédateur et peu soucieux des droits de l’homme, le « régime Bongo » du temps du père s’était évertué à vendre l’image d’un « Gabon paradisiaque » qualifié par la presse de l’ époque « d’Emirat d’Afrique », de « miracle africain » sans pour autant œuvrer en réalité dans ce sens. Omar Bongo lui-même, se présentait toujours comme un « homme de dialogue », de « sagesse » et de « Paix » alors qu’il jetait en prison, faisait torturer et même disparaitre les voix discordantes .
« Un pays de paix »
Le Gabon était donc « Un Pays de paix », le parti unique était le « garant de l’unité nationale », Omar Bongo « le seul capable de maintenir la paix » et bien sur tous les opposants étaient des « partisans du désordre et du chaos », animés du seul désir « de faire couler le sang des gabonais », « des sorciers et perfides trompeurs » qu’il fallait « traquer et chasser ».
Malgré l’abandon parti unique sous la pression populaire, le régime su se maintenir au pouvoir en fraudant les élections et eut recours à une méthode efficace : il calma les contestations par un appel à « la paix des braves » pour éviter « une congolisation du pays » et tous les acteurs politiques furent donc invités au « dialogue » à Paris et finirent par signer des accords du même nom…
A la mort de « Papa Omar » en juin 2009 son fils « Ya Ali » entendez le « grand frère de tous les gabonais » l’usage de cette novlangue va se poursuivre.
Une affaire de « pillards »
Les gabonais se plaignent de la mauvaise qualité du système de santé ? « Ils refusent de voir les choses en face ». Le chômage chronique ? « Ce sont des paresseux qui refusent de travailler ». Les étudiants se plaignent de leurs conditions d’études ? « Ce sont des jeunes manipulés par les ennemis du Gabon ». On organise à coup de milliards une Coupe d’Afrique des Nations au lieu de prioriser le social et la lutte contre le chômage ? « Le développement du Sport au Gabon sera générateur de milliers d’emplois et positionnera le Gabon comme un pays phare ! ».
Concernant les victimes de la répression post-électorale de 2016 Ali Bongo en personne rassure que « Seulement quatre pillards ont été abattus » et que « les parents vont retrouver leurs enfants disparus ».
La « mort naturelle » des prisonniers politiques
Interrogée sur l’existence des prisonniers politiques au Gabon, l’actuelle Premier ministre a balayée d’un revers de la main leur existence. Evidement, Il y a toujours eu des prisonniers politiques au Gabon depuis l’indépendance et bien sûr ils n’ont jamais été reconnus comme tels. Et même lorsqu’à la suite de tortures et de mauvais traitements, il arrivait qu’un prisonnier meurt en prison comme Doukakas Nziengui Moukwati en 1989, on persistait à parler de « mort naturelle »…
Aujourd’hui et malgré l’absurdité des accusations, la parodie de procès et les tortures particulièrement atroces qu’il a subies ( Tortures qui n’ont pas émues « le tribunal » au demeurant !) Bertrand Zibi coupable du crime de « lèse Bongo » est tout sauf un prisonnier politique. Idem pour Armel Mouendou Mbina jeté en Prison pour « outrage au Chef de l’Etat » (sic) en réalité pour avoir révélé l’existence d’escadrons de la mort et l’existence de lieux de détentions extra-judiciaires notamment dans l’enceinte d’un complexe militaro-administratif dénommé ironiquement « Cité de la Démocratie ».
Terroristes, forcément
Le régime gabonais se revendique démocratique comme son parti unique jadis mais il n’aime pas beaucoup les opposants qu’il ne contrôle pas et surtout lorsque ceux-ci décident de s’organiser en mouvement d’action politique sur le terrain au Gabon. Au début du règne d’Ali Bongo, les opposants étaient des « jaloux » et des « aigris » ou encore des « jeunes perdus ». Aujourd’hui, les plus déterminés et incorruptibles d’entre eux sont désormais qualifiés de « terroristes » c’est la cas de Consty Ondo qui ayant échappé à un enlèvement a fini par être jeté en prison pour « atteinte à la sureté de l’Etat » et surtout « terrorisme »…
Mais le dernier né de la novlangue pour désigner les opposants au régime d’Ali Bongo est sans conteste le terme de « remetteur de cause » car selon la « Première femme Premier ministre du Gabon » (sic) le terme d’ « opposant » n’est pas adapté. En effet, quelqu’un qui remet en cause est bien plus inoffensif pour un régime autoritaire que quelqu’un qui s’oppose.
Il suffisait d’y penser.