Candidat à la présidence, Jean Ping a achevé une tournée au coeur du sanctuaire du clan Bongo.
Un opposant en campagne électorale, voici une image à priori banale. Pourtant dans le Gabon d’aujourd’hui et pour peu que nous nous trouvions au coeur du fief du clan Bongo, une telle vision est bel et bien inimaginable. Président de la commission de l’Union Africaine, qui a succédé à l’Organisation pour l’Unité Africaine, l’opposant Jean Ping a bien tenu un meeting, le 23 mars dernier, à Bongoville, la ville natale de feu Omar Bongo, le propre père de l’actuel Président Ali Bongo. Une première ! Jusqu’à présent, le « village natal » du grand Bongo, au coeur de la province du Haut Ogooué, avait toujours été strictement interdit à tous les pourfendeurs du régime.
En « terre sainte »
Au Gabon, une logique tribaliste a voulu que la province dont le président Omar Bongo Ondimba était originaire et plus encore l’endroit où il est né soient des terres inviolables. Il y est formellement interdit d’y critiquer sa politique pis encore d’accueillir ceux qui le font et osent s’opposer à lui. Cette logique tribale et complément hors du temps avait entrainé les thuriféraires du pouvoir à s’opposer à la venue d’opposants dans le haut Ogooué, « la province du président ».
De nombreux hommes politiques n’essayaient même plus d’y mettre les pieds préférant simplement « aller ailleurs ». Progressivement, le Haut Ogooué avait cessé d’être une province à part entière pour devenir une province entièrement à part. D’ailleurs plus personne ne s’étonnait d’y voir « scores à la soviet » (100%) obtenus par Omar puis Ali Bongo lors des élections présidentielles…
Province interdite
Pourtant, plusieurs hommes politiques avaient tenté d’organiser des meetings dans le haut Ogooué. Pierre Mamboudou de l’Union du Peuple Gabonais avait essayé en 2005 de tenir un meeting à Franceville, il s’était fait lapider par des « ultra-tribalistes » et n’avait pas pu le terminer. Quelques jours après, une certaine foule armée de gourdins et de pierres lui avait barré le passage alors qu’il se rendait dans une autre localité l’empêchant ainsi de poursuivre sa tournée dans le Haut Ogooué.
En 2009, André Mba Obame, un ancien proche d’Ali Bongo Ondimba, avait lui aussi tenté d’y tenir des meetings, mais les nombreuses tracasseries avaient fini par avoir raison de sa détermination.
Pour Pierre Mamboundou comme pour André Mba Obame, il était hors de question qu’un meeting politique se tienne dans la ville natale d’Omar Bongo, Bongoville. Personne n’avait osaé sérieusement s’y aventurer.
Pour les défenseurs de cette dangereuse aberration, la province du Haut Ogooué et la ville natale d’Omar Bongo ne pouvaient accueillir que des inconditionnels chantant des cantiques magnifiant l’œuvre du « grand camarade fondateur du Parti démocratique Gabonais », ou à défaut le « rénovateur du Gabon ».
Le Haut Ogooué, le « G2 » était donc pour toute personne opposée au régime une province interdite et Bongoville, ville natale d’Omar Bongo un « lieu saint » où les empêcheurs de tourner en rond n’étaient pas admis.
Tour de force
Il a donc fallu attendre Jean Ping pour qu’un opposant au régime au pouvoir depuis 1967 puisse s’exprimer dans le haut Ogooué. Mais cela ne s’est pas fait sans embuches, puisque lors de sa première tentative, Jean Ping s’était vu refuser toute chambre d’hôtel pour dormir et toute salle pour tenir son meeting, on lui avait aussi formellement interdit de tenter un meeting sur la voie publique. Malgré tout, Jean Ping avait tenu à s’exprimer à Franceville mais c’est dans une concession privée qu’il avait pu tenir son premier meeting dans le haut Ogooué.
Après une tournée dans le reste du Gabon, Jean Ping annonce à la mi – mars 2016 son retour dans le Haut Ogooué. Jean Ping y est reçu avec ferveur. On lui remet même les clés de la ville de Léconi.
Pour autant, les tracasseries n’ont pas cessé. L’électricité a été coupée durant ses meetings. Mais il n’en reste pas moins que Jean Ping a pu parler à Bongoville le 23 Mars dernier. A la grande satisfaction de nombreux gabonais heureux de constater le retour de ce territoire dans le giron républicain.
Certains ont bien tenté de perturber le meeting de Jean Ping à Bongoville; mais la clameur populaire a recouvert leurs vociférations, mettant fin à un interdit qui avait prévalu pendant près de 50 ans.